Eloge de la médiocrité : arrêtons de courir après la perfection

Eloge de la médiocrité : arrêtons de courir après la perfection

Comment ça vaaaa en ce lundi non chômé ? Pas de panique, on reste sur une semaine de 4 jours, 3 pour les plus chanceux. Et j’en fais partie. Hé oui, non seulement je suis payée à peu faire mais en plus, on me dit de rester chez moi vendredi. Ok ! Et à propos de boulot, j’ai envie de vous parler de médiocrité. Enfin, plutôt de ce travail que je suis en train de faire sur moi pour arrêter de vouloir être la meilleur ou équivalent à tout prix. Le calm down, c’est aussi arrêter de vouloir incarner une quelconque ambition. Accepter d’être juste correcte, moyenne. Un 2.5 étoiles sur Tripadvisor. Environ ce que raconte Guillaume Meurice dans son Petit éloge de la médiocrité.

Eloge de la médiocrité : on n'est pas toujours obligés d'exceller
(c) Towfiqu Barbhuiya

Viser la moyenne plutôt que la perfection ?

Alors vais-je vous parler d’un livre que je n’ai pas (encore ?) lu ? Absolument. Enfin, je vais pas tant vous parler du livre que de ce qu’en dit Guillaume Meurice dans une interview. En gros, il explique que c’est ok d’être moyen voire médiocre. Et dans une société qui nous exhorte en permanence à être une meilleure version de nous-mêmes, ça ne manque pas de sel. Surtout pour des personnes qui ont une grande tendance à l’autoflagellation comme moi. Etre juste moyenne, l’impossible défi ?

Ce que je n’aime pas a-t-il le droit d’exister ?

Parfois, je consomme de la culture. Lire des livres, regarder des films, écouter de la musique, voir des expos… Bref, mon individu découvre et critique. Car autant je peux être emballée par certaines oeuvres. Comme, dernièrement : la saga Blackwater, Mon crime de Ozon, Suzume de de Makoto Shinkai, la carrière musicale de Juliette Lewis, Nous d’Evgueni Zamiatine, la série coréenne The glory. Chroniques à venir pour les deux derniers sur Dystopie et Raconte-moi des histoires. Car comme dirait Djamil le Schlag “Autopromo ! Autopromo !”. Et puis il y a des trucs que j’aime pas et qui vont me faire taper très fort sur mon clavier. Y avait eu le roman horribilus, par exemple. C’était mauvais, ai-je pesté. Sauf que…

Si le plaisir de la création est là, c’est déjà pas mal

Oui, c’était mauvais, à mon goût. Je n’ai trouvé de qualité ni à la forme ni au fond. Mais je dois lui reconnaître une qualité : sa sincérité. Une qualité essentielle, même. L’autrice s’est amusée et c’est aussi pour ça que je ne l’ai jamais explicitement nommée. J’ai détesté son travail mais je ne voulais pas lui faire de peine, si elle tombait par hasard sur ma prose. D’autant que si son roman était bourré de défauts d’écriture, il n’était pas problématique en soi. Il ne légitimait aucun discours cracra, il ne comportait aucune scène gênante qui implique que l’auteurice soit allé.e se branler juste après l’avoir écrite tellement iel s’y est cru. Et y avait pas de scène gratuite de violences et/ou de viol sur une femme. Oui, la méchante finit fusillée mais ce n’est ni gore ni gratos dans l’univers. Du coup, même si j’ai trouvé ce livre médiocre, son existence ne me paraît pas intolérable. 

Lire un mauvais roman
(c) Alex Shu

Calme la pression

Dans ma vie actuelle, je me rêve deux activités artistiques. L’écriture et le graphisme. Sauf que je n’y mets pas le même enjeu. Il y en a un pour lequel on m’a toujours prêté un talent et où la possibilité de l’échec me terrorise et l’autre pour lequel… je n’ai strictement aucune attente. Le premier, je suis régulièrement paralysée par la fiction que je propose. Vraiment le fond. La forme, je n’ai curieusement aucun doute. Même si, en relisant mes vieux articles, je suis parfois tétanisée par la longueur infinie de mes phrases, ponctuées de mille parenthèses. Ah oui, à une époque, je trouvais ça rigolo d’ouvrir des parenthèses, des parenthèses dans des parenthèses et à la fin, ça donnait environ ))). Depuis, j’ai découvert le SQL, ça m’a calmée. Mais je doute à fond du fond. Est-ce que mon histoire est bien construite ? Est-ce que ça va intéresser quelqu’un d’autre que moi ? D’où tout ce travail que je tente de faire du “écris pour toi et le reste, on s’en fout”.

Quand j’ose là où je suis peu douée

A l’opposé, nous avonc donc le graphisme. Durant toute mon enfance, j’ai bien entendu que je ne dessinais pas bien. Pour tout dire, je n’ai pas le trait sûr. C’est assez curieux car j’ai une écriture manuscrite épouvantable, je dessine fort mal mais je suis dégourdie en trucs minutieux genre bijoux en perle, perles hama, bracelets brésiliens… Même le tricot, je m’en sortais pas si mal dans mes points. Je crois que la différence majeure, c’est le décalage entre ce que j’ai dans la tête et ce que je produis. Dans les activités de reproduction de type perles ou tricot, je reproduis un modèle, je suis tenue par la main. Un bon exemple : actuellement, je fais de la peinture au numéro. Grâce à Nelly qui m’a redonné envie. J’y prends beaucoup de plaisir. Je viens d’ailleurs d’en terminer un et alors que je me demandais quoi faire de la peinture restante, mon mec me dit “bah imprime-toi des trucs et peins les”. Paaaaaanique à bord ! Moi, peindre toute seule sans qu’on me dise où je mets le rose, le bleu ou le vert ? Alors que le dessin à la main ou l’écriture, j’essaie de rattraper ce qu’il se passe dans ma tête. Typiquement, l’écriture à la main, j’écris très mal car ma main ne suit pas le tempo de mon imagination. 

J’aurais jamais pensé y arriver

Quand on te répète que tu n’es pas douée dans un truc, tu finis par l’intégrer. J’ai eu de la frustration concernant le dessin. Alors que pas du tout pour le running par exemple. Je me souviens d’un rêve que j’avais fait, alors que j’étais jeune étudiante. J’avais rêvé que j’arrivais à dessiner et que je réalisais une BD avec une histoire de sirène ou je ne sais quoi. Le dessin, c’était du pur RG Veda. Et si je me souviens pas trop de l’histoire, je me souviens très bien de la joie intense que je ressentais en arrivant à un tel résultat. Du coup, je m’étais dit qu’en m’appliquant, peut-être… Bon, non, définitivement. Mais je n’ai jamais vraiment lâché l’idée et aujourd’hui, grâce au Powerpoint Art, j’arrive à des trucs. Et c’est tellement miraculeux que j’ai aucun mal à partager le fruit de mon travail. Azy que je mets ça sur Twitter, Insta, je veux même les vendre un jour. Carrément, oui. J’ai zéro complexes parce que faire juste un peu bien, c’est déjà énorme.

S'épanouir en faisant du dessin
(c) Kelly Sikkema

Juste un peu bien

Et je me dis que c’est pas mal, ce claim. “Juste un peu bien, c’est déjà énorme”. Je regarde beaucoup de Youtubeurs ciné dont Karim Debbache dont je parle trop souvent. Mais j’aime son positionnement. “Oui, je critique des films mais j’ai parfaitement conscience que faire un bon film, ça tient du miracle”. Et tu peux changer le mot “film” par n’importe quel mot lié à l’art, ça marche. Et pas que l’art, d’ailleurs. Ca marche pour tout. Tu prends une personne réellement douée dans son domaine. Celle que vous voulez, je vous laisse choisir. Et bien même elle, y a des moments où elle se rate. Parce qu’on n’est pas toujours au top. On a de la fatigue, des soucis, de la charge mentale, une douleur parasite… Sauf que si tu arrêtes d’être toujours le meilleur ou du moins le plus badass, la vue change radicalement et… c’est la délivrance.

J’étais heureuse avec mes 12/20

On nous enjoint à toujours faire mieux, plus fort, plus vite. Injonctions à la performance, à la productivitié, à être la meilleur version de soi. C’est mon propre enfer, je ne prends donc pas un ton docte et supérieur en disant qu’il faut se débarrasser de ça. Je le dis d’abord pour moi. J’aimerais considérer que le but, c’est d’être satisfaisant. Le petit 12/20 du lycée, à la cool. Suffisamment au-dessus de la moyenne pour avoir la paix. Une note facile à obtenir sans trop d’efforts. Je me demande toujours ce qu’est devenue cette ancienne moi du lycée qui était tranquille quant à ses capacités. Qui oscillait entre 12 et 13 de moyenne sans rien faire et qui trouvait ça fort satisfaisant. Oui, en forçant, j’aurais pu faire mieux et plus mais… Pourquoi ? Alors, je rêvais juste d’une petite vie peinarde, une vie de journaliste au coeur de la PQR. A quel moment j’ai perdu de vue ce qui, aujourd’hui, me paraît un graal si inatteignable ? A quel moment j’ai cru qu’être la meilleure, avoir de l’ambition, c’était quelque chose de souhaitable ?

Le culte de la performance m’empoisonne

Je suppose qu’il existe une réponse sociologique, un culte de la productivité et de la perfection qui a infusé en moi sans que je m’en rende compte. Ca vient sans doute du monde du travail, un monde où on court tous après un plus gros salaire, un plus gros poste. Moi, l’universitaire jetée au milieu des jeunes diplômés d’école de commerce où on leur a appris à grimper les échelons. Et c’est pas un souci si c’est leur kiff. Mais pourquoi ai-je prétendu que c’était le mien ? 

Prendre du plaisir sans exceller, c’est bien

Alors voilà, essayons d’inverser le paradigme. Se dire que les jours où l’ont fait tout bien ne sont pas une norme mais une exception dont on peut se réjouir. Et que le jours où l’on rate, c’est pas grave. On a le droit d’être juste moyen voire mauvais. Oui, je pédale pas vite et me fais souvent doubler par les Alaphilippe du dimanche et après ? Si je prends plus de plaisir à aller doucement qu’en pédalant comme une forcenée, c’est pas mal, non ? Tant pis si mes dessins ne sont pas parfaits. Leur imperfection peut avoir du charme. Tant pis si mes écrits ne font pas l’unanimité, tant que ça m’a plu, à moi, d’écrire. Et que les trois personnes et demi qui ont lu ma prose ont bien aimé. Si on doit attendre la perfection pour se lancer, le moment où on est 100% prêts, ça n’arrivera jamais. Et d’ailleurs, on en parlera la semaine prochaine de ça. Soyons fiers de notre médiocrité. 

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