Les voyages immobiles ou fantasmés

Les voyages immobiles ou fantasmés

Prendre de bonnes résolutions fait toujours naître un peu de frustration chez moi. Typiquement, quand je faisais des régimes, j’avais une envie insatiable de cochonneries. Au bout de deux jours de diète, je rêvais de macarons framboises ou de je ne sais quoi. Maintenant, je ne fais plus de régime alimentaire mais des régimes décarbonants ! Et notamment cette grande résolution : on va se calmer sur l’avion. Pas d’avion en 2023 ! Et ça m’a donné envie d’aller au Canada, au Japon, en Corée… Bref, j’aime plus l’avion, certes, mais j’ai des envies d’évasion. Alors pour compenser, est-ce que je tenterais pas des voyages immobiles ? Visiter virtuellement des lieux en croisant les médias ?

Les voyages immobiles, voyager par la culture et l'imagination
(c) Vasily Nemchinov

Créer un faux tour du monde

En 2021 ou 2022, j’ai une idée. Je vais créer un compte Instagram de voyage mais un peu fake. En gros, j’imagine un périple à travers le monde, je sélectionne des photos à droite à gauche. Je croise les photos pour en créer une nouvelle… Parce que bon, on fait un peu tous les mêmes photos, après tout. Seuls les nuages et gens devant changent, hein. Je partage l’idée à mon mec qui n’est guère convaincu. Pour quoi faire ? Pour me faire passer pour une grosse globe-trotteuse ? En vrai, le plan était plus complexe. Je ne comptais pas tant me faire passer pour qui je ne suis pas que de trouver un prétexte pour me lancer dans des voyages immobiles.

J’ai tellement envie de tout découvrir

Alors ok, j’arrête pas de parler de voyages immobiles mais qu’est-ce que je mets derrière ça ? C’est pas une histoire de drogue ou de casque VR, non. C’est l’idée de découvrir une ville sans avoir besoin d’y aller. Pour le moment. La liste de mes destinations de rêve s’allonge à l’infini. Ca devient limite “j’ai lu un livre ou vu un film dans telle ville, j’ai envie d’y aller”. Typiquement, demain, sur Raconte-moi des histoires, je vous parlerai d’un film qui se passe à Istanbul, notamment au Pera Palace. Hôtel art déco qu’on a déjà croisé dans Minuit au Pera Palace. Série très chouette que je vous conseille. Alors forcément, j’ai envie d’y aller maintenant. Sauf que plus d’avion en 2023. Et je suis au chômage aussi. Même si une semaine all inclusive à Istanbul peut potentiellement me coûter moins cher qu’une semaine en France. Mais voilà, le constat est simple. Je ne peux plus aller partout par rapport à mon éco-dépression mais j’ai toujours soif de découverte. C’est quoi l’alternative ?

Des villes qui me sont familières sans y être allée

Parlons de Stockholm ou Seoul. Villes que je n’ai jamais visitées même si pour la seconde, j’ai passé 5 heures dans son aéroport. C’était pas passionnant. Bien que je n’y sois jamais allées, ce sont des cités qui commencent à m’être familières. Pour l’une parce que j’ai écrit un roman qui s’y passe et je faisais des recherches pour que mes personnages se déplacent dans des lieux qui existent. Puis j’ai réalisé des Powerpoint Art dessus. Si bien qu’à chaque fois que je vois une photo de Gamla Stan, je reconnais. Comme si j’y étais allée. Alors que non… Idem pour Séoul et ses petites rues avec ses escaliers infinis que je vois dans toutes les séries coréennes, leurs étranges plazas. J’aime découvrir la civilisation coréenne à travers ces productions. Les séries, les films… j’apprends même la langue sur Duolingo. Enfin, “j’apprends”, c’est plus qu’insuffisant. Mais je me sens emplie de Corée.

Seoul, la belle
(c) Zequn Gui

Me plonger dans un bain coréen

Alors vous allez me dire que les séries, c’est bien sympa mais ça reste limité. Surtout qu’en terme de productions, les séries coréennes ont un fort goût de télénovela à l’ancienne. Sans le cul, donc. Déjà, quand ils s’embrassent, c’est follement torride… Je suis en train de terminer une série où les personnages sont tous totalement en surcharge émotionnelle. Les acteurices hurlent en permanence. Toujours au bord de la folie, du pétage de plomb. Je ne pense pas que les Coréens soient à ce point à fleur de peau. Par contre, le trauma de la fracture sociale, je le vois partout dans leur production. Et dans Parasite, par exemple, alors qu’il y a une pure scène de furie, ils ne crient pas autant. Du coup, j’ai envie d’en savoir plus sur la Corée. Lire des articles, regarder les films, les séries, lire les livres, apprendre quelques notions de leur langue, etc. Et préparer un voyage à Séoul que je ne ferai peut-être jamais pour me donner la sensation de voyager. 

Une expérience qui ne stimule que peu de sens

Evidemment, voir à travers un écran, un réseau social, ça ne flatte qu’un sens et demi. Le demi, c’est pour l’audition mais là encore, aucune production audiovisuelle ne me donnera l’exacte sonorité de la ville. J’en avais parlé pour Tokyo, c’est une ville tellement bruyante avec tous ses écrans pub qui te parlent à tous les coins de rue. Et puis il y a l’odeur. Je suis une olfactive. L’odeur d’une ville, je vous cache pas que c’est rarement mon kiff. Entre les odeurs de bouffe qui me rendent malade si mon dernier repas s’est terminé il y a peu, l’odeur des voitures, de la pollution et mecs qui se prennent pour des clébards à pisser partout, c’est chaud. Aucune ville ne sent vraiment bon. Même si, pour les côtières, tu peux percevoir quelques effluves iodées au détour d’une rue. L’odeur d’iode, c’est tellement l’odeur des vacances. Mais l’odeur fait partie du voyage. J’ai trouvé que le Caire puait de fou, une odeur de pollution marquée mais c’est son odeur. Ca fait partie de mes souvenirs. Comme l’odeur de brûlé aux Philippines avec de l’écobuage un peu partout. Et puis évidemment, y a les saveurs. Oui, je peux lire des dizaines d’articles ou voir des vidéos sur les nouilles soba ou les mets coréens, lire n’est pas goûter. Les voyages immobiles te privent de pas mal de sens.

Echapper au tourisme de masse ?

Cependant, est-ce que ça ne reste pas un substitut tout à fait acceptable dans un monde où le voyage de masse devient de plus en plus un caprice ? Oui, c’est une interrogation très contemporaine. La photographe Natacha de Mahieu a sorti très récemment une série de photos sur les absurdités du tourisme de masse où on fait la queue pour admirer les “coins secrets”. On fait tous les mêmes photos. Regardez, je suis en haut de la falaise qui surplombe l’épave de bateau sur l’île de Zakynthos en Grèce. Regardez, c’est moi devant le coucher de soleil à Santorin. Là, c’est une photo prise d’un spot secret à Shibuya ! Tellement secret qu’on fait tous la même photo. Oui, évidemment qu’il y a des lieux que j’aimerais de mes yeux voir. Surtout pour sortir du circuit touristique et goûter la quiétude du “deux rues plus loin”, là où il n’y a plus personne. Mais est-ce que voyager autant nous rend toujours aussi cool ? J’ai longtemps aimé ma facette globe trotteuse. Arriver au boulot le lundi matin en débarquant de Montréal. Soupirer en me disant que, hier encore, j’étais aux Philippines, aux Maldives, au Japon… J’ai eu la chance de voir ça et justement. Je dois céder ma place. Chacun son tour. Et puis si un jour, j’ai l’occase d’aller dans de nouvelles destinations, je viendrai en des lieux qui me seront familiers. Et si j’y vais pas… Bah, j’irai pas mais j’aurai une connaissance théorique de ces lieux. 

Le plaisir de découvrir une ville
(c) Timo Stern

Un petit item en plus dans mes infinies routines

Bref, je pense intégrer mes voyages immobiles dans mes routines. Déjà pour dessiner des PowerPoint Art sur ses lieux déjà vu ou qui me font de l’oeil. En regardant des reportages, en lisant des livres, voyant des films. Peut-être que quand j’aurai fini ma formation et mon déménagement de blog, je m’amuserai à créer ce compte voyage de globe-trotteuse en carton. Ca me donnera des skills en Photoshop. Combo ! 

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