L’obsession du régime : une grossophobie intégrée ?
Oh bah oui, à priori. Il n’y a pas que ça mais aujourd’hui, c’est sur ce point que je souhaiterais me concentrer. Car on va pas se mentir, je suis grossophobe. Longtemps, j’ai cru que non, j’ai même des amis gros… Mais si, individuellement parlant, le tour de taille des gens ne m’interpelle pas, collectivement, je patauge dans les préjugés. La société m’a inculqué la grossophobie, ok. Mais c’est pas une raison pour ne pas tenter de m’en débarrasser.
Longtemps, j’ai voulu être mince
Quand je suis allée voir l’hypnothérapeuthe pour me guérir de mon addiction imaginaire au sucre, elle m’a, à un moment, demandé pourquoi je voulais mincir. Oui, pour moi, à l’époque, le schéma était clair : si j’arrête de manger du sucre, je vais devenir la bombasse que j’ai toujours rêvé d’être. Au passage : est-ce que ça a marché ? Non. Parce que très vite, cette histoire de sucre a été oubliée. Déjà parce que j’en mange pas tant que ça. Mais à la place, j’ai gagné la grande décision de ma vie : partir vivre à Toulouse. Même si, finalement, ce sera Bordeaux. Mais pour en revenir à la question de pourquoi mincir, j’ai d’abord un peu bugué… Puis j’ai trouvé : je voulais sortir de la mollesse.
Je ne veux pas être molle
Quoi, la mollesse ? En vérité, mon ennemi, c’est mon ventre. Parfois, je le malaxe en l’appelant pâte à pain, pour vous situer. Quoi que pâte à brioche serait plus adaptée. Je le trouve gras, gonflé, blanc et mou. Mou, mou, mou. Vous savez qui sont les gens que je déteste dans la vie ? Les gens mous. Les “plats de nouille” comme dit ma mère. Et pour moi, mes kilos en trop me tirent vers le camp de la mollesse. Si j’examine les choses, il n’y a pas vraiment corrélation entre poids et mollesse. Y a des gens très minces qui semblent faits en chewing gum et qui ont le tonus de l’étoile de mer. Mais chez moi, c’est ancré et j’ai du mal à le décaper. Sans doute parce qu’à l’adolescence, quand j’étais gironde et paresseuse puissance 10 000, cette histoire de mollesse est revenue plusieurs fois. Mais voilà, pour moi, être grosse, c’est être molle, empesée.
Régime pour réussir sa vie
Je parle de ma grossophobie intégrée mais je ne suis pas un cas à part, bien au contraire. La plupart des femmes font des régimes pour des raisons esthétiques. Persuadées qu’en étant plus minces, elles trouveront l’amour. Je dis elles mais comprenez bien que j’ai fait pareil. En réalité, je considère que la minceur sera un atout pour trouver un homme et pour trouver un emploi. En général, quand je me mettais à chercher un job, je partais sur une petite remise en forme. Alors que bon, c’est pas deux kilos qui vont radicalement tout changer. La preuve, cette fois-ci, j’ai rien fait et j’ai trouvé en trois semaines. Je peux comprendre que perdre du poids peut être une question de confort, notamment sur les cuisses qui frottent ou l’essoufflement dans les escaliers. Mais les trois-quarts du temps, c’est juste parce que les filles des magazines semblent être la norme.
Une identité de grosse, une identité de mince ?
Le pire, ce sont les coachs minceur et sportives. Ca grouille de grossophobie intégrée. Je veux dire quand j’entends Lucille Woodward dire à ses coachées qu’elles se sauvent la vie en faisant un régime, j’ai envie de hurler. Quand j’entends Esther Taillifet expliquer qu’elle n’aimait pas qu’on la voie comme une personne généreuse, sympa et bonne vivante, attributs que l’on accole à une personne grosse, je… quoi ? Alors je suppose que c’est pas exactement ce qu’elle veut dire mais je saisis pas le drama. Personnellement, je trouve ça chouette d’être une bonne vivante. Mais j’apprends tout simplement à dire non si j’ai pas faim. J’aime manger, j’aime la bonne nourriture. J’adore aller en Italie, en Grèce ou même en France pour les vacances. J’aime goûter les plats. Mais après, combien de fois on a sauté un repas ou juste grignoté un bout de fromage vite fait avec mon adoré en vacances parce qu’on avait trop mangé le matin ou le midi ? Mais tout le discours d’Esther sur l’identité de grosse (vs l’identité de mince) est un excellent listing de tous les « travers » que l’on associe aux gros.
Le poids n’est pas un caractère
Sauf que je suis pas sûre qu’un poids fasse un caractère, en fait. Ou qu’un caractère fasse le poids ? Je veux dire, aimer la bonne nourriture, être bons vivants, c’est obligatoirement manger des frites et du confit de canard ? De la raclette et de la glace ? Pour moi, tout est question de goût et des bons légumes, je m’en régale. Mon péché mignon, c’est la soupe, hein. Le poids est le résultat d’une multitude de facteurs. Dont la génétique, le métabolisme, un éventuel traitement médical. La santé, aussi, physique et mentale. Bref, c’est pas juste une question de pas savoir dire non à un cookie. Mais voilà, les gros, on aime les représenter par très fûtés, certainement pas désiré, avec un rire rappelant le cochon. J’exagère ? Regardez la différence entre Monica grosse et Monica mince dans Friends. Et tout ça, on l’intègre. Quand on a été confinés, on a tous paniqué à l’idée de grossir. Alors que c’est si grave que ça ? La santé ? Mais est-ce que ça concerne tant de gens que ça ? La plupart des gens qui sont en IMC “surpoids” ne souffrent de rien, ils vont très bien.
Dégommons notre grossophobie plutôt que nos kilos
Bref, je pense que plutôt que de courir après un corps de rêve qui n’apportera pas forcément le bonheur (cf le Joueur du Grenier qui explique placidement qu’il sera au régime toute sa vie), changeons un truc. Notre grossophobie intégrée. Et se rappeler qu’une silhouette n’est pas une personnalité.