Et ces petites voix dans ma tête…

Et ces petites voix dans ma tête…

Machine sourde et tempête. Comment ça va ? Moi, je suis dans une période introspection du fait que, hé, il m’est arrivé un gros imprévu cette année. De type “mon employeur m’a demandé de partir parce que paraît que je suis nulle”. Alors que c’est surtout que je suis chère. Chère à ses yeux, pas chère de façon objective. Et puis y a pas assez de boulot donc une suppression de poste un peu cachée mais sur le coup, gros mur dans ma face. Et là, qui se réjouit ? Les petits voix dans ma tête. Ah bah une crise existentielle, c’est parfait pour se jouer de grands mélodrames, dis donc.

J'ai des petites voix dans la tête
(c) Anhelina Osaulenko

Si je devais lister les voix dans ma tête, j’en citerais six. Vous en avez au moins trois en commun avec moi, vous allez voir.

Elle, elle m’incite à être gentille, notamment avec moi-même. Même quand ça peut me saouler. Je ne parle pas d’être juste serviable à base de tenir la porte ou d’aider quelqu’un à descendre des marches avec une poussette. Situation que je ne vis quasi plus depuis que je vis à Bordeaux, vive le tram. Mais aussi celle qui m’incite à toujours choisir la voie la plus lumineuse, y compris dans ma façon de lire la vie. Elle est également très pragmatique et propose des solutions quand elle en voit une.

Sorte de voix très neuneu qui se réjouit. Une brise, un joli paysage, après un cours d’aquagym, une bonne nuit ou un repas gourmand mais pas trop. Elle, elle est toujours contente. Et elle crie dans ma tête “ah, là, je suis contente”. Merci Michèle de l’information.

Un peu à l’opposé de la voix côté clair, elle veut se bagarrer. Tout le temps. Elle ne supporte pas l’injustice et imagine de suite des moyens de vengeance. Une voiture qui squatte un trottoir et m’empêche de passer ? J’imagine me fabriquer une bague avec un bout pointu qui dépasse pour bien rayer la carrosserie discrétos. Elle veut expliquer à tout le monde la vie et pas toujours de façon sympathique. Surtout pas de façon sympathique, d’ailleurs.

Elle, c’est l’ennemie jurée de ma santé mentale. Elle adore appuyer où ça fait mal. Me faire douter en ressortant de ses malles des moments où je n’étais pas été au top pour que je puisse relire toute ma vie sous l’éclairage “tu es nulle, tu es feignante, tu n’as aucun talent et tes échecs en sont la preuve. Tiens, voici toutes les fois où tu n’as pas été à la hauteur”. C’est aussi la voix dominante quand je suis fatiguée ou que je suis en plein SPM.

Ou équivalent, la pure voix de l’angoisse. Celle qui surgit direct de ton cerveau reptilien pour te raconter tes plus grandes peurs à un moment où tu aurais besoin d’un peu de rationalité.

Elle, elle se contente de chanter. Tout le temps. De façon totalement random. 

Paire de micros
(c) Joshua Hanson

Ainsi, quand j’ai pris en pleine face le fait que je me faisais virer, ça donnait à peu près ça : 

  • Voix “t’es qu’une merde” : Ah ben oui, forcément que tu te fais virer, tu t’attendais à quoi ? T’es nulle, nulle à chier et tu croyais faire illusion ? Même Robert qui est un gros con, il n’a pas été dupe.
  • Voix “ma vie est foutue” : Putain, c’est la merde, c’est la merde. Finito les vacances en Nouvelle-Zélande ! Et puis tu vas bien galérer à trouver un nouveau job. 45 ans, un marché du travail saturé, personne ne voudra de toi. Et toutes ces économies vont partir en fumée.
  • Voix Xena : Mais il croit quoi ce jus de poubelle, cette raclure de bidet ? Je vais l’attaquer, je vais lui faire bouffer son sourire de merde. Tu crois que tu peux me virer comme ça, moi ? Tu rêves. Tu vas en chier. Et je devrais te dire tout le mal que je pense de toi, espèce de triple abruti incapable qui n’a réussi que grâce à l’argent de ses parents. Parents qu’il squatte encore à 62 ans.*
  • Voix “maman” : Non mais en vrai, c’est un mal pour un bien. Tu détestes cette boîte et tu détestes ce job. Tu vas leur prendre des sous et tu vas pouvoir faire autre chose. C’est une opportunité, en fait.
  • Voix “réjouie de la crèche : Et tu vas pouvoir passer l’été au lac en plus
  • Voix karaoké : Asteromáta mu mikrí, Gýre na se filíso

Tout ça pendant que j’essayais de processer l’info comme quoi, c’était finito pour moi. Tout ça pendant que je rentrais chez moi en vélo en essayant de ne pas pleurer, rapport au fait que ça nuirait un peu à ma visibilité. Et en manquant de tomber parce que j’ai roulé dans une flaque pour le fun et que y avait un trou, en fait. C’était une suggestion de la voix réjouie de la crèche.

Une flaque en ville
(c) Matt Hoffman

Et c’est en permanence comme ça. Toutes ces petites voix dans ma tête. A la limite, la voix karaoké, je l’aime bien. Je me dis même que ce serait assez rigolo de retranscrire ce que j’ai dans la tête en direct. Des phrases un peu décousues pour des articles ou des romans mélangées à ma BO du moment. D’ailleurs, sur le paragraphe précédent, j’ai mis que la voix karaoké chantait Asteromata de Klaudia mais ce n’était pas ma chanson fétiche du mois d’avril. J’étais plus sur Wasted Love de JJ, à priori.

En vrai, j’ai l’impression que j’évolue sur une scène de théâtre pour un casting ou je ne sais quoi. Et cinq de mes voix commentent à voix haute. La sixième chante, elle s’en fout de ce que je fais. Le problème, c’est que la voix dominante, vous l’aurez compris, c’est la voix “tu n’es qu’une merde”, suivie de très près par “ma vie est foutue”. Même si, en général, c’est “ma vie est foutue” qui démarre. Ca donne à peu près : 

« Oh mon Dieu, j’ai trop de choses à faire, je vais pas y arriver ! Je panique un peu, là.

– Bah évidemment que tu ne vas pas y arriver, t’es nulle. Tu fais ta maline en ne prenant pas trop l’avion mais tout l’air que tu respires, c’est du gaspillage pur d’oxygène. Tu devrais viser plus bas parce que viser haut, t’es pas capable ma pauvre fille.

Like Cleopatra, La-la-la-la, la-la-lala !« 

Parfois, Xena se dit que le mieux, ce serait de péter des dents et la voix maman cherche des solutions pour se sortir de là.

Trouver des solutions
(c) Riccard Annandale

Là, je vous ai illustrées mes petites voix par une situation de crise mais ça arrive sur des moments où je ne fais rien. La semaine dernière, je suis allée chez l’hypno qui m’a demandée de m’immerger dans une situation qui illustre un peu le vide qui va suivre la fin de mon contrat. Je m’imaginais donc affalée sur le canapé, position sac de patate. Vous savez, genre on a posé ça là et ça s’est affaissé. Et je scrolle. Je scrolle, je regarde bêtement les réseaux sociaux. Des vidéos souvent inutiles. Les mêmes vidéos inutiles avec, en split screen quelqu’un qui filme sa tête en train de regarder ladite vidéo. Alors que je me dis que je dois pas être loin de l’Enfer, le show démarre.

“Ah ben voilà une heure de bien investie dis donc. Regarde-toi, t’es molle, t’es nulle, tu fais rien de ta vie. Une heure à regarder des vidéos débiles et lire des posts de gens que tu ne connais pas et qui, pour certains, ne t’intéressent pas du tout. Tu feras jamais rien de ta vie.

– Non mais tu as vu tout ce que tu as à faire ? Tu as vu ? Tu as vu ? T’as pris une heure de retard sur ton planning.

– Bon, ok, c’est pas grave. Lève-toi, va chercher tes courgettes et commence à préparer le repas. Ca va aller.

And I must confess that my loneliness is killing me nooooow

Non, les deux autres n’avaient rien de plus à dire.

Femme endormie sur son canapé
(c) Inside Weather

Il y a des jours, j’ai juste envie qu’elles se taisent. Surtout les deux horribles. Xena, des fois, elle est utile. D’ailleurs, quand on a travaillé sur la gestion de mes émotions post “annonce”, on a choisi de ne pas apaiser la colère. J’avais besoin d’elle. J’ai conscience qu’on ne peut pas tous les jours chanter la vie et que les petites voix négatives sont inévitables. Mais elles me pourrissent teeeeellement la vie. Surtout que bon, autant les angoisses, la voix “maman” peut apaiser en proposant une action. Je veux dire j’angoisse d’avoir perdu du temps en scrollant ? Bon bah lève-toi et agis, c’est tout. Pragmatique.

Mais celle qui me répète tout le temps que je suis nulle en trouvant des exemples à l’appui… Surtout que tu veux de la réécriture de l’histoire ? Mes deux derniers contrats se sont terminés à l’initiative de l’employeur. A chaque fois parce que j’étais la ligne excel en rouge. Mais à chaque fois, quelqu’un, voire quelques uns, ont essayé d’intercéder en ma faveur. Y compris un mec qui me connaissait depuis 15 jours et qui a vu que “j’en voulais”. Alors, vilaine voix, pourquoi tu sors pas ce souvenir de ta besace, hein ?

Diaporama des souvenirs
(c) Nathan Anderson

Les petites voix, ce sont les anges et les démons des dessins-animés. Des pensées intrusives, parfois factuelles. Parfois chantantes donc. Souvent épuisantes parce que t’aimerais bien que ça piaille pas toujours dans ta tête, là. Mais puisque je fonctionne ainsi, et vous aussi certainement, je suppose qu’il n’y a qu’une chose à faire : muscler la voix maman. Et modérer la voix “tu n’es qu’une merde”. Tiens, la voix Xena, t’as l’air de t’embêter, là, tu veux pas taper la copine pour qu’elle se calme un peu ? Et pour finir cet article déjà trop long, je ne dirai qu’une chose : “Elle passe ses nuits sans dormir, à gâcher son bel avenir, la groupie du pianiste”.

* C’est pas une vanne, Robert a racheté l’étage de la demeure familiale pour y vivre. Avec ses parents, donc.

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