Après quel accomplissement tu cours ?

Après quel accomplissement tu cours ?

43 ans, je suis environ au milieu du guet. Et ma crise de la quarantaine est une sorte de crise existentielle. Pas à base de qui je suis mais plutôt qu’est-ce que je fous là, dans ce monde qui ne me ressemble pas. Parce que m’affirmer peu à peu me rend de moins en moins adaptée à notre société, notamment sur la sphère travail. Evidemment. Toujours. Et y a notamment une dimension que je n’avais jamais vraiment prise en compte et qui me titille de plus en plus : l’accomplissement. C’est quoi mon but dans la vie ? Et bien force est de constater que ce n’est pas la réussite. Et ce n’est pas si évident que ça.

Quel est mon accomplissement ?
(c) Sam Mgrdichian

Une fille brillante, dit-on

J’ai grandi avec l’idée solide que j’étais intelligente, brillante, que j’avais des facilités. Parce qu’on me le disait. Apparemment, ma soeur a eu une enfance un peu compliquée sur le sujet des études car elle devait bosser dur pour rester à mon niveau alors que je ne foutais rien. La légende prétendait que je ne faisais jamais mes devoirs. Et c’est plutôt vrai. A part les devoirs à rendre, je ne me préoccupais jamais de ça. Essentiellement parce que j’avais mieux à faire genre jouer puis écrire. Parfois, j’avais mes phases jeux vidéos aussi. Là, par exemple, vous croyez peut-être que j’écris moins parce que je ne suis plus au chômage mais pas du tout. C’est parce que je joue à Zelda. 

Je devais réussir

Bref, quand vous êtes dans la catégorie “intelligente”, à tort ou à raison, on vous imagine une réussite. Forcément, vous allez faire de grandes choses. Quoi que ça veuille dire, encore une fois. Moi, je voulais écrire. Je m’imaginais journaliste, à expliquer aux gens comment se porte le monde. Bon, aujourd’hui, je suis… pfff, j’en sais rien vu que de toute façon, j’ai pas de mission et je rumine. Mettons que je sois consultante digitale, comme écrit sur mon contrat. Y a rien d’écrit, d’explication de monde et rien qui brille, surtout. A part l’art du bullshit. L’écriture reste cantonnée aux loisirs, ici, ça et . Et sur mes cahiers jamais retapés. Et en vrai… ça me satisfait.

Ecrire à la main

Un rêve de pré-retraite

Depuis quelques semaines, alors que mon (non) travail commence à me crisper, je constate un phénomène. Je suis heureuse… le week-end. Mais vraiment heureuse, tout sonne juste. Surtout depuis qu’on peut aller se baigner au lac. Ah oui, la vie est cool dès qu’on peut la vivre un peu. Et la vérité, la voilà. Le seul accomplissement après lequel j’ai envie de courir, c’est la pré-retraite le plus tôt possible. C’est tout. Me débarrasser du travail et de toutes ses dingueries. Il y a assez peu de chances que le travail me rende un jour heureuse. Il y aura des satisfactions. Un nouveau savoir, un boulot bien fait. Mais pas de bonheur. Parce que pour quelqu’un qui n’aime pas beaucoup l’injustice, au sens karmique du terme, je ne peux m’épanouir là-dedans. La logique des petits chefs, des lèche-culs nuls qui s’en sortent mieux que ceux qui font leur taf sans tambour ni trompette. Je sais que la vie n’est pas juste au global mais devoir barboter dans une société qui me le rappelle cinq jours par semaine, c’est pas la vie que j’ai choisie.

C’est quoi réussir sa vie ?

En vrai, je renonce à l’accomplissement. J’ai toujours cru que pour réussir, il fallait se fixer des objectifs mais pour qui, pour quoi ? Réussir sa vie pour être quelqu’un, ça signifie quoi ? Passer à la postérité ? Ce n’est l’apanage que de quelques élus, ça. Pour un Victor Hugo ou un Proust, combien de Frédéric Soulié, Gilbert Cesbron, Michel Zevaco… Oui, ce sont des écrivains tous publiés. De toute façon, la postérité, vu la gueule de notre temps, pas sûre que ça veuille dire grand chose. Et puis Hitler, il est passé à la postérité, c’est pas forcément un truc positif. Lors d’un entretien cet hiver, j’avais dit “mon but dans la vie, c’est que mon existence ne nuise à personne”. Et en vrai, ça résume tout. Je ne rêve que de douce tranquillité. Juste faire des choses par envie, quand l’envie s’en vient.

C’est ton destin !

Longtemps, j’ai vécu dans cette dichotomie de la vie qui a de la valeur vs une vie sans saveur en gros. Ohlala, le drama du pavillon en banlieue avec le labrador, les trois enfants et le Renault Espace. Alors effectivement, ça non plus, ce n’est pas ma vie. Mais c’est finalement assez prétentieux qu’on mérite mieux que ce qui peut représenter un accomplissement pour d’autres personnes. Surtout que viser haut, c’est un peu un risque de grosse frustration, finalement. Et puis surtout… ce n’est pas mon rêve. J’ai toujours été poussée vers le haut, comme la plupart d’entre nous mais quand je vois le mépris que j’ai pour ceux qui ont du pouvoir, pourquoi ai-je cru que je devais courir après ça ? Ah bah oui, la société, ma prétendue intelligence, mon destin. Dire destin avec une grosse voix, surtout. Destiiiiin !

Suivre sa voie

Moi, je veux juste la paix

Sauf que moi, je crois que mon destin, c’est de vivre peinarde. Certains me diront que c’est pas ça, la vie. Que la vie, c’est difficile, que y a pas de raisons que j’en chie pas aussi. Alors certes mais… bah, ça dépend. Si je ne peux contrôler certains éléments comme ma santé ou celle de mes proches ou les accidents de la vie, je peux tout à fait m’enlever du stress inutile. Je suis pas obligée de m’aligner pour la course pour atteindre le prochain barreau de l’échelle si je me fous de savoir ce qu’il y a là-haut, après tout. Je peux limiter mes charges mentales, décider qu’à partir du moment où j’ai un salaire intéressant, je m’en fous du travail. En faire juste assez pour passer sous les radars du remontage de bretelles, comme au lycée. M’accomplir ailleurs. En volant tout le temps que je peux aux choses pénibles pour me raconter que je suis en vacances. Perpétuellement en vacances. Je suis en vacances le soir quand je vais me baigner au lac ou quand je suis posée dans ma chilienne sur ma terrasse. Je suis en vacances quand j’ai bien géré la préparation du café au moment de me coucher pour gagner quelques minutes le matin. Minutes qui me serviront à prendre mon café tranquillement

Juste chercher le kiff

En fait, c’est ça mon accomplissement. Vivre une vie où on cherche le kiff à tout moment. Qu’on fait ce qu’on a envie de faire tant que faire se peut. Ah et aussi remplir les bas de laine tant que faire se peut pour partir à la retraite le plus vite possible. Ah oui, ça, c’est mon accomplissement majeur. 

 

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