Mon défaut ? Surjouer l’enthousiasme
Mais comment me sortir de ça ? J’en ai découvert des choses sur moi depuis que j’ai démissionné. En résumé : tous mes malheurs viennent de l’injonction du “fais plaisir” où je réagis en fonction de ce que je pense que la personne en face de moi attend. En gros quand on me dit “on valide ta période d’essai”, je n’ose pas la prolonger parce que je pense que ça ne fera pas plaisir à la personne. Ca m’aura littéralement coûté quatre mois sans le moindre revenu. De la même façon, me voilà à surjouer l’enthousiasme dès qu’un employeur veut bien regarder mon CV et m’accorder un entretien alors que… Ben j’aime pas forcément sa boîte. Et ce doit être une bonne source pour mon mal-être pro, si vous voulez mon avis.
J’ai toujours appris à surjouer mon envie de rejoindre une boîte
On a déjà parlé de ma peur qui me rend vulnérable et potentiellement un délicieux biscuit pour tout manager toxique. Mais je ne sais pas être autrement. Je ne sais pas ne pas surjouer l’enthousiasme, me noyer dans une surpolitesse. Que personne n’attend de moi, en plus. Pourquoi je veux rejoindre votre entreprise ? Parce que je dois rembourser mon prêt et que j’ai pas encore les moyens de m’offrir une retraite anticipée. C’est tout. Et que j’ai envie de voyager aussi même si je n’ai plus trop envie de prendre l’avion. Alors oui, dans ma recherche actuelle, j’ai pu croiser une boîte sympa où j’avais très envie de travailler au-delà de l’aspect financier. Une. C’est léger. On en reparlera parce que c’est matière à un article ça aussi. Mais voilà, on m’a toujours appris à faire genre que je crevais d’envie de bosser dans la boîte X ou Y. Et que j’ai pas le droit de dire que c’est parce qu’ils offrent 18 RTT parce que ça fait tire-au-flanc.
L’honnêteté ne paie pas dans le recrutement
Certes, le monde du travail, et surtout son volet recrutement, est extrêmement codé. On a beau dire, l’honnêteté, faut oublier. J’ai eu un entretien où j’ai joué carte sur table concernant Epicea, on m’a trouvée trop sans filtre pour m’embaucher. Bon sang, on parle d’une boîte qui m’a appelée la veille de mon embauche pour me dire de mentir à mon équipe car ils avaient pas eu le temps de virer le mec que je remplaçais, d’où c’est moi le souci dans l’histoire ? J’ai fait une dizaine de boîtes en quinze ans, d’où je suis censée dire que j’ai vécu une vraie Lune de Miel à chaque fois ? Bon, là, j’ai purifié mon CV à balles. Y a plus que mes quatre dernières expériences, le reste est pudiquement rangé dans “de 2007 à 2014, social media manager dans diverses entreprises”. La vérité est sur mon LinkedIn mais qui ira la chercher ? Mais voilà, je ronronne, j’arrondis les angles. Je suis partie au bout de six mois de mon dernier poste, c’est parce que “je suis arrivée au mauvais moment”. Pas du tout parce que la direction était immature et dans le déni. Ah, il aurait fallu que je trouve des solutions ? Mais j’en ai rien à faire, moi. Je veux juste profiter de mes soirées et de mes week-ends en touchant un salaire pas si ouf. Je suis pas assez payée pour “trouver des solutions”. Appelez ça du quiet quitting si vous voulez. J’appelle ça “je vous donne déjà mes journées, n’abusez pas”.
Ca m’épuise de faire semblant
Je n’aime pas le monde du travail, je l’ai déjà écrit en long, en large et en travers. Peu utile de revenir dessus. Justement parce que c’est un petit théâtre de dupe et que ça m’épuise très vite de jouer ce jeu-là. Ca me saoule qu’on soit obligés de surjouer l’enthousiasme en permanence, d’être corporate de fou. “C’est super, on fait des séminaires”. Oh wah, passer mon week-end avec des pré-trentenaires bien trop bourrés avec un qui vomit, l’autre qui colle une meuf, des gens qui se bécotent, alimentant puissance 1000 la machine à ragot. C’est précisément ce dont je rêvais. Surtout que je vous cache pas qu’en vieillissant, mon énergie sociale s’épuise de plus en plus vite. Comprenez-moi bien. Je suis consciencieuse (trop) et je fais mon travail correctement. Je ne sabote rien. Mais mon job n’est pas ma vie. Quand je bosse, je bosse. Mais je veux faire d’autres choses à côté. Et oui, si tu m’offres plus de RTT que la moyenne, je serai très contente. Je vais pas faire semblant que c’est pas le cas.
Mais je veux trop bosser chez vous (non) !
Mais je surjoue, tout le temps. Youpi la boîte, trop contente de vous rejoindre ! J’avais jamais entendu parler de vous avant de répondre à votre annonce mais depuis, j’ai acheté un mug à votre effigie pour quand je viendrai bosser chez vous. Hihi ! Vraiment, y a des entretiens, j’y suis allée la mort dans l’âme. Genre rien que le trajet de métro, j’étais là “non, vazy, c’est trop chiant pour y aller. Jamais je vais faire ça 5 jours par semaine”. Oui, je parle d’entretiens pré Covid puisque maintenant, je passe des entretiens en visio. Je me souviens d’entretiens où je devais me faxer dans la ligne 13 aux heures de pointe, je craignais de mourir d’une compression à chaque seconde du voyage. Mais à l’entretien, je fais la roue, je souris, je surjoue mon enthousiasme. Alors que pardon mais subir ce que je viens de subir au quotidien, c’est inenvisageable. Je me souviens d’un entretien à Pétaouchnok où, en sortant, j’avais dû rentrer en taxi car le seul métro à proximité était en rade. Mais non, jamais. Cependant, j’avais décroché cet entretien juste parce que le recruteur connaissait ma soeur et voulait voir à quoi je ressemblais. Connard.
Je ne sais pas arrêter ce jeu de dupe
Je suis persuadée que ce petit jeu de rôle me nuit. Déjà parce que ça me consomme une énergie que je n’ai pas. Ou que je souhaiterais consacrer à autre chose. Oui, ok, c’est pas moi qui vais changer les règles du jeu. Un recrutement, c’est de la séduction. Tu vas pas à un premier rendez-vous avec une vieille odeur de sueur qui émane de toi et le cheveux gras. Cependant, étant une personne propre et hypersensible de l’odorat, je n’ai jamais le cheveux gras et je ne sens que la sueur fraîche. Même après huit ans de relation dans six et demi de cohabitation. En fait, tout dépend du grand écart. La personne que je présente à un premier rencard n’est pas si différente de mon moi “sans efforts”. J’ai juste un peu de maquillage et un soutif en plus. Et j’y vais pas en pyjama. Alors que l’écart entre la potentielle recrutée qui fait la roue en entretien vs la salariée appliquée mais pas si impliquée, il est là. Même, je me sens obligée d’avoir l’air d’avoir des ambitions. “Oh oui, à terme, je vise tout à fait un poste de manager”. Absolument pas. Je ne suis pas attirée par le management. Le mentorat tant que tu veux. Mais le management, non, vraiment. Et puis surtout, moi, je veux un équilibre vie pro/vie perso, c’est tout. Assez de tune pour ne pas avoir de charge mentale dessus. Mais va dire ça en entretien. Va dire que toi, ton but dans la vie, c’est de t’épanouir en dehors de ton boulot. Que tu voudrais publier des livres, des BD et ouvrir ta petite boutique arty en ligne et que ce travail, c’est juste de quoi t’assurer ta pitance.
Je veux enlever le masque
Voilà. J’ai compris les règles du jeu mais je les joue un peu trop. Je manque de sincérité parce que je crois que personne ne veut entendre quelqu’un dire la vérité. A savoir que le boulot, c’est pas la vie. Enfin, pas chez les N++ et les gens de droite, j’entends. Que le travail, c’est juste 40% de mon temps éveillé, transports compris et que je suis vachement plus intéressée par les 60 restants. Et que même, tout ce que je pourrai grignoter des 40%, je le ferai. J’écrirai et je lirai dans les transports, je viendrai à pied ou à vélo les beaux jours pour me prendre un shoot de beau et de bien-être avant de venir ou en repartant. Que je ferai des PPT arts dans toutes ces réunions qui ne servent à rien. Juste aux managers à expliquer qu’ils sont débordés et qu’ils gèrent très bien leur équipe. Oui, je veux des vacances et des RTT, arrêtons de faire semblant. On est tous à sortir des “J-3 avant les vacances” et des “TGIF” mais on devrait faire croire en entretien qu’on s’en fout de ça ? Qu’on veut bosser H24, 7 jours sur 7 pour cette boîte qui n’hésitera pas à nous lourder s’il faut faire de menues économies ? Ce jeu de dupe me tue. Et le fait que je sois incapable de pas y jouer encore plus. J’ai appris à mettre un masque seyant à tous les moments de ma vie et j’ai aucune idée de comment j’arrête ça.
Je serai la meuf calme
Bref. Je continue à chercher un emploi parce que je veux préparer un plan d’évasion de retraite anticipée et que j’ai besoin de blinder mes livrets et faire de menus investissements. Quand je saurai lesquels sont les mieux. Et que je n’exploiterai pas quelqu’un dans le besoin. Genre en louant fort cher un appart à quelqu’un qui n’a pas les moyens d’acheter son propre toit. Je vais juste essayer de me positionner en meuf calme. Oui, le calme, ça évite de surjouer l’enthousiasme, je suppose.