J’ose pas me lancer car les autres sont meilleurs

J’ose pas me lancer car les autres sont meilleurs

La semaine dernière, alors que j’écrivais l’article sur le fait que je ne me lançais pas tant que je n’étais pas prête, j’ai croisé cette notion parallèle. A quoi bon me lancer vu que les autres sont meilleurs ? Ah, on revient sur ma Nemesis ultime, le “A quoi bon” qui me fait toujours tout lâcher avant même d’avoir commencé. Sauf qu’une fois de plus, l’important est-il le résultat ou le chemin ? Et surtout pour qui faisons-nous les choses ? Bonne question.

Faire de son mieux
(c) Estudio Bloom

La valeur est subjective

Premier point, l’échelle de la “meillorité”. Oui, je sais parfaitement que ce mot n’existe pas, ce n’est pas pour autant que je ne vais pas l’utiliser. L’échelle de valeur du talent est quelque chose d’assez subjectif. Souvent, le talent seul n’a pas grande valeur de toute façon. Même quelqu’un de talentueux doit éprouver sa technique. Tu peux avoir plein d’idées géniales d’histoires à raconter, par exemple, si tu ne travailles pas ta narration, ça peut faire flop. L’imagination seule n’existe pas, tout comme le style littéraire ne suffit pas à faire un bon roman. J’ai lu des livres dont j’appréciais la plume mais où l’histoire ne m’a pas accrochée. Et inversement une histoire cool peut faire passer un style peu inspiré. 

Il faut pratiquer

En vérité, plus que le talent, il faut de la pratique. Alors on ne va pas se mentir : certains autres sont extrêmement doués. Pour la suite de cet article, on va imaginer que je décide de me lancer dans la BD, comme j’aime à le raconter. Alors que ça a (très) peu de chance d’arriver mais c’est un exemple parfait car je débute. Enfin, je vais débuter, disons. Evidemment, il y a des artistes qui m’inspirent. J’avais parlé de Margaux Motin car j’adore la fluidité des corps de ses personnages, par exemple. J’adore les encrages de Cy ou Quentin Zuttion. J’adore les auteurices qui ont des pattes, un style particulier reconnaissable entre mille. Un style qui peut parfois rebuter mais qui est marqué. Un style né de la pratique régulière de l’art. Je me souviens d’un strip de Maliki il y a une éternité et demi là-dessus où il s’agaçait qu’on lui demande régulièrement “comment dessiner”. Bah faut pratiquer et c’est tout. Y a pas de recette magique. Commencer par recopier et petit à petit, affûter son style.

Oui, il y aura toujours des meilleurs

Certes, sur l’échelle de l’expérience, nous ne sommes pas tous au même barreau. Si je lançais demain un compte Insta BD, je serais archi culottée de croire que je vais direct jouer des coudes avec les plus grands. Quand je dis les plus grands, je parle déjà de gens dont c’est le métier, qui font ça toute la journée. Avoir de l’humilité, c’est pas mal. Donc oui, clairement, quand on débute, y a meilleur que nous. Et de façon générale, selon votre degré d’auto-satisfaction générale, il y aura sans doute toujours meilleur que vous. Et comme les goûts et les couleurs sont fort variables, vous serez peut-être number one dans le coeur d’une audience fidèle alors que d’autres détesteront votre style. De toute façon, quel est l’intérêt d’être le meilleur ? Est-ce réellement un accomplissement ? C’est pas un peu une super idée d’article ça. Hop, je note. Il y aura toujours des gens qui feront mieux ou différemment et… après ?

Se lancer même si d'autres sont meilleurs
(c) Tim Gouv

Se faire plaisir avant tout

C’est là que j’en viens au pourquoi, de nos motivations de faire des choses. Sur l’écriture, clairement, j’ai deux pourquoi. Un qui me rend heureuse et un qui me mine. Le premier, c’est me raconter des histoires qui me plaisent bien, avoir le plaisir de construire un récit. L’autre, c’est essayer d’en tirer un profit, une certaine notoriété. Et dès que je bascule sur le deuxième pourquoi, systématiquement, ça me bloque. Je n’écris plus, je trouve que tout ce que je fais est nul, inintéressant, bla bla blou. On peut discuter de “l’audience attendue” d’une oeuvre d’art. Oeuvre avec un petit o. Est-il absurde d’écrire juste pour soi, de noircir des pages qui ne sortiront pas au-delà d’un certain cercle ? Je sais pas. Ma mère peint bien des dizaines de tableaux qui ne quittent pas son atelier. C’est grave ? Bah vu que son plaisir, c’est de peindre, ma foi, non. 

Oui, au début, on se plante

Revenons à la BD. Evidemment, je lambine pour me lancer. Je manque de temps ? Alors quand je vois le temps que je peux passer sur des conneries ou sur le nouveau Zelda, tout est relatif. Mon boulot me prend la tête mais pas mon temps. Il me prend la tête dans le sens où vu que j’ai rien à faire, ça me stresse rapport à ma période d’essai, tout ça. Mais je vais réorganiser mes journées pour faire des exercices data et ne pas perdre la main. En vérité, si je ne me lance pas dans ma BD, c’est que… j’ai peur de ne pas obtenir ce que je souhaite. Alors que, spoiler, c’est exactement ce qu’il va se passer. Pour ma BD imaginaire Ofelia, j’ai des images très précises en tête, des images que je ne parviendrai sans doute pas à reproduire. J’en avais parlé sur l’écriture aussi, le côté ce que j’imagine vs ce que j’écris. Parce que ma culture BD, je l’acquiers auprès des “meilleurs”, ce qui ont des années et des années de pratique. Alors oui, effectivement, même si je commence à avoir une bonne technique sur mes PPT arts (et encore…), je vais pas pondre direct du Moebius, Bilal, Miller ou je ne sais qui. Déjà, moi, j’ai même pas de style. Et je n’ai toujours aucune idée de comment je pourrais donner une impression d’encrage alors que je trouve ça tellement beau… Oui, clairement, mes premiers essais seront… au mieux passable.

Les autres sont meilleurs que moi
(c) Hal Gatewood

Montrer les progrès

Est-ce donc une raison pour ne pas se lancer. Bah non. Si tu te lances pas, c’est sûr que tu n’arriveras jamais à la cheville des meilleurs que toi. Bien que je ne sois pas sûre que chercher à faire mieux que machin ou bidule soit un objectif très intelligent. Fais mieux que ton toi du début, ce sera déjà bien. C’est comme tout, finalement. Moi, je pense que je suis nulle en vélo. Et bien, j’essaie d’en faire plus souvent pour ne plus être nulle. Bon, je suis pas du tout à un niveau où je ne panique plus à la première sensation de jambe lourde mais y a un peu de progrès. Et même pour aller plus loin, imaginons que vous ayez envie de créer une communication online sur votre nouvelle activité. Comme le compte BD dont je parlais plus haut. Evidemment, au début, vos travaux ne vont pas être fous. Peut-être même que quelques personnes peu sympas commenteront votre travail en ce sens. Mais il y a aussi les autres. Ceux qui trouvent que pour un début, c’est pas si mal. Ou ceux qui trouvent vos progrès enthousiasmants. Et qui auraient envie d’en faire autant vu que vous leur avez montré que la montagne n’est pas si dure à gravir. 

Eclatez-vous

Bref, quoi que vous ayez envie de faire, on retient : 

– Oui, il y a des gens meilleurs que vous, sans doute parce qu’ils pratiquent ce que vous voulez faire depuis des années alors que vous, vous débutez. Et spoiler alert, c’est rare de ne pas se planter en débutant. C’est pas facile à admettre mais c’est un fait.

– Et même si, à niveau égal, y a des gens meilleurs que vous, y a pas de numerus clausus. Et à moins d’un strict plagiat, vous n’apporterez jamais de choses identiques.

– N’oubliez pas de faire les choses d’abord par enthousiasme plutôt que pour “réussir”. Alors qu’on ne sait toujours pas bien ce que ça veut dire, la réussite. 

– Avez-vous quelque chose à perdre à essayer ? 

Alors oui, pour la dernière, la question est légitime si vous souhaitez quitter votre taf alimentaire pour vivre de votre passion mais en général, on fait rarement le grand saut quand on débute dans une discipline. 

Devenir artiste
(c) Svetlana Pochatun

Ce qui fait du bien

Bref, au lieu d’avoir peur des meilleurs, essayez de vous inspirer d’eux et n’oubliez pas qu’on a tous notre place. Vous ne ferez de mal à personne en vous lançant, sauf éventuellement à votre ego. Mais on se fait suffisamment chier dans la vie avec les quelques obligations de type “gagner sa vie” pour se faire plaisir sans fausse pudeur ou modestie à côté. Oui, peut-être que vous n’avez que peu de talent dans une discipline mais si ça vous fait du bien, c’est pas tout ce qui compte ? 

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