En vrai, mes traumas viennent essentiellement du travail

En vrai, mes traumas viennent essentiellement du travail

uOu comment j’ai vraiment pas été préparée à la vraie vie. Une semaine de 4 jours, youpi. Ca fera toujours un jour de moins à se faire humilier gratos par un manager toxique qui ne produit aucune valeur. Bon, je dis ça, ce n’est pas du tout mon cas à l’heure actuelle. Un mois et demi après mon embauche, la Lune de miel se poursuit. Mais ceux qui me suivent depuis longtemps savent que niveau pro, j’en ai chié. TGGP, Pubilon, l’affreuse Vanessa, Michel le toxique, Epicea, Sunlight… J’avais comme un don pour me faire recruter par des boîtes ou managers toxiques. Coïncidence ? Je ne crois pas. Car je trimballais sans doute mes traumas comme des médailles autour du cou.

Mes traumas pros
(c) Vasilis Caravitis

Comme un cercle vicieux

Je fais souvent des comparaisons entre le monde du travail et l’univers amoureux. Passer des entretiens alors que je suis en poste me faisait souvent penser à un adultère. Je veux dire, on se rend à un rendez-vous clandestin, on est amené à mentir sur son emploi du temps, il faut se pimper mais pas trop pour ne pas paraître suspecte… C’est pareil. Et de la même façon, j’ai l’impression que notre fragilité peut encourager des gens peu sains à nous choisir. A nous recruter. Attention, je ne me blâme pas et je ne blâme pas les personnes tombant dans les filets de personnes toxiques. Le problème, ce sont les personnes toxiques, par leurs victimes. Mais au-delà des gens, y a surtout un cercle vicieux du trauma. Et de la dépréciation de soi-même.

Suffit d’appliquer la méthode

Mon jeune moi me manque. Celle, ado, qui pensait qu’il lui suffisait de choisir une voie pour la suivre et réussir. Mes “échecs” scolaires étaient essentiellement dus à une gigantesque flemme m’encourageant à ne pas étudier les matières qui ne m’intéressaient pas. Genre les sciences. C’est pas que j’aimais pas mais le niveau “c’est pas sorcier” me suffisait. Le reste, dès qu’on rentrait dans le sulfate de ci, le dioxyde de ça, bof non. J’aimais bien les expériences pour leur côté ludique mais après… Bref, quand un sujet me plaisait, c’était simple. Suffisait d’apprendre, d’être méthodique. La vie est simple quand on la prend avec méthode. Tiens, je vais en faire un carton citation, vous pourrez le poster sur votre LinkedIn. Même si c’est totalement faux parce qu’en théorie, tout se passe toujours bien. Mais en pratique…

Carton citation "la vie est belle quand on la prend avec méthode"

Des boîtes toxiques, on en croise tous

En pratique, il est rare de connaître une carrière sans mal tomber. C’est souvent question de contexte. Là, par exemple, dans mon ancienne boîte au carré, leur nouveau truc, c’est de proposer des missions de merde. Genre une mission à plusieurs centaines de kilomètres de chez toi où on s’attend à du présentiel trois ou quatre jours par semaine. Tu refuses ? Ca va pas aider ton dossier, tu sais… Vu que tu es sur la sellette. Oui, c’est peu ou prou la méthode Pôle Emploi. Tu refuses une mission, tu es éliminé, allez hop. Ici, le problème ne vient pas du salarié et pas forcément de son manager direct. Des fois si car certains éprouvent une réelle joie à l’idée de torturer leurs subordonnés et je souhaite le pire à ces gens. A minima des rages de dent à répétition. Mais le ou la coupable, c’est souvent un contexte pété avec des N++ qui choisissent “d’écrémer” pour améliorer les chiffres et faire plaisir aux actionnaires. Ou alors des N++ en crise d’autorité qui ne veulent pas de vous car ils ne vous ont pas élu personnellement

Une justice globale

J’ai toujours cru en la justice immanente. Que quand on se comporte comme un trou du cul, ça se paye. Le karma, la balance cosmique, appelez ça comme vous voulez. Une vision binaire mais certes rassurante. En conséquence, il suffisait d’être une gentille personne pour tracer sa vie tranquille. La vision d’une jeune fille qui n’a pas beaucoup connu l’adversité dans sa vie. Peut-être ai-je été trop protégée, je sais pas. Peu importe au fond, la réponse à cette hypothèse ne m’aidera en rien. Je veux dire que ce soit l’oeuvre de mes parents ou du fait que je suis née du bon côté de la barrière ne m’aidera pas à mieux affronter la vie. J’ai toujours eu des facilités et un bon fond alors pour moi, la vie devrait être facile. Je pensais sincèrement que je réussirai ce que je déciderai de faire. 

Juste faire son travail, ça ne suffit pas

Et puis est arrivé le monde du travail et son INjustice immanente. Parce que je suis peut-être bien née mais certains médiocres sont partis avec un meilleur capital dans la vie. Genre l’affreux Père Gamblois d’Epicea. Ce genre de « fils de » imbitable qui semble croire que de donner du travail aux gens lui donne le droit de les maltraiter. Et encore, je parle du père Gamblois mais il n’était que la cerise sur la montagne de caca croisée précédemment. En plus, moi, je n’ai pas fait d’école de commerce, je n’ai jamais eu de cours de management de quoi que ce soit. Je suis ce genre de salariée naïve qui pense qu’il suffit de bien travailler pour grimper les barreaux de la hiérarchie. Ahah, idiote. Le monde du travail m’a dont appris que la vertu ne payait pas et que l’humiliation pouvait vite arriver. La méthode, la gentillesse et juste faire correctement son taf ne suffirait jamais.

Contents au travail
(c) Windows

Je n’ai pas réussi

Septembre 2023, quelques jours avant ma nouvelle embauche, me voici chez la psy. Oui, je vois une psy justement à cause du travail. De l’état de détresse dans lequel ça peut me mettre. Parce que je suis une viande à burn-out, pour commencer. Qu’il y a une déchirure profonde entre mes croyances (bien faire paie) et la réalité (être stratège paie, indépendamment de la qualité de ton travail). Que j’ai réalisé que je ne réussirai pas. Alors, certes, il semble que je ne sache pas non plus ce que je devais mettre derrière cette réussite. Qu’est-ce que je veux, au fond ? Très sincèrement, je cherche surtout à être sereine mais on va pas s’apesantir là-dessus. J’ai souvent eu l’impression d’être une ratée car je ne suis pas montée très haut dans la hiérarchie professionnelle. Oui, j’ai été “head of”. Moi, la brillante qui réussissait tout, je n’ai pas réussi à m’élever. Et que fait-on face à l’échec ? On se flagelle.

Je n’en fais jamais assez

Un des qualificatifs que j’adore m’auto-jeter au visage, c’est celui de paresseuse. Glandeuse, flemmarde. Reine de la procrastination. Cette auto-dépréciation est assez néfaste puisque je suis toujours en train d’essayer de faire plus, tout le temps, en dépit du bon sens. L’hypnothérapeuthe, à l’époque, avait souligné ce travers. “Pourquoi vouloir toujours faire plus, vous êtes l’une des personnes les plus actives que je connaisse”. Sans doute parce que j’ai été un peu pétrie d’illusions via les réseaux sociaux, avec tous ces gens qui ont l’air de faire tant de choses. Ceux qui lisent la presse et les livres intelligents genre socio ou géopolitique. Ceux qui font what mille loisirs créatifs. Surtout ceux qui écrivent des romans, des BD… Moi, je veux faire tout ça. Ah oui madame mais une journée ne fait que 24h donc la moitié consacrée au travail, aux transports et à l’alimentation. Et surtout, n’oublions pas que tous ces gens sur les réseaux sociaux qui ont le temps de faire plein de trucs… c’est souvent parce que c’est leur métier, en fait. 

Mes traumas sûrs

Longtemps, je me suis demandée d’où venait cette dépréciation ? Ca et le “je suis nulle”. Pas de traumatisme d’enfance ici. Autant pendant mes années d’adolescence ingrate, il m’a été reproché mon manque de dynamisme, pour le reste…  Hé oui, le travail. TMF et Pubilon, pour l’essentiel. Surtout Pubilon, boîte 100% toxique qui nous hante plus de 10 ans après. Je me souviens encore d’une collègue qui n’y a passé que quelques mois m’expliquer qu’elle arrivait tous les matins avec un mal de ventre terrible. Elle me disait ça plusieurs années après. Pour le coup, ce n’était pas compliqué, on n’en faisait jamais assez. Je me souviens d’un directeur qui s’était fâché avec le PDG après que celui-ci ait souligné que “l’équipe d’avant” ne partait jamais avant 22h. Alors deux choses : si tes équipes partent systématiquement aussi tard, c’est soit qu’elles sont sous-staffées, soit qu’elles s’activent en fin de journée. C’est dans cette même boîte des enfers qu’une manager pleurait parce qu’elle finissait tous les soirs à 23h… Bah quand tu commences à bosser à 18h dans le meilleur des cas, comment te dire… Bref, on me demandait plus que nécessaire et s’il y a des jours où j’ai été peu productive car ça arrive parfois, surtout quand on est occupé à postuler ailleurs pour quitter l’enfer, je n’ai pas non plus à rougir. Mais j’ai de solides traumas du monde du travail, c’est comme ça.

Mes traumas pro
(c) Anthony Tran

J’ai peur du loup

Bref, septembre 2023, je suis chez ma psy et je lui explique que j’ai peur. De quoi ? De ma prochaine expérience pro. Parce que de l’entretien à quasi la veille de mon embauche, je n’ai eu que des drapeaux verts. Entretien qui se passe comme dans un rêve. Ouais, j’ai eu la même chez Epicea avec le résultat que l’on sait. Ma future cheffe qui organise mon arrivée avec un petit déjeuner et un déjeuner avec les équipes. Ma future cheffe qui m’appelle pour m’expliquer qu’il y a une soirée prévue la semaine de mon arrivée et que si je veux, je suis la bienvenue. Une boîte si normalement humaine que j’ai commencé à traquer le loup. Ils me cachent quoi ? Le boss, c’est un dragon façon Gamblois ? Derrière le masque de douceur et de gentillesse, ma future cheffe est une Vanessa voire un Michel bis ? Vous imaginez à quel point il faut être fracassé de la tête pour aller chercher le mal à ce point ? Surtout que : plot twist ! Un mois et demi après, j’ai toujours pas trouvé de loup. Bien sûr que tout n’est pas parfait. Que je commence à voir se dessiner quelques mésententes ou jeux de pouvoir. Mais ils ne me concernent pas. Alors…

Où est le mal ?

Et c’est vraiment cette volonté de chercher le mal là où il n’existe vraisemblablement pas que j’ai compris. Je suis authentiquement traumatisée. Non seulement je n’ai plus confiance en moi mais je n’ai plus confiance en eux. Quel que soit ce eux. J’ai un réflexe depuis quelques boîtes, celui de la résistance. En gros, j’essaie de voler du temps à l’entreprise en compensation des préjudices subis. Une réunion ? J’écoute à moitié et je fais du powerpoint art. Cependant, j’ai jamais eu de réunions aussi productives que depuis que je fais ça vu que la moitié des réunions ne servent à rien. J’essaie d’organiser ma journée pour gratter 15 mn d’écriture par ici, un peu de powerpoint. De glandage sur les réseaux sociaux aussi même si entre l’effondrement de Twitter et mon décrochage total d’Instagram sans trop que je sache pourquoi, j’avoue que… J’ai tout à fait conscience que personne n’est productif trois à quatre heures d’affilée. Et je voudrais arriver à trouver un rythme de croisière de 5h de travail effectif par jour. Mais le fait que je parte de suite en mode “je vais les niquer parce qu’ils le méritent”, ça me turlupine. Le pire, c’est que la vie me donne généralement raison.

Si ça a foiré, c’est ma faute

Beaucoup ont des traumas suite à des relations amoureuses toxiques. On en tire parfois des romans, des BDS, des films. Et c’est très bien. Je suis la première à essayer de diffuser des alertes à mon petit niveau. Mais n’oublions pas le trauma du travail. On balaie ça sous le tapis en se disant que c’était surtout nous, le problème. Qu’on n’a pas assez donné, qu’on n’a pas été assez impliqués. On recrache peu à peu le discours de nos managers toxiques, ceux qui ont intérêt à nous faire croire qu’on est des merdes pour mieux nous soumettre. Je ne dis pas que tous les salariés ne sont que des victimes d’un système qui les oppresse. On pourrait me parler du cas du salarié qui ne fait pas le moindre effort, de l’esprit chagrin qui râle dès qu’on lui demande un truc, etc. Je les ai connus, aussi. Je veux juste souligner que nous avons tous potentiellement des traumas du travail et qu’il est temps de les affronter. Et je suis persuadée qu’au moins la moitié des gens qui vont lire cet article sont persuadés qu’ils sont de petites crottes sèches à cause d’un manager indélicat alors qu’en fait, pas du tout. 

Confiance en soi brisée
(c) Jilbert Ebrahimi

C’est pas toujours vous, le problème

Bref, ne comptez pas sur le travail pour mesurer votre valeur. Parce que parfois, votre manager utilisera votre corps pour se prémunir en cas de crise et n’hésitera pas à vous jeter dans le feu. Et je rajouterais que le travail, c’est comme une relation amoureuse, ça marche dans les deux sens. Si vous n’arrivez pas à vous motiver, c’est peut-être parce que vous êtes sapés. Bref, vérifiez vos traumas. Vous pourriez être surpris. 

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