Mais c’est quoi le danger du développement personnel ?

Mais c’est quoi le danger du développement personnel ?

Ou comment va falloir arrêter de demander aux gens de gérer seuls leurs traumas et “coups de mous” parce que bon… J’en ai parlé la semaine dernière, le développement personnel fonctionne car on est dans une ère hyper maltraitante pour nos psychés. Entre culte de la performance, bullshit jobs, exhibition collectives de tous les moments de bonheur, qu’ils soient réels ou fictifs… On est cramés. On cherche un sens à tout ça, on s’accroche au moindre bout de bois pour essayer de garder la tête hors de l’eau. Et on se dirige vers des solutions simples, parfois recommandées par des ami.es. And so what ? Y a-t-il vraiment un danger du développement personnel ?

Danger, sables mouvants

Je me suis sincèrement posé la question. Quand je suis rentrée dans le développement personnel, je suis vite partie en mode bricolage. Prendre soin de moi, oui. Rentrer dans une certaine mystique, non. Pas que je sois trop intelligente pour y croire ou je ne sais quoi. C’est juste que j’ai un réel rejet de tout ce qui est préchi-précha. Ce qui est assez étonnant si on considère le fait que j’ai été une ado totalement mystique, à croire aux fantômes, aux extraterrestres… J’ai vraiment cru qu’en m’exerçant, j’arriverais à quitter mon corps pour que mon moi astral aille se balader dans la pampa. J’ai fait des dizaines de rêves où j’essayais la télékinésie et j’étais en panique totale parce que ça marchait. Ca, c’était peut-être lié à la lecture de Carrie. Bref, j’étais une ado X-files-Mystères et je ne sais pas pourquoi, aujourd’hui, tout ça me vrille les nerfs.

Alors tout ce qui touchait de près ou de loin à des croyances new-age , ça me laissait froide. Du développement personnel, je ne prenais que les éléments rationnels. Ecrire un journal intime, se lever tôt pour faire du sport et de l’écriture. Chercher en soi les réponses à ses questions existentielles. Je ne suis pas rationnelle en tout non plus. Je me suis intéressée un temps à l’aromathérapie, ayant une prédilection pour tout ce qui sent bon. J’ai fait de la sophrologie et trouvé mon compte. Je continue d’envisager l’hypnothérapie pour m’aider dans la gestion de mes angoisses

gérer son anxiété comme on peut
(c) Hayley Kean

L’hypnothérapie, parlons-en, justement. Par moment, je pense à tout plaquer pour me lancer dedans. “Ah bah super la rationalité madame”. Oui mais il y a une nuance. Dans ma vie, je suis allée voir trois thérapeutes alternatives. L’hypnothérapeute et la sophrologue ainsi qu’une naturopathe. La naturopathe, c’était bizarre. Contexte : j’étais dans mon tunnel 2011-2012 où je m’en suis pris plein la gueule. Tout s’est effondré : amours, amitiés, boulot, famille. Même santé puisque je me suis cassé un os pour la première fois de ma vie alors que j’ai une constitution très solide. Ce qui a cependant limité la casse sur mon genou. Tout a vrillé. Vers octobre 2012, alors que les choses semblaient se calmer, paf, rupture surprise. D’une relation qui ne durait pas depuis très longtemps, trois ou quatre mois, mais qui a été violente par sa surprise. Je me retrouve sur le carreau et je sens que j’ai besoin d’aide pour comprendre pourquoi je me prends tout ça dans les dents. Une psy ? Bah non, en réalité, j’ai juste besoin de quelqu’un qui me tapote l’épaule et me dit que ça va aller mieux.

La naturopathe, c’est Anaïs ma besta qui m’en parle. Une de ses amies va la voir et ça lui fait du bien. La dame était très gentille mais les discours chelous. En gros,tous mes problèmes viennent de la violence familiale côté maternel. Et puis il ne faut pas donner le nom de ses ancêtres aux enfants parce qu’ils portent l’héritage après. Fun fact : à cette époque, je lisais Les pingouins n’ont jamais froid d’Andreï Kourkov, roman dont le héros s’appelle Victor, dit Vitia. Et je kiffais. Un prénom que je donnerais bien à mon fils. Et qui s’appelait Victor aussi ? Mon grand-père maternel ! Ah. Et de ce que je sais de ce monsieur que je n’ai pas connu, il n’était pas très sympa. Re fun fact : avec Victor (décidément), mon conjoint, on s’est toujours dit “pas d’enfants”. Mais si on a un fils, on l’appellera comme le grand-père de Victor. Parce que prénom qui claque ++.

La malédiction familiale
(c) Daniel K Cheung

Bref, j’ai été noyée dans des préchi-préchas obscurs, j’ai eu droit à un rituel à base de quartz ou d’améthyste. Elle m’a demandé si j’avais besoin d’un suivi diététique. Moralité : j’ai écrit un long mail à mon désormais ex pour lui dire que je ne méritais pas la façon dont il m’avait traitée. Ca m’a fait du bien, fin de l’aventure naturopathique.

Mais ces thérapeutes alternatifs, j’y suis allée à la base pour toujours le même point : réparer ce qui ne va pas. Sans me sentir assez légitime pour aller chez la psy. Alors qu’aujourd’hui, j’ose dire que la période 2011-2012, de par son accumulation d’emmerdes plus ou moins graves, a été traumatique. C’est pas juste une rupture ou deux, un genou pété ou ma grand-mère qui meurt un 24 décembre. C’est 18 mois de quasi absence de répit. Ces thérapeutes alternatifs me paraissent plus légitimes parce que mon spleen ne me paraît pas si grave. Moins grave que des gens qui ont vécu de vrais traumatismes. Et j’aime bien l’idée d’être une oreille attentive et bienveillante en donnant l’impression aux gens qu’ils se remettent en marche. 

Le danger du développement personnel - Une femme a des fleurs scotchées sur les bras
(c) Taisiia stupak

Sauf que, plot twist, les gens qui basculent dans le développement personnel ou dans les médecines alternatives sont des personnes vulnérables. Des personnes en souffrance. Et le risque de dérive vers des groupes moins bienveillants arrive très vite. C’est ce qu’expliquait Elisabeth Feytit de Meta de Choc : la dérive sectaire n’est jamais loin. On peut voir le développement personnel comme un ensemble de portes. On en ouvre une première pour trouver du réconfort. Puis une deuxième, une troisième. On plonge tête la première dans le new age et on finit par parler Deep State, politiciens satanistes et enfants indigo. Juste parce qu’on a voulu se mettre à la méditation ?   

Oui et c’est pour ça que je me permets d’être critique du développement personnel. Sous cette étiquette, on va trouver des petites pratiques qui peuvent nous aider au quotidien. Sauf que quand on ne va pas bien, la pente peut vite devenir glissante. On peut passer d’un simple intérêt pour le coloriage qui détend à l’adhésion à une secte. Je vous jure que quasi tous les témoignages entendus dans Meta de choc dépeignent cette dérive. “Oh bah au début, j’ai fait un peu de yoga pour me détendre et à la fin, je vivais dans une communauté tantrique sur une île avec un gourou qui violait des gens”. Je n’exagère pas, y a vraiment des histoires comme ça. 

Le danger du développement personnel : une mini statuette de bouddah entre deux quartz
(c) Samuel Austin

C’est pour ça que je vrille quand je vois tous ces préchi-préchas s’instiller peu à peu partout. Je lis un livre qui se veut féministe sur les amours actuelles ? Bim, du bullshit sur la psychogénéalogie. Tout le délire sur les sorcières à base de “cramer de la sauge, c’est féministe !”. Heu ? Mais historiquement, les femmes ne se revendiquaient pas féministes. On parle de victimes d’une oppression aussi patriarcale mais pas que ça. Pas de militantes. Ca me rend folle la porosité entre luttes et préchi-précha parce qu’à quoi on ouvre la porte ? A qui livre-t-on des gens paumés dans leur vie ? On parle souvent du cas extrême des charlatans qui vont taper à la porte des cancéreux pour leur expliquer que pour vaincre le cancer, il suffit de faire ci ou ça. Parce que le danger pour la santé est parfaitement visible. Idem pour le business de la minceur où on va recommander aux gens de juste ne plus manger, de pratiquer ceci ou cela. Ou juste vibrer sur la bonne fréquence. Faudra que je fasse un article sur minceur et développement personnel, tiens. 

Le développement personnel semble inoffensif, en soi. Pas de soucis de réserver des rayons entiers à tout ce préchi-précha, le coloriage n’a jamais fait de mal à personne. Certes. Mais qui est derrière ? Je vais pas m’étendre sur l’anthroposophie car cet article est déjà beaucoup trop long mais derrière de jolies idées, des marques qui se veulent naturelles, on nourrit des sectes pas si gentilles que ça. Ah oui, la biodynamie, ça a l’air sympa sur le papier. Enfin, j’avoue ne m’être jamais penchée sur la question mais à qui on donne notre argent ? C’est un vrai sujet. Un sujet qui n’est pas du tout pris en charge par les pouvoirs publics qui n’aident pas les gens à gérer leur spleen de manière safe. Surtout avec une doxa qui te répète en boucle que qui veut, peut et si tu échoues, si tu es malheureux.se, c’est sans doute un peu ta faute.

Colorier pour lutter contre le stress

Bref, je comprends qu’on ait besoin parfois de petits dérivatifs pour gérer sa vie. Je ne dis pas de tout jeter à la poubelle. Cependant, soyons prudents et bienveillants les uns avec les autres. Rappelons-nous collectivement que l’échec, c’est normal. Que les ras-le-bol de nos vies, c’est normal. Si ça dure, il sera plus efficace d’aller voir un professionnel de santé plutôt que de bricoler. La santé mentale et trop importante pour la laisser dans les mains de n’importe qui ou n’importe quoi. 

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