C’est trop beau, ça n’arrivera pas

C’est trop beau, ça n’arrivera pas

Retour après une semaine de crash. J’ai été raisonnable, je n’ai rien fait la semaine dernière… peut-être aussi parce que j’étais malade, finalement. Bref, il va être temps de reprendre doucement la recherche d’emploi. Et c’est l’occasion de vous parler de la première touche que j’ai eue dans cette recherche, le poste “trop beau pour moi”. Oh, vraiment ? C’est intéressant cette pensée pas du tout positive. Pourquoi quelque chose serait “trop beau” pour que j’y aie droit ? Je suis punie? Je ne peux avoir que des jobs de merde avec des managers et PDG totalement cinglés ? Creusons, creusons. 

C'est trop beau pour moi
(c) Kinga Cichewicz

Un job dans la boîte de rêves

Je vous raconte le job pour vous faire comprendre quel était le rêve. Une boîte dans l’e-commerce qui avait un concept écologique. Mais l’environnement, c’était absolument au coeur de la boîte. Lors du premier entretien, le recruteur m’a demandé quelles étaient mes valeurs donc je me sens à l’aise pour parler écologie puisque je sais que c’est dans leur ADN. Ouais, en entretien, je fais attention à ne pas trop parler de ce qui pourrait me marquer politiquement. Le recruteur me répond “de toute façon, t’aurais pas parlé environnement, ça aurait été un no go direct”. Ah cool. Lors du deuxième entretien, on me parlera de la fondatrice, vraie écologiste dans l’âme qui se rendait à un sommet e-commerce en bateau parce que l’avion, c’est non. On me parle d’elle comme d’une femme vraiment inspirante. Et cerise sur le gâteau “on est passés sur la semaine de 4 jours”. Et full télétravail, évidemment.

Un poste oversizé pour moi

Des étoiles, j’en ai plein les yeux. Ce serait le jackpot. En plus du package de base, une boîte qui rejoint mes valeurs. J’en ai rêvé, ça pourrait arriver. Mais de suite, je me censure “c’est trop beau, ça n’arrivera pas”. Dans les faits, le job était un peu trop ambitieux par rapport à mon niveau car il s’agissait ni plus ni moins que de monter le pôle data à moi toute seule. C’est sûr que pour une première expérience dans la data, la marche était corsée. Mais ils m’ont gardée jusqu’à la fin du processus. Quand, à côté, tout le monde me bashe car “techniquement trop junior”. Bleuh. Honnêtement, le poste était trop grand et je me le serais pas donné mais de façon “superstitieuse”, j’ai considéré que je ne l’aurais pas car c’était trop beau. Trop beau pour moi. Mais pourquoi je ne me souhaite pas le meilleur, bon sang ?

Le mythe familial du manque de chance

Alors on va en revenir à toujours la même histoire : la famille. Mon éducation. Quand j’ai commencé à penser à cet article, y a une voix qui s’est imposé dans ma tête. Celle de ma mère, disant mot pour mot “non mais c’est trop beau, c’est jamais pour nous ce genre de choses”. Un truc comme ça. Ah oui, la légende familiale de “pour nous, il ne se passe jamais rien de bien”, la chance qui joue toujours contre notre camp. Alors oui, on n’a pas toujours de la chance. Mes parents ont acheté une maison y a trente ans où y a toujours un truc qui cloche. Généralement, ça alterne entre le moteur de la piscine et celui du portail avec, de temps en temps, une grosse fuite au niveau du garage et de l’entrée. Mais après, sur les quatre membres de la famille nucléaire, on s’en sort pas si mal. Niveau santé, on n’a jamais rien eu de grave. Des pépins, oui. Des genoux flingués, de l’hypertension, mon père fait même de l’épilepsie maintenant. Mais on est tous là, debouts. La maladie a d’ailleurs assez peu frappé ma famille. On a eu nos deuils et nos souffrances mais rien d’hors norme.

Tu ne mérites pas ça
(c) Nel Mel

De la légende à la croyance

Après, il est vrai que ma mère n’a pas eu une enfance très joyeuse. Une famille pauvre, un père alcoolique, quelques situation compliquées. A ce que j’en sais. Je pense que je suis loin de tout savoir. Alors forcément, quand tu grandis dans un cadre peu épanouissant, je comprends que ma mère parte du principe que les choses bien, “ce n’est jamais pour nous”. Et quand tu entends ça toute ton enfance, tu finis par le croire. Ce ne sera jamais mon tour. Je serai toujours à côté du manège, à voir les autres s’éclater pendant que je ramasse tous les jobs nuls. Pourtant, on ne peut pas dire que j’ai joué de malchance toute ma vie. Niveau pro, ok, j’ai vraiment très peu de boîtes à sauver. Même si, quand je lis des témoignages sur Balance ton agency, je sais que j’ai évité pas mal de situations vraiment dérangeantes. Ma malchance professionnelle, elle est juste liée au fait que je bosse dans un milieu déjà assez toxique. Tu rajoutes à ça que l’on vit dans une saucisse société de late capitalisme où seuls les héritiers, gens parfois médiocres, ont accès à des postes de dirigeants et voilà. Ma malchance, c’est la vôtre, aussi : on n’est pas nés au meilleur moment. Et encore, je me dis qu’on s’en sort mieux que les lycéens actuels. Coucou Parcours Sup !

Evidemment, y a de la superstition

Au-delà de cet héritage familial que je ne sais trop comment gérer, il y a la superstition. Ce côté “tant que tu l’as pas, tais-toi”. C’est un pur réflexe pour atténuer l’éventuelle déception. La peur que si j’y crois trop, si j’en parle trop, ça va tout gâcher. Là, vraiment, pendant le process de recrutement, c’était un peu comme si j’avais eu rencard avec le mec parfait pour moi. Aussi beau dehors que dedans, avec les mêmes valeurs, les mêmes envies… Le mec des comédies romantiques, un peu. Et c’est épuisant de se relever d’une déception pareille. Y a rien de grave, certes. Des beaux garçons avec de belles valeurs ou des jobs de rêve, c’est pas unique. Surtout que je savais dès le départ qu’ils seraient fous de me prendre. J’ai joué ma carte avec entrain, j’ai pas saboté ma candidature. J’ai fait comme si j’y croyais. Mais la petite voix “c’est trop beau, c’est pas pour toi”, elle est encore là. Alors que des fois, la vérité, c’est que c’est pas si beau. Quand j’ai su qu’ils me prenaient chez Epicea, j’ai cru au conte de fées. Ouah, j’ai chopé un beau poste, ma N+1 a l’air top et en plus, c’est dans le domaine du bien-être que j’aime bien. En vérité, j’avais juste mis le pied dans le pire bourbier du monde. Ce qui renforce ma propre légende, d’ailleurs. “Tu vois, je t’avais bien dit que c’était trop beau”.

Je suis fatiguée

Traumatisée mais pas défaite

Bref, on résume : sur 15 ans d’expériences professionnelles, j’ai eu le temps d’accumuler tout plein de traumatismes qui m’ont poussée à la démission en fin de course. Là, je me retrouve donc à vouloir faire un nouveau taf pour lequel j’ai suivi une formation qui m’a coûté bien deux à trois mois de salaire. Mais je passe quasi pas les filtres et décroche peu d’entretiens. Sur un marché bordelais pas très dynamique dans mon secteur. Hé oui, je m’étonnais qu’ici, les gens changent peu de job. Hé, c’est pas Paris, ici. Y a pas de “je remets mon CV à jour et dans six mois max, je suis barrée”. Les annonces, il y en a peu. Et vu le nombre de candidatures, je suis rarement sur les premiers rangs. Mais bon, on ne va pas se décourager. Déjà parce que je suis obligée de travailler, à un moment. Puis j’ai beau me dire que c’est trop beau pour moi, j’ai eu pas mal de chances dans ma carrière. Dans le sens où j’ai souvent trouvé un job quand il le fallait. En attendant de trouver, je vais tranquillement réviser, me bâtir une jolie confiance toute neuve. Et aussi consacrer un peu plus de temps à mes projets annexes. Genre l’écriture, le Powerpoint Art, ma BD… Après tout, même si je crois que c’est trop beau pour moi d’avoir une carrière artistique, si je peux avoir un minuscule succès d’estime, je serai déjà contente. 

La réflexion se poursuit

Ah par contre, on va en reparler de ces projets annexes dans un prochain article car vu que j’étais pas mal en introspection et en délire fiévreux cette semaine, j’ai identifié deux ou trois trucs là aussi. Je vais en avoir des choses à raconter à ma psy quand j’aurai repris rendez-vous. Car là, j’ai dû annuler pour cause de fièvre.                                       

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