Etre en retard, est-ce si grave ?
La vie aime me donner des leçons. Et des fois, elles sont un peu nulles, je ne vous cache pas. Mais si ça peut me servir de base pour un article, je prends. Si je devais résumer ma vie, je dirais que la vingtaine et la trentaine m’ont aidé à construire une personnalité, la quarantaine me sert à la déconstruire. Enfin, déconstruire ce qui me fait du tort, plus précisément. Vider mon placard à anxiétés, en gros. Et récemment, la vie m’en a mis une sous le nez qui, je me rends compte, peut me causer du tort : mon angoisse limite maladive d’être en retard.
On ne gère pas toujours son temps
J’ai déjà parlé du bonheur d’être en avance et je maintiens. Quand je suis en avance le matin pour le boulot, par exemple, ça me permet de descendre un ou deux arrêts de tram plus tôt et de me faire une petite balade, seule avec mes pensées. La marche pré-boulot, je vous jure que c’est la vie. Mais on ne peut pas toujours avoir le luxe d’être en avance, non plus. Parfois, on sera juste à l’heure. Et oui, le retard peut être préjudiciable mais il faut un peu se calmer. Déjà, on ne gère pas tous les impondérables et ensuite, on peut ne pas être à trois minutes près. Et on note également qu’arriver à l’heure, ce n’est pas être en retard.
Un téléphone noyé
Pourquoi je parle de ça ? Suite à deux histoires. Mardi 31 octobre, je dois me rendre chez le doc. Je me prépare à partir et au dernier moment, je décide de passer aux toilettes par prudence. Il ne me reste que deux minutes mais… Je baisse mon pantalon et plouf. Quoi plouf ? Interloquée, je me retourne et…qui qui gît au fond des toilettes, presque entièrement immergé ? Mon téléphone bien sûr. Bon, bref, comme j’ai dû partir, il a attendu un peu pour son bain de riz mais il a fini par décéder quand même. Blam, 265 balles de gaspillés dans l’achat d’un nouveau smartphone. Oui, je ne suis pas de ces pigeonnes qui mettent un smic dans un téléphone. Je m’en sers juste pour faire des photos de mes chats et jouer au sudoku donc bon… Mais je n’avais pas prévu cette dépense-là.
Le retard me stresse, même celui des autres
Mais pendant que je cheminais vers ma destination, agacée par ma maladresse, m’est revenu en tête une histoire ayant eu lieu deux semaines plus tôt. Je suis dans un taxi avec Philippe, mon DG. Il faut savoir qu’avec Philippe, on a deux sujets de conversation, en gros : le vélo et la ponctualité. Oui le vélo parce que j’ai commencé ce job avec un gros pansement au niveau du coude rapport à une sale chute de vélo et apparemment, je suis la Jeanie Longo du gang. Ma pire imposture, je crois. Quant à la ponctualité, on a établi de suite qu’on n’avait pas du tout le même rapport au temps puisque lui ne se stresse jamais sur les horaires alors que moi, je suis du genre à prendre de l’avance sur l’avance tellement je balise d’être en retard. Nous sommes donc dans le taxi qui nous ramène à la gare. Lui pour prendre son train, moi mon vélo. Et ça traîne, ça n’avance pas. Le temps défile. Finalement, on arrive à la gare, 5 minutes avant son départ. Lui était zen, moi je n’étais plus qu’une flaque de stress. Alors que ce n’était même pas moi qui prenais le train.
Parfois, il y a des impondérables
Et j’y repense en marchant. Rater un train, c’est pénible. Ca m’est déjà arrivé. Deux fois parce que je m’étais trompée d’heure. Deux fois parce que mon transport a été interrompu en chemin. J’ai failli le rater deux fois pour des problèmes de circulation. Mais à chaque fois que je l’ai loupé, j’ai pris le suivant et on n’en parlait plus. C’était potentiellement pénible mais pas irréparable. Et surtout ce n’était pas toujours de ma faute. Les vacances en Dordogne ont commencé comme ça, aussi. On part prendre le tram à la cool avec Victor et : plus de tram. Et le bolt que j’ai appelé ne s’est pas arrêté devant nous, il s’est barré (prendre une autre course, j’imagine). On a raté notre train mais vu que c’était un TER, on a pris le suivant sans tracas. Les impondérables arrivent… et c’est justement mon problème.
Une histoire nulle qui illustre parfaitement mes angoisses
Mon histoire de téléphone noyé est à la conjonction de deux de mes pires travers : l’obsession de la perfection et mes angoisses d’anticipation. Bref, je pense que j’aurais pu faire un rendez-vous complet avec ma psy juste sur cet épisode-là. Alors qu’en plus, je suis arrivée à l’heure à mon rendez-vous vu que j’y allais à pied. J’avais prévu de prendre le bus initialement mais les bus Bordelais ont tout changé et maintenant, y en a quasi plus. Je ? Mais le fait d’y aller à pied mettait à mal pas mal d’impondérables. Je veux dire à part une chute ou une chaussure qui décède, je sais très bien à quelle heure je vais arriver. Mais j’ai commencé à anticiper la possibilité que je serais en retard et j’ai paniqué. J’ai anticipé le fait que certains examens pouvaient être compliqués si j’étais pas sereine de la vessie. Je suis aussi ce genre de personnes qui s’épile pour un rendez-vous médical si c’est pas déjà nickel, oui. L’épilation, c’est vraiment l’injonction patriarcale que j’arrive pas à gérer. Alors que je suis même pas poilue. Bref, j’ai voulu arriver parfaite au rendez-vous : en avance, propre et sans rien de peu clean entre les jambes. Et c’est mon téléphone qui est mort sur l’autel de cette volonté-là.
Etre à l’heure, c’est mieux mais…
J’ai une devise de merde “être à l’heure, c’est déjà être en retard”. Il va falloir se calmer, madame. Oui, personne n’aime attendre. Oui, être en retard peut faire rater un train. Et oui, je déteste arriver en PLS et parfois en sueur à un rendez-vous parce que je suis en retard. Etre en avance me permet de me mettre bien. Typiquement pour un entretien où je dois en rendre en physique, ça évite que j’arrive un peu défaite. On n’a pas deux fois l’occasion de faire une première bonne impression. Mais à l’inverse, je sais que j’excuse le retard. Tant qu’il n’est pas abusé, j’entends. Je me souviens avoir planté un pote qui avait plus de 30 minutes de retard. “Si, si, j’arrive.” “Bah moi, je repars, bye”. Mais c’était un coutumier. A l’inverse, jeudi, j’avais rendez-vous avec Anaïs que j’ai dû attendre un peu. Mais parce qu’elle devait attendre le retour de son mari pour partir. Et puis il ne pleuvait pas, il faisait même doux. J’ai attendu en avançant dans mon livre et l’attendre ne m’a littéralement rien coûté. Le retard arrive, même quand on est de bonne volonté. Parce que les impondérables : Anaïs devait attendre son mari qui, lui-même, était retardé par le trafic. Nous avons raté notre train initial pour la Dordogne parce que quelqu’un a oublié son sac dans le tram.
Du stress pour rien
Moralité ? Cette histoire de retard, c’est comme trop de choses dans ma vie : je me stresse pour rien. Je me rends presque malade pour des trucs où personne n’y fera vraiment attention. Je veux dire je serais allée tranquillement aux toilettes faire mes petites affaires, j’aurais sans doute fait attention à mon téléphone. Au pire, je serais arrivée deux minutes plus tard que pile à l’heure. La docteure m’aurait pris deux minutes plus tard, la consultation aurait fini deux minutes plus tard. Le monde se serait-il écroulé ? Non. Mon téléphone aurait-il été sauvé ? Peut-être. Mais surtout, je me serais évité une giclée de stress dont je n’ai déjà pas besoin au quotidien. Parce que cette histoire de téléphone est pénible mais anecdotique. Le vrai poison, c’est le stress que je me génère pour rien. Comme quand j’envoie un sms à ma cheffe pour lui dire que je serai en retard et que j’arrive à la même heure que d’habitude parce que finalement, non.
Je me génère mon propre stress
Alors oui, la vie est stressante pour mille et une raisons. Mais force est de constater qu’une part de mon stress quotidien, je me le génère toute seule. Oui, c’est sûr que c’est plus confortable d’être à l’heure, voire en avance. Mais le temps n’est pas non plus élastique et on ne peut pas toujours prendre cette marge de sécurité en plus. Tant que ce n’est pas une habitude, ce n’est pas si grave. On me pardonnera quelques minutes d’attente.