Le développement personnel et le syndrome Emma Bovary

Le développement personnel et le syndrome Emma Bovary

Oui, je suis dans ma période syndrome, je vais vous en inventer un tous les matins, à ce rythme. Je dois vous faire une confession : je viens de finir Madame Bovary. A quasi 44 ans, oui. Téma la littéraire en carton. En plus, je l’ai pas lu, je l’ai écouté. Mais on va pas s’attarder là-dessus, ce n’est pas mon sujet. Non, mon sujet, c’est que certains trucs m’ont parlé. Surtout l’aspiration d’Emma à un amour fantasmé, construit en lisant des romans. Et ce décalage entre le fantasmé et la réalité, c’est ce que j’appelle le syndrome Emma Bovary. Je dois pas être la seule mais flemme de chercher. Mais si moi, ça me parle, c’est pas tant sur le plan amoureux que sur le plan du fantasme d’une vie riche. Une vie promise par le développement personnel.

Le syndrome Emma Bovary ou l'illusion du bonheur
(c) Rachel McDermott

J’aurais aimé faire plus

Longtemps, j’ai vécu dans la frustration. Ma vie ne me convenait pas. Trop de métro-boulot-dodo, pas assez de fun, d’écriture, de création. J’avais mille histoires en tête mais pas une minute pour les coucher sur papier. Enfin, en théorie si mais le soir, je rentrais si cramée que je passais mes soirées à faire des mini-jeux en ligne ou résoudre des escape games plutôt qu’écrire. Une vie nulle, au sens mathématique du terme. Il me manquait une magnificence de cette vie plate. Un peu de paillettes. Et au vu de la place de plus en plus importante que les livres de développement personnel ont pris dans les librairies, il semble que je n’étais pas la seule à être dans cette quête de sens. Sauf que l’écart entre ce qui m’était promis et la réalité, c’est pile le syndrome Emma Bovary.

Tout ce que je voudrais lire

Evidemment, je vais parler du livre de développement personnel que je connais le mieux : Le miracle morning. A peu près le seul que j’ai lu avec “Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une” de Raphaëlle Giordano. Petit roman initiatique sur lequel je n’ai jamais écrit d’article, tiens. Faudra un jour que je me penche un peu sur Raphaëlle Giordano mais je dois d’abord finir de me faire un avis sur Melissa Da Costa. Et finir la trilogie des Faucheurs. Retester un Guillaume Musso au lieu de faire ma merdeuse intellectuelle qui décrète que c’est de la merde alors que j’en ai lu un seul il y a 15 ans. Et je veux vraiment me mettre à Zola, aussi. Et là, je ne vous parle que de livres audio. Sur les livres papier, j’ai envie de lire pas mal de bouquins féministes qui traînent à la maison, poursuivre le cycle des Citadins de demain, lire les romans Dune de 3 à 6… Des fois, je me dis que je devrais démissionner pour avoir le temps de tout lire. Bref, ce fut une violente digression mais je la laisse car là encore, on est en plein syndrome Emma Bovary avec le décalage de ma vie de rêve, une vie où j’ai le temps de lire tout ça, et ma vraie vie. Celle où je travaille et je dors. Entre autre.

S'endormir en lisant
(c) Matheus Vinicius

Du temps pour moi

Le miracle morning, je l’ai lu avec une certaine avidité. Non que ce soit particulièrement passionnant ou bien écrit mais j’étais exaltée par la promesse d’une nouvelle vie. Plus qu’une méthode, que j’ai jamais vraiment suivie parce que je n’ai pas été convaincue par les SAVERS, j’y voyais une promesse. Une belle promesse, celle d’avoir du temps. Quand on sait que c’est ma principale angoisse, forcément, j’étais une super cliente pour la méthode. Et c’est vrai que durant les quelques semaines où je l’ai suivie, j’ai adoré. Pas de me lever à 6h, je ne suis définitivement pas une morning person. Mais j’ai adoré avoir la pêche une fois arrivée au bureau parce que j’avais fait 30 mn avec les cours de danse de D8 puis j’avais pu écrire un peu en écoutant une vidéo avec le bruit de la pluie en forêt, profitant de la douce odeur d’huile essentielle. Et cerise sur le gâteau : je goûtais une certaine solitude puisque mon mec dormait encore. A l’époque, on vivait dans un T2 donc on était rarement dans une pièce différente.

Je ne gagne pas une heure, je la prends sur mon sommeil

Cependant, cette promesse de nouvelle vie où j’aurais du temps contenait un grand mensonge. Bon, d’abord, gagner une heure de vie, c’est bien mais ça reste court par rapport à la masse de trucs que je voulais faire. Mais surtout cette heure, je ne la gagne pas, je la prends sur autre chose. En l’occurrence mon sommeil. “Ah ben suffit de se coucher plus tôt”. Ah oui mais du coup, si je me couche une heure plus tôt pour avoir mon quota de sommeil… Bah, je ne gagne pas une heure, en fait. Alors, certes, on va arrêter la mauvaise foi un instant, ici. J’ai du mal à me lever mais je suis plus efficace le matin que le soir. Parce qu’il suffit d’une journée compliquée pour finir en flaque sur le canapé

Dormir sur le canapé
(c) Adrian Swancar

C’est bien tant que ça dure

Finalement, un des seuls livres sur le développement personnel qui dit la vérité, c’est Mon yoga, ma détox, mes emmerdes. Je résume “ah oui, le wellness, ça fait si bien. Sur le coup”. Typiquement, ce que j’adore dans l’univers du bien-être, c’est le massage. Ah oui, le massage, ça détend. Mais là, j’en ai fait un y a trois semaines et pourtant, j’ai des nœuds aux épaules. Et on en revient au syndrome Emma Bovary. On a notre vie rêvée où tout est possible qui entre en conflit avec la vraie vie. Celle où on a des obligations, du stress, des coups de mous, des événements potentiellement tristes. Des flemmes, aussi. 

Le décalage entre promesse et réalité

Le plus dur dans tout ça, c’est vraiment ce décalage entre la promesse et la réalité. Ce “suffit de” et le résultat final. Emma Bovary rêvait d’un amour passionné comme je rêve d’une vie riche en activité extra-professionnelle. Toujours cette envie de faire du sport, de l’écriture, de la création. Sauf que, comme Emma, je me mens. Ces mille vies, je ne peux pas les vivre. Et me raconter des histoires ne m’aidera pas. Bref, le syndrome Emma Bovary, c’est le syndrome d’un rêve trop grand qui nous fait vivre dans un futur fantasmé plutôt que dans un présent tangible. Et sans vouloir spoiler : ça finit pas bien…

La grosse fatigue
(c) Naomi August

Ici et maintenant

Du coup, même si j’avais trouvé le bouquin de Giordano gnangnan, retenons un enseignement : ta vie, elle est ici et maintenant. Pas dans tes rêves. 

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