Quoi ? T’as pas de plan de vie ? L’angoisse !

Quoi ? T’as pas de plan de vie ? L’angoisse !

Il y a des moments dans la vie où tu discutes avec des gens et tu ressors de la conversation un peu perplexe. Parce que tu as été confrontée à un jugement de valeurs qui te turlupine. Surtout quand tu es en dans une période de haute sensibilité et de doute, comme je le suis actuellement. En gros, quelqu’un m’a jugée parce que je n’ai pas de plan de vie. Alors que, pour une fois, je trouve que c’est précisément l’absence de ce plan de vie qui me sauve la santé (mentale). I am wrong ?

Je n'ai pas de plan de vie
(c)Hal Gatewood

Je me suis battue pour avoir des ambitions

Dans la vie,  je me suis beaucoup battue. Contre des moulins à vent, hein. Ma bataille, elle était entre mes valeurs et la réalité de la société. Mais je me suis surtout battue contre moi-même. Avec mec injonctions, avec ce que je croyais vouloir car tout le monde veut la même chose, non ? En gros, moi, j’ai cru qu’il était de bon ton d’avoir des ambitions. De progresser sur l’échelle de la hiérachie. Devenir directrice de je ne sais pas quoi. Réussir ma vie, tel était mon objectif. Même si je n’avais aucune idée de ce que je mettais derrière ça. Surtout que plus je progresse dans ma carrière, plus je réalise à quel point les hauts sommets ne sont constitués que d’enfumage, de complots et de léchage de parties intimes. C’est vraiment de ça dont on doit rêver ? Mazette.

Mon plan : lâcher l’affaire dès que possible

Ainsi donc, j’ai changé de plan. Trouver un job un peu peinard et assez bien payé pour avoir le loisir de m’adonner à mes différentes marottes. Marketeuse le jour, écrivaine la nuit. Ou Powerpoint artiste.Parfois gameuse. Ou testeuse senior de canapé, aussi. On n’est pas toujours obligé de faire quelque chose. Surtout quand les journées sont émotionnellement denses. Le projet est simple. A/ Rembourser le prêt de la baraque et B/mettre un max de côté pour C/Passer en temps réduit puis prendre la retraite dès que possible. Oui, mon seul projet de vie, c’est échapper au monde du travail. 

S'échapper du monde du travail
(c) Chase Yi

Faire que ce que je veux

J’expliquais donc ça à une personne qui m’a regardé l’air pincé. “Mais vouloir être à la retraite, c’est pas un projet. Et genre, tu ferais rien de tes journées ?” “Bah non, je ferais tout ce que j’aime faire, sans pression”. “Je sais pas comment tu fais, moi, je ne pourrais pas”. Mais ? Là, j’ai bugué. Pas sur l’aspect jugement de valeurs mais sur le côté… Mais qui n’a pas envie de ça, en fait ? Il y a quelques années, j’avais eu un exercice en sophrologie qui consistait à demander à un vieux sage dans une forêt imaginaire ce que l’on souhaiterait faire si on était sûr que l’échec n’était pas une option. Ma réponse avait été instantanée “écrire”. Ah, oui, je pourrais tenter le coup mais, allez savoir, peut-être sont-ce tous les témoignages que j’ai lus sur le fait qu’il quasi est impossible d’en vivre ? La difficulté d’être publié quand tu es personne alors que les Enthoven, Schiappa ou Lemaire publient trois ou quatre bouses par an. Et non, je n’exagère pas, c’est objectivement mauvais. Mais pourquoi le monde de l’édition, ou de n’importe quel secteur artistique, échapperait à l’entre-soi et/ou au népotisme, hein.

Ne pas gâcher le rêve

Sauf que là, y a une question de rêve. Je rêve de vivre de ma plume depuis mon enfance mais je sais qu’il y a beaucoup d’appelés pour (très) peu d’élus et que je n’ai pas de coupe-fil. Je pourrais tenter d’envoyer mes tapuscrits à droite, à gauche. Mais quand tu tombes sur des maisons d’édition qui te disent ne plus accepter de manuscrits ou qu’il faut les envoyer par la Poste en police 13 sur papier parcheminé à 22h58 un soir de pleine Lune, comment dire… Et je n’ai pas de coupe-fil, donc. Certes, ça ne devrait pas me freiner. Qui ne tente rien n’a rien. Mais je suis déjà fatiguée de chercher un taf qui ne me pompe pas l’énergie alors chercher à publier un livre, là, j’ai pas le chill. Je ne veux juste pas gâcher le plaisir que j’ai à écrire en considérations pratiques. Ne pas subir un faux jugement de valeurs sur mes écrits. Ne pas me dire que ce que j’écris ne vaut rien alors que, peut-être, c’est juste que mon manuscrit est parti direct à la poubelle car pas de temps à lui consacrer. Oui, le refus est en général lapidaire “merci, mais non merci”. Je ne reproche rien aux maisons d’édition car je sais que les salariés n’ont pas le temps de faire mieux. Mais quitte à ce que mes rêves ou aspirations soient broyés par le rouleau compresseur impitoyable du monde du travail, je préfère que ça concerne des sujets qui me touchent moins. Je veux dire, je ne serai pas malheureuse si je ne suis pas reconnue comme la meilleure webmarketeuse, voyez.

Qui s'en fout ?
(c) Peter Conrad

Mes ressentis ne sont pas d’accord

Ce qui m’a turlupinée dans ce bref échange, c’est que ça va à l’encontre de mes ressentis. Oui, je n’ai plus de plan de vie. Mon seul projet, c’est de kiffer la vibe le plus tôt possible. Mon seul projet de vie, c’est de revivre une vie entière identique à mon été passé. Sport, lecture, écriture, art, loisirs créatifs. Des jours qui pourraient se ressembler mais non car j’ai 16h de vie consacrées à ce que je veux. Vous savez quelle est la marotte de ma mère ? La peinture. Vous savez quand elle a commencé ? A la retraite. Vous savez ce qu’elle en attend ? Du plaisir. Et c’est ça, mon rêve, mon vrai rêve. Faire les choses par plaisir, par pur plaisir. Sans chercher à les intégrer dans un parcours de vie. Evidemment que j’aimerais écrire un truc qui dépasse l’incroyable audience de 10 personnes. Ecrire un truc qui donnerait envie à quelqu’un d’en faire autant. Pas d’inscrire mon nom au firmament de la célébrité car un (voire plusieurs succès) ne garantit pas une éternité de reconnaissance. Tapez “auteur oublié” sur Google pour vous en convaincre.

Je suis la nouvelle Diams

Alors non, je n’ai d’autre plan de vie que de kiffer la vibe avec mon mec. Et je n’ai pas saisi le problème. Certes, mes journées de travail sont actuellement compliquées mais tous les moments que je passe en dehors sont doux. J’aime ma vie à Bordeaux, nos week-end escapade, les fous-rires. “Moi, je ne pourrais pas”. Mais quoi ? S’offrir enfin une vie tranquille où l’on fait les choses par pure envie et non par obligation ? Même dans un métier-passion, il y a des moments où l’on se force. On pourrait penser que ce “je ne pourrais pas” concerne mes 8h par jour en apnée à croiser les doigts pour que les dramas s’arrêtent mais… Vu que c’était suivi d’un “mais la retraite à ne rien faire, c’est pas un projet de vie”. Sauf que je ne ferai pas rien. Au contraire, je ferai tout. 

Mon plan de vie : la liberté
(c) Vika Strawberrika

Tu peux pas te la couler douce

Sans doute touche-t-on là cette injonction de l’effort mâtiné du mythe de la méritocratie, je ne sais pas. Ai-je tort d’avoir abandonné toute ambition ? De ne rêver que du jour où le cirque hypocrite du monde du travail s’arrête pour pouvoir ne faire des choses que dans la curiosité et la gratuité ? Je ne me suis jamais sentie aussi sereine qu’en ayant cet objectif, ce plan de vie. Et vraiment, j’ai beau retourner le truc dans tous les sens, je ne vois pas ce qui mérite un jugement là-dedans.

2 Replies to “Quoi ? T’as pas de plan de vie ? L’angoisse !”

  1. Je vois qu’on à peu près le même type d’ambition! J’ai toujours trouvé un peu tristes les gens qui ont peur de s’ennuyer à la retraite alors qu’il y a tant de choses à lire, écouter, apprendre , expérimenter, à savourer et qu’une vie entière n’y suffirait pas…

    1. J’ai fait partie de ces gens-là, plus jeune. Je ne voyais la retraite comme un long moment d’ennui et de décrépitude. Et puis la génération de mes parents est arrivé en retraite. Ma mère a été active comme jamais les premières années (moins maintenant car les petits enfants). Mon père qui n’a jamais eu beaucoup de passion dans la vie se fait ch*** mais il ne cherche pas à se sortir de là non plus. Etant d’un naturel proche de ma mère, je sais que pour ma part, ce sera une renaissance.

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