De la rentabilité du temps

De la rentabilité du temps

 AOù je parle encore de mes dissonances cognitives. Je suis quelqu’un qui veut faire, tout le temps. Ma vie pourrait être qu’une longue frustration de ne pas faire ceci ou cela. Alors j’essaie de maximiser la rentabilité du temps. Alors même que mon hypnothérapeuthe d’il y a presque 5 ans (oh…) m’avait dit de me calmer, de ne pas chercher à faire à tout prix. Je veux bien mais ne suis-je pas plus heureuse comme ça ? Evidemment, ça dépend. 

La rentabilité du temps
(c) Alex Perez

Rentabiliser les moments nuls

La rentabilité du temps se base sur l’idée de ne pas perdre son temps “gratos”. De rentabiliser ces moments qui pourraient me contrarier car ils sont nuls. Typiquement, pour aller bosser, j’en ai pour une heure de trajet. Une heure qui n’est pas du temps perdu puisque, selon les jours et les parcours, je peux faire plein de chose. Du sport déjà avec le vélo et/ou la marche. Puis je peux lire ou écrire. Lever le nez au moment clé pour voir la jolie maison repérée sur le trajet. Ou un joli lever de soleil. Bon, la maison, je la rate souvent parce que je suis précisément en train de lire ou d’écrire mais… 

Un lever de soleil sur la Garonne Une jolie maison bordelaise

Ecouter du féminisme en coupant mes légumes

Il y a le batch cooking du dimanche aussi. Mes dimanches après-midi, ce sont deux à trois heures de popote avec un étendage de linge quelque part et un appel à mes parents. Bon et une heure de sport (marche et/ou vélo, toujours). Rassurez-vous, la semaine, vu que je suis celle qui quitte la maison, je fous rien. S’il y a quelque chose d’un peu satisfaisant à débiter les légumes (si), ça peut représenter une perte sèche de temps. Et bien pas de panique : pendant ces quelques longues minutes, j’écoute un livre. Plutôt de la sociologie ou des sciences humaines, histoire de me cultiver un peu. J’adore écouter de la littérature féministe pendant que je cuisine ou que je frotte la paroi en verre de la douche. Dissonance cognitive, on disait.

Trouver comment se faire plaisir

J’ai toujours essayé de rentabiliser le temps. Je me souviens de ce cours le vendredi à 8h30 à la fac quand j’étais en licence. C’était nul parce que la prof s’en foutait royalement mais pour moi, y aller représentait un triple avantage. De un, les jours de beau temps, alors que le métro passait par dessus la rocade toulousaine, je pouvais apercevoir les Pyrénées. Même aujourd’hui, rien ne me séduit plus que la vision un peu étrange de ces montagnes qui semblent un peu flotter dans les airs. Ensuite, j’espérais que la prof allait un peu enregistrer ma trogne pour les exams de fin d’année. Spoiler : non. Mais surtout, ça me permettait d’écrire mes lettres de 40 pages à une de mes amies qui était partie à Montpellier quelques années plus tôt. Je me souviens d’avoir écrit une lettre à mon mec de l’époque aussi un peu en mode “faut qu’on parle”. Et quand j’ai fini la dite lettre, j’ai réalisé que je n’avais plus besoin de la donner. Un excellent exemple de lettre de vidange

Ne pas perdre une minute

Les exemples, je peux les multiplier à l’infini. J’ai écrit Green ! dans le RER et le métro. J’essaie de reprendre cette habitude pour ma comédie romantique du moment. Même si au bout de 37 pages, y a toujours pas eu de premier baiser mais il arrive, il est là. Je vais sans doute l’écrire aujourd’hui ou demain. A une époque où les gens étaient peu motivés pour mettre leur caméra pendant les réunions, je faisais du Powerpoint art à balle. Là, je galère un peu plus quand même… Tout est un peu occasion à tout tant que je n’ai pas l’impression de perdre mon temps. Par exemple, pour reparler des transports, rien ne m’énerve plus que de ne pas avoir les bonnes infos sur l’état du trafic ou le temps d’attente. Parce qu’attendre sans savoir me crée une diversion désagréable, une sorte de charge mentale. Parce qu’au lieu d’écrire que Claire a très envie d’embrasser Stéphane mais que bon, ça peut être une mauvaise idée, je me questionne sur ce que je dois faire. Marcher jusqu’à la prochaine station ou prendre un autre transport ? Puis je déprime sur l’idée que je vais être en retard alors que je déteste ça et je maudis plein de gens un peu gratos. Ca fait pas venir le tram mais ça défoule un peu.

Attendre le bus
(c) Jana Schnipelson

Les calculs sont pourtant bons

Sauf qu’à s’obséder à vouloir rentabiliser son temps à tout prix, on finit par tomber dans une sorte d’orthorexie mentale. L’obsession de tout rentabiliser. Dans un univers parfait, je parviendrais à consacrer une heure par jour au sport, une à l’écriture, une au powerpoint art et une à la lecture. Sur le papier, les calculs sont bons. Regardez : quatre heures de loisirs plus huit heures de travail, il me reste encore douze heures pour manger, dormir, mettre à jour mes blogs… Même avoir une vie sociale ! Mais dans la vraie vie, tout ne matche pas comme ça. Le sport, bon an mal an, j’y arrive. Et à présent que j’ai un nouveau vélo, j’envisage un nouveau trajet qui me permettra de faire une heure de vélo par jour (2*30). Avec un peu de marche en prime, sur le sport, on est bon. Sur la lecture, avec mon nouveau trajet, ça peut passer aussi. J’écris sur un trajet (plutôt le retour), ça devrait me faire une trentaine de minutes. Le soir, je lis certes un peu moins pour cause d’assoupissement mais si on rajoute le livre audio, que j’écoute pendant ma marche du midi, ça passe. L’écriture, même topo. J’ai un trajet, plutôt l’aller, qui me fait trente à quarante minutes. Et j’essaie d’écrire un peu dans la journée entre deux tâches mais pas toujours évident. Par contre, le Powerpoint art… Ce n’est pas compliqué. Soit j’écris, soit je dessine mais les deux dans la même journée…

Sauf que la fatigue

Et puis y a des facteurs qui minent un peu mon obsession de rentabilité du temps. Que s’appelerio la fatigue et la morosité. Surtout en ce moment où tu as l’impression que la nuit, le froid et la pluie ne te quitteront plus jamais. Ca arrive et il faut accepter ça, même si ça fait chier. Cette semaine, par exemple, je ne suis pas allée au cours de sport lundi car j’avais trop de travail. Je me suis dit que je rattraperai mardi soir car je rentrerais tôt, contrairement à mon mec qui était sur Paris. Je suis rentrée chez moi à 18h, lui à 21h et durant ce temps, j’ai juste fait un risotto de coquillette et pas mal glandé sur mon téléphone. Alors, je me suis consolée. “Pas grave, demain soir, mon mec a son premier conseil du syndic de la résidence, j’irai marcher rapidement pendant ce temps”. J’ai eu la flemme de sortir. Et de faire du sport dans mon bureau. Parce que la fatigue de cette nuit perpétuelle. En plus, cette année, je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais j’ai tellement pas vu Noël venir… Je ne suis pas du tout dans l’ambiance ni excitée à la perspective d’avoir quelques jours de congés. Heureusement, on a quand même bu un vin chaud l’autre jour histoire de.

Vin chaud

La procrastination gaspille le temps

J’ai souvent l’impression que le facteur principal de mes pertes de temps, c’est moi. Mes procrastinations infinies, notamment. Sauf que je ne crois pas qu’il puisse en être autrement. Pour faire un parallèle avec l’orthorexie au sens propre du terme, c’est comme si je pensais qu’il soit possible de manger du brocolis vapeur tous les jours de l’année. Indépendamment de sa provenance, donc. J’aime vraiment bien le brocolis vapeur mais à un moment, ça peut pas tenir. Même si j’en mangeais des kilos pour être rassasiée. Parce que la vie fait qu’à des moments, tu as plus envie d’une nourriture réconfortante. Je ne parle même pas forcément de craquage mais quand il fait froid, j’ai plus envie de manger un gratin de pâtes que des brocolis vapeur, par exemple. Et ce n’est pas grave. 

La vie n’est pas une énergie linéaire

Alors oui, c’est sûr que ne rien faire ne m’aidera pas dans mes rêves fous d’être une super slasheuse qui écrit des romans pour être autrice virtuelle, qui a sa petite boutique de Powerpoint art et qui a, en plus, une solide culture et un booty musclé. Mais le mot -clé, c’est peut-être rêve fou, finalement. Je suis humaine, avec mes hauts et mes bas. Et c’est marrant comme j’ai plus tendance à me flageller sur mes bas qu’à m’auto-« give me five » sur mes hauts. Parce que y a des jours où vraiment, je dépote. Peut-être que le jour où j’admettrais que la vie, c’est plus un océan avec ses vagues que la surface lisse d’un étang, ça ira mieux.

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