Où mon désir de perfection me rend malheureuse

Où mon désir de perfection me rend malheureuse

Il y a des choses qu’on met un peu de temps à comprendre. En septembre dernier, je suis allée voir ma psy du travail. Je lui raconte que j’ai trouvé un nouveau job mais que j’angoisse un peu parce que “ça a l’air trop beau pour être vrai”. Je lui détaille un peu, lui expliquant que j’ai peur d’être déçue et elle me répond d’un ton définitif “mais c’est pas grave si c’est pas parfait”, votre nouveau job. Ah ? Et c’est le début de ma prise de conscience : mon désir de perfection me rend malheureuse.

Mon désir de perfection me rend malheureuse
(c) Nicholas Bui

Tout gâcher à cause d’une mythique perfection

Un peu plus récemment, j’ai lu “Le coeur sur la table”. Parce que j’ai décidé d’écrire une comédie romantique et que je me disais que pour ne pas perpétuer les mêmes clichés, il serait sympathique de réfléchir un peu aux enjeux sociaux de la romance. Surtout que ça fait quelques années que je ne suis plus dans le game, j’ai raté Tinder et je ne sais pas trop ce que désirent les plus jeunes. Si je ne suis pas certaine de recommander ce livre dans l’absolu, surtout qu’il y avait un peu de préchi-précha ésotérique que je déteste, une phrase m’a percutée de plein fouet. Une fille explique qu’elle cherchait tellement la perfection dans ses relations amoureuses, rapport aux comédies romantiques et tout ça, qu’elle ne s’épanouissait dans aucune de ses relations amoureuses et qu’elle y mettait rapidement fin. Ca a fait tilt.

Le travail, mon trou noir de la vie

Parce que chez moi, tu remplaces “relations amoureuses” par job dans la phrase précédente et tu résous le mystère de “pourquoi je n’arrive pas à kiffer la vie du lundi au vendredi” de mes quinze dernières années. Vraiment. J’ai toujours identifié le travail comme le point noir de ma vie. Ca me prend du temps, de l’énergie et c’est un univers globalement injuste où les médiocres s’en sortent sans trop d’encombres. A la limite, ceux qui tracent leur route en utilisant des stratégies de visibilité assez smarts et ne font de mal à personne, ok, pourquoi pas. Les règles sont les mêmes pour tout le monde, ils jouent habilement leurs cartes. Mais les boîtes à base de “fils” ou “filles de”. Ah oui parce que le népotisme, je l’ai méchamment mangé chez Epicea mais, ahah, il revient dans ma vie actuellement. Moi qui déteste l’injustice, le monde du travail, c’est compliqué. 

Du gris dans le rose

Et je l’ai toujours ressenti. Parfois, j’étais sidérée de la différence entre mon humeur morne de la semaine versus ma légèreté et mon grain de folie du week-end. Le travail me tue. Sauf que… est-ce que c’est le travail en soi où le fait que la réalité est juste nulle ? Là par exemple, ma nouvelle boîte qui était trop parfaite pour être vraie. Et bien… J’avais raison dans l’absolu. J’ai eu deux mois de pure Lune de miel qui se basaient essentiellement sur le fait que je n’étais pas au courant des crises qu’il y a eues juste avant mon arrivée. Petit à petit, je découvre des histoires, mon rose se teinte de gris. Sale, le gris. Plus dure sera la chute ? Dans l’absolu oui mais parce que j’ai plaqué mon désir de perfection sur mon histoire et qu’il en a résulté un mensonge qui ne pouvait pas durer indéfiniment. Du coup, je m’interroge : partir ou rester ? Sauf que partir, ça va se limiter à rejouer toujours la même partition. Encore, encore et encore.

Partir pour retrouver la même chose
(c) Gabrielle Henderson

Pas parfait mais ça va

Car si je compare ma boîte actuelle à ce que j’ai pu connaître par le passé… C’est franchement pas si pire. Alors oui, y a du népotisme. Au carré même avec la boîte qui est en train de nous racheter. Oui, je n’ai pas idée, exactement, de ce qu’il va se passer. En attendant, le fait est qu’aujourd’hui, j’ai deux jours de télétravail, que j’ai eu qu’une soirée à bosser en quatre mois. Je dépasse relativement peu mes heures, y a des gens vraiment sympas. Alors oui, les locaux sont moches, le quartier où je bosse est nul et c’est à une heure de chez moi. Mais si on considère que j’ai travaillé un an et trois mois dans l’une des tours les plus déglingos de la Défense dans un open space sans fenêtre alors que sans lumière du soleil, je crève, ça relativise. Bien sûr que toutes les nuits, je rêve qu’on nous annonce un déménagement pour un quartier plus proche, avec quelques points de restauration. Mais sinon… c’est certes pas parfait mais c’est plus que tolérable.

Partir pour si peu ?

Et forcément, je me refais l’histoire. Est-ce que je ne me suis pas un peu plainte pour rien, parfois ? Enfin, pas pour rien mais n’ai-je pas donné trop d’importances à certains défauts. Bien sûr qu’il y a des choses qui nous saoulent, ne nous plaisent pas. Parce que rien ni personne n’est parfait. La question est : ce défaut est-il si rédhibitoire que ça ? Genre “vais-je larguer mon mec parce qu’il ne rabaisse pas la lunette des toilettes alors que je le lui demande ?” ou “mon mec n’est pas assez spontané, j’aimerais plus de surprises”. Déjà, compliqué de demander à quelqu’un de changer de tempérament. Mais surtout, si ce type de défauts somme toute mineurs te minent, c’est soit qu’il y a beaucoup d’autres points problématiques et que ceux-ci ne sont que des cerises sur le gâteau. Soit que tu ne vas pas très bien dans ta vie et n’hésite pas à aller voir quelqu’un qui pourrait t’aider. 

Ruminer et chercher l’épiphanie

Oui, longtemps, j’ai pas du tout aimé mon taf. Et les deux mois de social media management que j’ai dû faire en fin d’année m’ont rappelé que je n’aimais vraiment pas ça. Mais mes journées n’étaient pas si affreuses. Sauf que je ruminais. Je ruminais beaucoup. Il y a eu toute cette partie de ma vie où j’ai couru après une épiphanie mais aujourd’hui, je capte un truc. La première artisane de mon malheur sur ce sujet, c’était souvent moi. Pas dans les environnements vraiment toxiques que j’ai pu connaître mais les fois où j’étais dans un environnement correct mais où je ne baignais pas dans la perfection. 

Travailler tranquillement
(c) Annie Spratt

Trouve le boulot qui te donne envie de te lever le matin !

Il y a du mensonge dans tout ça. Je parlais de la fille bercée aux comédies romantiques au-dessus mais y a le même délire sur le monde du travail. Tu remplaces les comédies romantiques par Timothéo, coach emploi qui va t’expliquer que si tu suis ta vocation, tu seras tous les jours content de te lever. Alors que moi, j’aime pas me lever tout court, 365 jours par an. Faudra un jour que je me penche là-dessus mais un problème à la fois. Moi, j’y ai vraiment cru à cette histoire de vocation, ce côté “je serai toujours heureuse avec ce métier”. Alors que par empirisme, je sais que c’est faux. Même l’écriture, le Powerpoint art, les activités que j’aime, y a des jours où bof. Y a des jours où j’ai juste envie de traînasser au lit avec un bouquin, regarder une série idiote. L’hiver, j’ai moyen envie de mettre le nez dehors… C’est un mensonge de croire que l’envie et la motivation peuvent être constantes grâce à un métier parfait. C’est un mensonge de croire que le métier parfait existe. Damned.

Se focaliser sur le négatif

Je parle de relation amoureuse ou de travail ici mais ça s’étend à tout dans la vie. Les amitiés, l’art, toutes vos activités. Vous. C’est pas pour rien que le développement personnel te promet une meilleure version de vous-mêmes, expurgée de tous défauts. Sauf qu’une fois de plus, on ne peut pas être parfaits et optimaux en toute circonstance. Le désir de perfection rend malheureux parce qu’on se concentre sur ce qu’on n’a pas plutôt que sur ce qu’on a. Dans mon délire de perfection, je vais chouiner sur mes locaux moches au lieu de retenir que j’ai mes soirées et week-ends pour moi. Que je passe par le pont de pierre à chaque fois que je vais au boulot et que c’est beau. Que je sois à pied, en vélo ou en tram.

Le pont de pierre à Bordeaux

Se concentrer sur le positif

Bref, je ne trouverai jamais un boulot parfait donc plutôt que de chouiner sur le fait que je ne trouve pas ce qui n’existe pas, on va célébrer les avantages qu’on y trouve. Tout en allumant quelques bougies sur l’autel du déménagement parce que ce serait vraiment un gros plus, quand même. 

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