Je suis une viande à burn-out

Je suis une viande à burn-out

Citation exacte de Monolecte qui m’avait dit ça quand ça se passait mal chez Vinyl. Et elle a raison. Vendredi, j’ai craqué. Un putain d’horrible craquage. J’avais rendez-vous avec ma conseillère Pôle Emploi. Je lui débite à l’allure d’une mitraillette tout ce que j’ai fait et entrepris depuis notre dernier rendez-vous. Et elle me sort “Ok, vous vous mettez de suite en pause, vous êtes en train de me faire un burn-out du demandeur d’emploi”. Et là, énorme explosion. Rien que d’écrire ces lignes, j’ai envie de pleurer à nouveau. Voilà, je suis cramée. Encore. J’ai tout donné et ça n’a rien donné. Et l’idée de poursuivre ma quête me terrifie.

Pleurer parce que burn-out
(c) Kevin Laminto

Et tout s’effondre

Il faut dire que la semaine dernière a été le grand effondrement. Malgré le retour du beau temps, ce fut la fin des illusions. J’avais trois entretiens, ça sent plutôt bon, non ? Le deuxième, une ESN qui me chasse mais qui comprend vite qu’on va pas aller super loin ensemble. Le troisième, la meuf m’a posé un lapin. Et le premier ? C’était le deuxième entretien après avoir passé un test technique et le verdict est tombé vendredi “on vous adore, vous êtes géniale. Mais trop junior donc on en reste là”. Double crise de larmes. Alors quoi ? La reconversion, c’est juste un mythe qu’on raconte aux salariés en plein burn-out pour leur faire croire qu’une autre vie est possible ? Je vais finir par retourner dans mon marketing digital et oublier mes envies de data ? Le pire, c’est que c’est le deuxième refus post entretien où on me dit “super profil, super personne mais déso, on a pris plus expérimenté”. Je comprends cette décision. Mais alors que les annonces se font rares et les réponses négatives pleuvent dans ma boîte mail, je suis au fond du trou.

Me débattre pour rester à la surface

Et à côté de ça, j’essaie de faire. Faire ce qui me paraît bien. Faire du contenu pour mon LinkedIn pour être assez visible, essayer de retravailler mes cours, postuler, postuler. Courir sans m’arrêter parce que si je m’arrête, c’est que je cherche pas vraiment. Ce n’est pas ce qu’est censée faire une chercheuse d’emploi, n’est-ce pas. Héééééé… bah, burn-out. J’ai voulu aller vite et fort, ça ne marche pas. J’ai pris un mur et je suis absolument déroutée. Je dois faire quoi ? Je dois faire comment ? Ok, j’ai commencé ma recherche depuis pas si longtemps mais les opportunités sont rares à Bordeaux. Pour mon ancien métier aussi, d’ailleurs. Que dois-je faire ? Que dois-je faire ? Je vais me chercher une autre certification, lire, écrire, me montrer. Regardez, je sais faire ! Regardez tout ce qu’il y a sur mon CV, sur mon LinkedIn ! Ne doutez pas de moi ! Ne doutez pas de moi comme moi, je doute de moi, s’il vous plaît ! Donnez-moi la valeur que je pense ne pas avoir.

La danseuse de claquettes

Ah, point intéressant, ça. Ma conseillère Pôle Emploi m’a comparée à un sprinter “alors que vous êtes sur un marathon”. Je me comparerais plus à une danseuse de claquettes. Je tape fort et je gigote beaucoup pour cacher. C’est mon astuce depuis toujours. Je faisais ça quand je jouais du violoncelle, aussi. J’avais tendance à aller vite pour masquer mes erreurs. Je fais pareil avec l’anglais. Mais je ne fais pas ça que pour tromper les autres. J’essaie de me tromper, moi, aussi. Regarde, regarde tous les efforts que je fais. Personne ne pourra me reprocher de ne pas assez candidater. Enfin, la seule personne qui me fait des reproches… c’est moi. Ohlala, je n’ai postulé que sur deux jours la semaine dernière, c’est n’importe quoi ! C’est pas comme ça que je vais trouver un taf, hein. Alors point un : les propositions d’emploi ne vont pas s’accélérer parce que je vais plus souvent sur LinkedIn ou Welcome to the jungle. Point deux : si tu rates une opportunité parce que tu n’as pas été sur LinkedIn un jour ou deux… déjà, elle va pas disparaître. Mais surtout la vie est faite d’occasions manquées. Peut-être que j’ai postulé trop tard à l’entreprise A mais je serai embauchée plus tard par l’entreprise B et c’est pas grave. 

Faire des claquettes
(c) Fabian Schneider

Jamais s’arrêter

Mais je m’agite, je m’agite. Je suis en train de réfléchir à un plan pour gommer cet aspect “trop junior”. Des certifications ? Des stages ? Me buter aux tests techniques ? Ecrire des articles sur mes petites connaissances ? Ah oui, remplir la to do list, voici bien ce qu’il faut pour une viande à burn-out comme moi. J’ai pas assez de projets, tiens, rajoutons-en une bonne dose. Ma conseillère Pôle Emploi a été formelle : vous coupez tout. Pas de révision, rien pendant une semaine. Moi “oui, oui”. Elle “Je ne vous crois pas du tout”. J’ai raccroché, mon mec est venu me consoler. Puis c’est parti “bon bah du coup, cet après-midi, je vais commencer le storyboard de ma BD puis je vais retaper les deux carnets de romans manuscrits que je n’ai jamais saisis puis… puis… puis”. Bordel. Chassez le naturel, il revient au galop. C’est fou ce besoin de m’occuper en permanence. Surtout quand c’est couplé à ce fort pic d’amour propre que j’ai en ce moment où je me considère ratée en tout, vraiment. Je me suis pris un mur, je me relève et je pars d’encore plus loin pour prendre plus d’élan pour me faire encore plus mal.

Le burn-out, un art de vivre

Ca me rappelle une vidéo d’Esther y a quelques années sur le sujet. Cette vidéo me revient en boucle depuis mon grand craquage de vendredi. Esther était partie trois semaines en cure de jeûne pour faire le point sur sa vie car elle se mettait systématiquement en burn-out. J’avais perçu ça comme une fuite en avant, le besoin de remplir à tout prix sa vie. Perso, j’ai pas l’intention de faire une cure de jeûne mais j’y pensais, à un petit truc me permettant de me mettre en retrait de ma vie. Histoire de souffler un peu. Couper Internet, couper tout. Dormir, me reposer. Je suis actuellement tellement fatiguée que l’autre nuit, je rêvais que je dormais. Mais je sais que je ferais comme Esther, j’en profiterais pour “avancer sur des projets”. Je m’en voudrais de ne rien foutre, de ne pas produire. De ne pas faire. Il faut que j’écrive, il faut que je finisse mon Powerpoint Art pour lancer ma boutique, il faut que je commence à travailler mon style BD. Faudrait que je me remette aux perles hama, aux bracelets brésiliens, faudrait, faudrait. Je sais bien que ce n’est pas bien, les “il faut”. Mais je déteste le moi feignant, le moi “gelée informe qui fout rien”. Mais des fois, ne rien faire, c’est bien. Des fois, juste lire ou faire un jeu vidéo, regarder un film. Et pas faire ça pour mon blog Dystopie. Ce que je fais en vacances, finalement. 

Mais je fuis quoi ?

Je ne sais pas trop ce que j’essaie de fuir. Je ne sais pas pourquoi je me mets en burn-out permanent. Que je me sens obligée d’envoyer du bois tout le temps, d’être plus zêlée que la plus zêlée de tes copines. Pourquoi je me mets en burn-out tout le temps ? Enfin, si, je sais. Parce que je ne veux pas décevoir. Ne pas décevoir mes parents, ma famille, mes amis, Victor. Moi, évidemment. Je veux tant être la fille qui fait des choses. Qui travaille le jour, crée la nuit. Qui se démène pour échapper au métro-boulot-dodo. Après tout, y en a qui arrivent, pourquoi pas moi ? Pourquoi j’échoue là où d’autres réussissent ? Pourquoi on me dit que je suis talentueuse vu que ça ne donne jamais rien ? Que personne n’a voulu lire mon livre, que personne ne veut m’embaucher, que je n’ose même pas tenter ma petite boutique parce que personne ne m’achètera rien ? Et en même temps, est-ce si grave ?

Je coule
(c) Stefano Zocca

On va aller voir la docteure du mental

Vendredi, je me suis effondrée. Le burn-out du chercheur d’emploi. Qui succède logiquement au burn-out de la salariée qui en a trop fait et n’a pas juste dit merde. J’ai pris rendez-vous avec ma psy du travail. J’ai beau savoir ce qui me fout dans cet état-là (le “fais plaisir” et “sois parfaite”), je ne m’en sors pas. Je vais prendre un paquet de mouchoirs avec moi parce que je vous l’annonce, ça va chialer sec. En attendant, je crois que je vais effectivement ressortir mes perles hama et mes powerpoint arts. Voire m’acheter un puzzle. Parce que je crois que je vais avoir besoin de ce type d’activités contemplatives pour souffler un bon coup. Personne ne voudra embaucher une meuf déjà en burn-out donc remettons les choses dans l’ordre.

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