La confiance en soi est un mythe
Douter, c’est humain. Enfin, je crois. A l’époque où je me penchais sur le développement personnel, essayant de résoudre l’équation de ma vie à base de “trouver ma juste place” ou tout simplement “avoir un quotidien (relativement) serein”, je voyais souvent des injonctions à la confiance en soi. Alors sur le papier, je suis d’accord. Si je ne crois pas être capable d’arriver à faire quelque chose, devinez quoi ? Je vais échouer ! Quitte à me lancer dans une savante entreprise d’auto-sabotage. Comme ça, au moins… Je suis triste de ne pas avoir plus confiance en moi que ça, d’avoir besoin de validations extérieures, etc. Sauf que, si j’y pense 5 minutes… est-ce qu’on n’en est pas tous au même point ?
Je suis sidérée face à la confiance en soi des autres
Ces derniers temps, je regarde des reacts sur Cauchemar en cuisine. Mon mec me l’avait conseillé y a quelques temps car “pour toi qui t’intéresse à la thématique travail, y a matière”. Effectivement, on croise pas mal de patron·ne·s abusifs, de personnes têtues au-delà du raisonnable… Et si j’ai bien retenu une leçon, c’est que jamais je ne lance une affaire avec mon mec. Adieu mes rêves de ferme du bien-être et autre mini-golf dioramiste ! Bref, on a souvent un contraste violent entre les talents que pensent avoir les personnes dans le restaurant en difficulté et la réalité perçue par Etchebest et M6. Alors évidemment, je connais parfaitement les biais de montage. Je sais qu’on va me montrer en priorité les moments où le chef qui va se faire allumer dit “non mais moi, ma cuisine, je sais qu’elle est bonne, j’ai pas peur”. Pour bien me mettre derrière un Etchebest qui fait la gueule devant son assiette parce que c’est moche, ça pue et c’est pas bon. Mais quand-même, comment peut-on être aussi sûr de soi, à la base ?
Une carapace plus ou moins solide
Réponse : c’est pas de la vraie confiance en soi, c’est une armure. Une carapace. Plus ou moins épaisse vu qu’on passe généralement de “je suis un excellent chef” à de grosses crises de larmes. D’ailleurs, je suis ébahie par le nombre d’hommes en larmes dans cette émission. Merci M6 de nous rappeler que les hommes, ça pleure, aussi. Bref. La confiance en soi est souvent brandie en étendard. Etant moi-même quelqu’un qui doute beaucoup, je peux me laisser impressionner par quelqu’un qui se pose en gros sachant. Ce qui peut occasionner de grosses déceptions le jour où je repère une faille. Une grosse faille, j’entends, pas un petit lapsus anodin ou un doute sur un sujet mineur. Vous avez sans doute vécu ça aussi. Vous savez, cette personne très docte sur un sujet et un jour, elle va sur un terrain que vous maîtrisez et vous vous rendez compte qu’elle raconte n’importe quoi. Patatras, le mythe s’effondre. Et cette question qui demeure. Cette personne sait-elle qu’elle raconte n’importe quoi ou est-elle éblouie par sa propre superbe ?
Une question d’attitude avant tout ?
Donc la confiance en soi, c’est plus une attitude qu’un vrai sentiment, selon moi. Et je pense qu’il est sain que l’on se permette de douter. Pas à outrance. Je me sais trop fragile sur mes appuis, la sensation d’être en permanence une usurpatrice, une impostrice et que ça va finir par se voir. Ca avait rendu ma collaboration avec Michel le Toxique très compliqué. Je me retrouvais dans une situation où je devais apprendre un nouveau métier sur le tas avec un manager qui avait pour passion d’humilier ses collaborateurices. Les “c’est débile ce que tu fais” (texto, oui) ou les “ton document, c’est un torchon” parce que j’avais pas mis le logo de l’agence. Texto toujours, oui. J’en étais vraiment à me dire que j’étais effectivement une petite crotte sèche jusqu’au jour où il a attaqué un truc où je suis inattaquable : les fôtes d’orthographe. Il m’arrive d’en faire, évidemment mais très peu. Donc quand il me renvoie un document en me disant qu’il est bourré de fautes d’orthographe, j’ai compris. Et quand j’ai vu la mobilisation de deux directeurs pour le faire dégager car ils voulaient me garder, moi, ça m’a fait du bien à la confiance en moi.
Un juste équilibre
Trouver donc le juste équilibre entre confiance en soi et doute. Le combat de toute une vie, j’ai envie de dire. Plus jeune, je ne doutais pas. Sans doute pas assez, justement. Je pensais que le monde m’attendait car “j’étais intelligente”. Alors oui, clairement, j’ai des capacités. Je pige vite et je suis immensément curieuse donc je sais que si un sujet me plaît, je peux m’en sortir avec les honneurs. Avec un peu de jugeotte et de réflexion, j’arrive à faire des trucs. Genre les Powerpoint art. Alors que je n’ai pas une très bonne intelligence spatiale, en plus. Mais à se dire que tout est facile, on ne se bouge pas vraiment les fesses. Quand j’étais ado et même jeune adulte, je pensais sincèrement que j’aurai le choix du media dans lequel je bosserais. Je me voyais écrire sur la politique internationale alors que… j’étais une grosse quichasse en anglais. Par contre, j’avais parfaitement identifié que ma peur de l’avion allait être un frein pour ma carrière de journaliste spécialisée dans la Formule 1. Je crois que mon problème, à ce moment-là, c’est que je ne captais pas le concept de beaucoup d’appelés pour peu d’élus.
La société nous mine
Maintenant que je suis grande, je doute en permanence… et c’est un peu la faute de la société. Je m’explique. Il y a quelques temps, j’avais écrit un article sur la complainte d’hypersensibles estimant qu’ils n’étaient pas fait pour ce monde. De mon point de vue, c’est surtout que cette société est faite pour les sociopathes. Ou psychopathes. Je parlais de Michel le Toxique plus haut, ce n’était pas gratuit. Combien d’entre nous ont été brisés par un management moisi ? Ce moment où on va croiser la route de quelqu’un qui va nous démolir pour asseoir son pouvoir sur nous… ou juste parce qu’on représente quelque chose que l’on déteste. Y a qu’à observer les différents cyberharcèlements. Genre t’es une jeune femme entre 18 et 25 ans qui perce, voilà des milliers d’inconnus qui viennent te harceler H24 pour te dire que t’es nulle, moche, que tu sers à rien et que t’as qu’à mourir. Personne ne peut subir ça sans en être affecté. Personne. Et que dire des coaches en drague qui expliquent qu’il faut rabaisser la fille pour mieux la choper ?
La réussite, c’est d’avoir confiance en moi ?
On vit dans une société toxique où ceux qui avancent avec une confiance en soi en étendard se placent aussitôt une cible sur la tête. Surtout les femmes, on ne va pas se mentir. La quête de l’équilibre entre confiance en soi et doute devient de plus en plus complexe. Surtout quand on te rajoute la sauce développement personnel à base de “qui veut, peut”, “si tu ne crois pas en toi, qui le fera ?” et toutes ces salades. Du coup, j’ai l’impression que mon déficit de confiance en moi est un problème intrinsèque que je dois régler. Alors que c’est impossible d’avoir réellement confiance en soi, à moins d’être un sociopathe, je pense. Essentiellement parce qu’on vit dans une société peu empathique qui voit la faiblesse ou le doute comme un défaut.
Allez, changeons de logiciel
Finalement, il est temps de s’en foutre. De changer de logiciel. L’objectif de la confiance en soi est foireux. Je le pense vraiment. Oui, évidemment que j’ai envie de me lancer dans une voie en ne me disant pas que ça va foirer. Que je vais réussir parce que je le vaux et le veux bien. Ce doit être reposant au quotidien. Sauf que c’est le quotidien de personne. Douter, ça peut être positif à partir du moment où ça nous met dans une logique de prudence et d’anticipation et pas dans la paralysie. Et moi, j’ai envie de prôner un nouveau truc. Rien de révolutionnaire, c’est juste un pas de côté dans ma vision des choses. Et ça, je vous en parle semaine prochaine, voilà. Bisous !