Pour qui je prends mes décisions ?
On vit dans une société. Je suis un je dilué parmi un nous, je suis un je qui se confronte à eux. Un je qui parle à tu, qui parle à vous. On aime se croire singulier, un individu parfaitement indépendant qui trace sa route. Mais c’est faux, en vérité. Et on n’en a pas toujours bien conscience. Depuis que j’ai débuté le bilan de compétences, j’ai réalisé un truc clé : je ne me connais pas si bien que ça. Et non, je ne trace pas ma route juste pour moi, avec mes décisions prises toutes seules sans prendre en compte qui que ce soit. Non, je vis dans une société, au coeur d’un réseau de relations interpersonnelles qui me poussent à prendre des décisions qui ne sont pas guidées uniquement par mon intérêt propre.
C’est quoi ton driver de motivation ?
Pendant mon bilan de compétences, j’ai donc découvert les “drivers de motivation”. Des quoi ? Des raisons pas toujours identifiées qui nous poussent à agir de telle ou telle façon. On liste cinq drivers :
- Sois parfait
- Sois fort
- Fais des efforts
- Dépêche-toi
- Fais plaisir
Moi, je voudrais faire plaisir à tout le monde
Alors vous me connaissez, vous vous dites « oh nan, elle va encore nous parler de la syndrome de la bonne élève en nous parlant du sois parfait » mais non. Plot twist ! Je souhaite plutôt vous parler du « fais plaisir » car il est crucial dans la période que je traverse. Au moment où est publié cet article, lundi 27 juin, mes parents ne savent toujours pas que j’ai démissionné. Démission posée le 28 avril officiellement, mon contrat se termine le 30 juin. La raison est simple : ils ne vont pas comprendre, ils vont s’inquiéter. Surtout que dans ma famille nucléaire, j’ai une soeur qui travaille dans le même milieu que moi. Elle en chie, elle pleure très souvent mais pourquoi elle, elle continue alors que moi, je lâche ? Je n’ai encore rien dit à mes parents car la suite de l’histoire est encore floue. Mais surtout, je veux leur raconter une belle histoire.
Mon entourage en parfait soutien
Car oui, mes décisions sont guidées par le driver « fais plaisir », notion que je n’avais absolument pas avant de commencer le bilan. Dans ma vie, grosso modo, il y a peu de personnes qui comptent vraiment pour moi. Mon mec, ma famille et quelques amis. Pour les amis, sur ce sujet, ils ont tous été parfaits et merveilleux, je n’ai eu que du soutien. Même ma besta qui met l’item « avoir un travail » très haut dans ces valeurs de vie approuve totalement mon choix. Mon mec pareil. Ma décision de démissionner, elle lui doit beaucoup. Faut dire que vivre avec quelqu’un qui s’effondre parce que le travail, ça ne va pas du tout, c’est usant. Je ne sais pas combien de fois on s’est pris la tête sur ce taf qui m’a bouffée en 2*2 alors que nous ne sommes pas un couple qui nous disputons souvent. Le jour où ma décision fut ferme, il eut ses mots « de toute façon, peu importe ce que tu feras derrière, tu seras toujours plus heureuse que dans ce taf-là ». Et c’est vrai.
Mes parents ne comprennent pas ma vie
Reste donc ma famille et là… Mes parents n’ont jamais compris ma carrière. Mes perpétuelles fuites en avant, mon changement de boîte tous les deux matins. Moi non plus, je n’avais pas bien compris à quel point je détestais ce métier, ce secteur. Je n’ai jamais eu les codes, de toute façon. Je les comprenais mais quelle flemme à l’heure de les appliquer. Quel épuisement mental à l’idée d’avoir plus de responsabilités et potentiellement moins de vie perso. Déjà que j’en ai peu. Parce que ce bilan de compétences m’a aussi permis de valider que je suis une slasheuse et que j’aurai toujours besoin de deux vies, distinctes, pour être épanouie. Bref, j’ai passé quinze à (me) raconter des histoires quant à ma carrière et mes ambitions en me sentant toujours un peu larguée. HPI ? Hypersensibilité ? Non, juste que j’avais pas choisi cette voie, je ne l’avais même jamais envisagée et force est de constater que ce n’était pas pour rien. Mais voilà : mes titres de poste ronflaient de plus en plus, j’avais une stabilité, une carrière, je « réussissais » ma vie.
Reste ouverte et peu importent les jugements
En commençant le bilan de compétences, je me suis imposée d’avoir l’esprit le plus ouvert possible. On nous a prévenus : ne vous attendez pas à de grandes surprises sur ce bilan, la voie que l’on choisira, on l’avait déjà en nous. Mais qu’est-ce que j’ai, en moi. Je me suis ouvert à la possibilité qu’en fin de course, le bilan conclut que je devrais partir sur un métier plus manuel, moins « intellectuel ». Que-oi ? 7 ans d’études pour finir par poncer du bois ou vendre des fleurs ? L’échec. J’entends mes parents « ohlala, quel gâchis ». Déjà qu’il étaient catastrophés que j’aille pas faire une école de je sais pas quoi, me « contentant » de la fac. Sauf que… J’ai tellement aimé la fac. Des heures et des heures passées à la bibliothèque à potasser mes sujets. C’est peut-être moins prestigieux que responsable d’un truc marketing nul mais j’adorais. En vrai, quand j’ai pris ma décision, c’est en pensant à ma famille que j’ai le plus hésité. Ca sonnait caprice, surtout comparé à ma soeur qui bosse dans le même milieu et va finir par nous faire un infarct’ à 45 ans si elle lève pas le pied. Et puis…
Bosse dur !
En vrai, en écrivant cet article, je réalise que je ne sais même pas ce que je pourrais choisir qui ferait plaisir à mes parents. J’ai grandi dans la doxa de « ne pars surtout pas dans le médical ». Père médecin qui nous fait du 8h-20h et des week-ends de garde, mère infirmière en 3*8… Alors qu’ils sont à la retraite et que ma soeur et moi avons un âge qui commence par 4, ils soupirent encore de ne pas avoir été très présents pour nous. Alors que si, comme ils ont pu. Donc dans ma famille, en résumé, c’était « ne fais pas comme nous mais bosse dur, par contre ». Donc oui, forcément, refuser de continuer à trimer, grossir les rangs des chômeurs, ça va tiquer. Même si être au chômage ne veut pas dire ne rien faire. J’ai de grandes ambitions pour mon été, je l’ai déjà dit.
Prendre une décision pour moi
En vrai, cette histoire de drivers m’a permis de révéler pas mal de petites choses et de réaliser que… j’ai 42 ans. Enfin, ça, je le savais déjà. Mais à mon âge, ça devrait être terminé le fait de faire plaisir. Surtout que la seule personne à qui je n’aurais pas fait plaisir en ne quittant pas le navire, c’est moi. Et mon mec qui aurait continué à cohabiter avec la version hargneuse et au bord du craquage que j’étais en train de devenir. Entre sauver mon couple et ma santé ou continuer à jouer la fille parfaite, le choix a été vite fait. Je leur expliquerai mon choix. Calmement. Ils le prendront comme ils voudront. De toute façon, je vais pas reprendre ma lettre de dém juste pour leur faire plaisir. J’ai choisi. Je me suis choisie, moi. A 42 ans, il était temps.