Oui, je mérite le bonheur, sans rien faire
Ah, le bonheur. Cet eldorado après lequel on court toute notre vie alors que, finalement, c’est quoi le bonheur ? La réussite ? La bonne santé de tous ? Pour moi, ça s’assimile à une sensation qui me tombe dessus un peu par surprise. Le coeur débordant d’amour et de sérénité, je sais qu’à ce moment précis, je suis à la bonne place. Curieusement, depuis que je vis à Bordeaux, ça m’arrive assez souvent. Et souvent en proximité de la Garonne. Seulement, pour nous vendre des livres qui vont nous donner une méthode pour être heureux, on ne peut pas dire ça. Je mérite le bonheur, oui. Mais faut bosser pour ça. Et je dis non.
La meilleure version de toi-même
Le développement personnel se base sur un concept simple : ta vie sera plus jolie si tu deviens une meilleure version de toi-même. C’est assez curieux de constater qu’une discipline qui exige de se concentrer sur soi ne te parle que d’une version fictive de toi-même. Pire, ça crée souvent une dissonance cognitive entre ce moi hypothétique et mon moi réel. Le second étant généralement peu apprécié puisqu’il est imparfait. Donc selon cette discipline, je mérite le bonheur à partir du moment où je fais quelque chose pour l’obtenir. Le bonheur s’obtient à la sueur du front. Sauf que… bof, en fait.
Une grosse part de hasard
Unpopular opinion : le bonheur, c’est d’abord une question de hasard. Une question de timing. Par exemple, samedi matin, j’ai eu un de ces moments de pur bonheur. Nous étions en vélo avec Victor et en arrivant sur les quais de Bordeaux, c’était si beau que mon coeur s’est rempli de joie. Alors oui, y avait de la sueur dans mon histoire, je dis pas. Mais cette sensation de moment parfait était la conjugaison de plusieurs facteurs. L’arrivée par cette voie là pile au moment où la lumière dorait les façades du port de la Lune, faisant un contraste avec la Garonne qui était à marée haute. Oui, y a une marée sur la Garonne à cet endroit. Idem pour les rencontres qui nous rendent heureux, du pur hasard. Certains aimeront parler de destin mais c’est pas quelque chose de prouvé scientifiquement, le destin.
Tu ne peux rien sans alignement des planètes
Evidemment, tout ne tombe pas toujours cuit dans le bec. Il faut parfois agir. Plus contre le malheur que pour le bonheur, finalement. Si on est prisonniers d’une situation toxique, elle va rarement se défaire d’elle-même. Avoir le courage de dire stop, se bouger pour s’en sortir, ce n’est pas anodin non plus. Je ne parle pas que de relation amoureuse, ici, ça peut marcher pour des relations amicales, familiales… et professionnelles. Ma Némésis à moi. Parfois, agir peut donner une confiance en soi qui mène au bonheur. Mais rien n’est jamais garanti. Regardez la tonne d’artistes dit « ratés » puisque la seule réussite valable pour un artiste, c’est le succès, la reconnaissance d’autrui. Il existe des milliers, des millions même, d’anonymes talentueux. On connaît tous à minima une personne qui a un talent qui vous sidère et vous ne comprenez pas que cette personne n’ait pas réussi sa vie en exploitant ce don. Et certains ont essayé. Mais la réussite est une pure question d’alignement des étoiles et parfois, tout ton travail et ton talent ne suffiront pas.
Dévalorisation systémique
Mais quand je dis que je mérite le bonheur, ce n’est pas qu’une question de hasard. De se dire que ça arrivera si ça doit arriver et amen. Il y a aussi la question de l’image que l’on a de soi. On a beaucoup plus de facilité à se dire qu’on ne mérite pas le bonheur plutôt que l’inverse. Un exemple assez facile à comprendre : le poids. Chez les femmes, on a tendance à penser que tant qu’on n’est pas mince, on n’a pas beaucoup de valeurs. Je ne suis pas assez appliquée à ma perte de poids, je ne mérite pas de trouver quelqu’un qui m’aimera et me rendra heureuse, bla bla bla. La version masculine est généralement le “go muscu”. C’est très fort ce discours “non mais je vais aller à la salle et tous mes problèmes se règleront”. Si seulement, Jérémy, si seulement. Evidemment, faire une action pour se rapprocher du bonheur est gratifiant et booste la confiance en soi, comme dit plus haut. Mais même si vous faites tous les efforts du monde pour être pile dans les canons de beauté pour trouver une moitié, rien ne garantit que vous allez croiser une personne à votre goût. Personne qui sera disponible pour vous. Et qui vous trouvera également à son goût. Oui parce que le ventre plat ou les biceps, c’est pas un argument universel pour pécho.
De l’avis de la petite voix mesquine
Penser qu’on ne mérite pas le bonheur, c’est trop écouter sa petite voix mesquine. Vous savez, cette petite voix qui vous dit toujours que vous ne valez pas grand chose, quoi que vous fassiez. Qui vous insulte en allemand pendant trois jours parce que vous avez grignoté du chocolat, que vous n’avez pas bossé 8h d’affilée sans faiblir… Cette petite voix-là. Or la vie prouve généralement que le bonheur n’est pas une question de mérite ou de pureté d’âme. Combien d’ordures obtiennent ce qui vous semble indispensable à votre bonheur ? Après, n’oubliez pas qu’on ne sait jamais quelle est la réalité des faits. Une apparence de bonheur n’est pas la preuve indiscutable de bonheur. Y a qu’à voir tous les couples d’influenceurs où, à la séparation, tu apprends qu’il la frappait ou je ne sais quoi.
Une croyance limitante, encore
En vérité, se dire que je mérite le bonheur, c’est juste se rappeler que, peut-être, on ne vaut pas mieux que les autres. Mais qu’on ne vaut pas moins non plus. Mais ne pas croire son bonheur possible, c’est se mettre des bâtons dans les roues. Personnellement, je suis toujours à minorer les trucs cools qui pourraient m’arriver en me disant “non, c’est trop beau, ça n’arrivera pas”. Bon, comme toujours, c’est au niveau pro que je me dis ça. Il est vrai que je n’ai guère été épargnée sur ce sujet. Genre, là, ma boîte de rêve. Confirmation d’embauche en juillet pour démarrage en septembre soit un pur été d’insouciance. “Trop beau pour être vrai”. Bon, effectivement, une sale chute en vélo a un peu niqué mon bonheur mais dans quelques mois, j’aurai tout simplement oublié cette péripétie. Premiers mois idylliques dans cette boîte avec des gens heureux et sympas, une collaboration facile. Trop beau pour être vrai. Ah rachat et tiens, mon nouveau PDG, c’est Gamblois sans la doudoune sans manche des patrons connards. Oui, ma belle-soeur et moi avons une théorie sur les mecs qui portent une doudoune sans manche en permanence. D’ailleurs, fun fact : avec le rachat, je repasse en mode agence avec des clients et j’ai un client doudoune sans manche. Et oui, c’était décidément trop beau pour être vrai tout ça.
Je joue toujours de malchance
Je ne crois pas en ma chance au niveau pro, je ne crois pas que je mérite le bonheur. Du moins sur cette branche de ma vie. Parce que même quand tous les signaux sont au vert, ça tourne au vinaigre. Je veux dire mes deux dernières expériences, c’est juste une histoire de pas de bol. Avant de retourner chez Vinyl, je craignais l’inactivité. J’avais expressément posé la question en entretien. “T’inquiète, y a toujours quelque chose à faire”. Et bien non. Là, sur ma boîte actuelle, j’ai été embauchée à un moment où cette histoire de rachat n’existait pas du tout. Oui, la vérité, c’est que tout n’était pas rose avant mon arrivée. Mais là, le rachat est effectif depuis 15 jours et on est tous à se demander si on va pas remettre notre CV à jour… Cependant, si je pars du principe que ça ne fonctionnera jamais… Je complique la tâche de la chance. Parce que si j’arrive en entretien en mode cynique et désabusée, je suis pas prête de trouver ma porte de sortie. Et non, je ne me lancerai pas à mon compte parce que j’ai pas envie de me rajouter de la prospection alors que je déteste ça.
Le bonheur n’est pas une question de valeur
Bref, les chemins qui mènent au bonheur sont multiples et dépendent essentiellement de ce que chacun entend par bonheur. Mais c’est surtout une question de chance, d’opportunité et pas de valeur intrinsèque. Et oui, note bien : tu es certainement une plus belle personne que ce que tu crois.