L’autocensure, ma pire ennemie

L’autocensure, ma pire ennemie

Et sans doute la tienne aussi. Surtout si tu es une femme. Ces deux dernières semaines, j’ai un petit peu péroré sur le fait qu’on trouvait toujours une bonne excuse pour ne pas se lancer. Oui mais je suis pas prête. Oui mais Machin·e, iel fait mieux que moi. Mais on en arrive à la raison majeure pour ne pas se lancer, celle qui n’est peut-être même pas toujours consciente, je pense. Le “je ne serai pas à la hauteur” ou “on ne me pensera pas à la hauteur”. Donc on s’autocensure parce qu’on pense que c’est mort, qu’on n’y arrivera pas. Vraiment ?

Le réflexe de l'autocensure
(c) Brian Wangenheim

Quand tes travers font des bulles

J’ai donc été en recherche d’emploi cet hiver. Je déteste rechercher un emploi. Enfin, ça dépend. J’aime cette petite étincelle d’excitation quand tu trouves une annonce pas mal, située dans un lieu sympa… Je m’en remets toujours pas de pas avoir chopé le poste de responsable acquisition pour une agence qui avait ses locaux dans une maison avec piscine. Oui, certains veulent bosser par ambition, moi, c’est pour la piscine. Chacun sa motivation. Mais globalement, c’est une épreuve car c’est l’occasion pour tous mes travers de venir faire un coucou. Je lis l’annonce, déjà, je postule pas parce que y a un truc sur cinq que je ne maîtrise pas. Ok, on va pas se mentir : 90% des annonces mixent plusieurs métiers et y a forcément au moins un truc que tu ne maîtrises pas. Donc syndrome de l’imposteur magnifié et conséquence, je postule pas. Autocensure immédiate.

Pourquoi y aller vu que je vais me planter ?

Parfois, je me sors un peu les doigts et envoie malgré tout un CV. Et si je chope un entretien, c’est pire que tout. Avoir cette chance me rend fébrile, je ferais tout pour l’avoir, gna gna gna. Prenez-moi, prenez-moi. Regardez comme je surjoue l’enthousiasme, youhou. Finalement, j’aurais peut-être mieux fait de rester sans mon autocensure que de m’humilier comme ça. Alors évidemment, je parle de boulot parce que l’exemple est hyper facile à comprendre. Mais ce n’est pas le seul. Non, non. Il y a aussi… le sport ! Alors certaines formes de sport. Il y a des pratiques sportives, j’essaie même pas parce que je sais que ça va être un échec. Je ne sais pas courir plus de 300m sans caner. L’escalade, c’est mort, j’ai zéro force dans les bras. Le vélo, non mais… ah, attends, mais… J’ai percuté un truc de fou sur le vélo cette semaine. Quand j’y vais pépouse, ça se passe hyper bien. Vélotaf mercredi avec une chaleur étouffante le soir donc je me suis obligée à rouler peu vite. En mode “lalala” de compète. Et j’ai avalé le trajet sans ressentir le moindre tiraillement dans les jambes, rien. Ce fut plus facile que jamais. Moi qui pendant des années ai délaissé le vélo car je me pensais nulle. En fait, suffit juste de le prendre à la détente.

Faire du vélo à la cool
C’est moi qui l’ai fait en PPT art, je vous ferai dire

Prends de l’audace

Je dois prendre de l’audace. A Soulac, j’ai pris mon vélo et j’ai un peu testé et déjà réalisé que si j’allais à mon rythme plutôt qu’à celui de mon mec (vélo plus léger, plus grandes roues, plus grandes jambes), je kiffais bien. On a des petits projets de balades en vélo un peu plus poussées. Pour voir. Le vélo, c’est vraiment mon crash test, en fait. Parce que déjà, j’ai un peu surmonté mon traditionnel “je suis nulle” pour tenter un truc. Et en vrai, ok, je vais vraiment pas très vite, je me fais tout le temps doubler mais on s’en fout, non ? Le vélo m’a démontré que je m’étais autocensurée pour rien.

Exagérer ses croyances limitantes

Alors bien sûr. L’autocensure ne naît pas de nulle part non plus. J’ai arrêté de dessiner à la mano depuis des années parce que je ne maîtrise vraiment pas la technique et c’est ok. Typiquement, l’escalade, c’est compromis. Même si j’arrive à mobiliser la force dans mes bras, j’ai peur de la chute. Ca me paraît compliqué d’entrée de jeu. La chute, justement… Là aussi, y a une forme d’autocensure qui naît dans les croyances limitantes. Une de mes croyances limitantes, c’est ma maladresse. J’en avais parlé à ma coach emploi qui m’avait expliqué qu’un défaut n’est pas une croyance limitante mais je lui avais expliqué que j’exagérais ma peur de maladresse. Typiquement, j’ai une peur limite panique de renverser mon verre ou mon mug au boulot… alors que je n’ai jamais fait ça. Ou de tomber dans les escaliers quand j’en prends un alors que je ne suis pas tant tombée que ça dans des escaliers. Une fois dans des escalators, quand même… 

Immenses escalators de Châtelet

Après tout, j’ai tout appris sur le tas

Sur certains trucs, je me persuade vraiment d’être une quiche et donc, je ne fais pas. Pourquoi se prouver qu’on n’est pas à la hauteur puisqu’on le sait. Pourquoi envoyer un CV à tel poste alors qu’on ne coche pas toutes les cases ? Alors sur ce dernier point, effectivement, selon  la boîte, il y a des filtres de CV. J’avais postulé chez Ludéo avant de l’avoir en client chez Sunlight et mon contact chez eux, qui était le responsable de ce recrutement précis, m’a dit n’avoir jamais vu mon CV. Filtré car “trop de seniorité”. Ok, vazy, traite-moi de vieille, aussi. Mais parfois, il y a de vrais gens qui lisent votre CV et peuvent être intéressés par votre profil, même s’il est un pas de côté. Ma carrière n’a été qu’une suite de “on t’a embauchée alors que tu ne sais pas faire ça mais t’inquiète, ça va aller”. Tout ce que j’ai fait en animation de communauté : appris sur le tas. Les réseaux sociaux, idem. Le social listening, pareil. L’acquisition, le paid, tout est appris sur le tas. Evidemment, ça, difficile de le faire transparaître tel quel sur un CV. Mais voilà “je sais pas faire un truc, je serai incapable, je vais pas postuler”.

On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise

Alors on va combattre cette autocensure. Déjà, point un : faut que j’arrête de croire que je vais passer pour une idiote si je postule à un poste un peu en décalé de mon parcours. En général, je ne pars pas totalement aux fraises non plus. Et comme dit plus haut, même pas dit que mon CV arrive à une vraie personne. Ensuite, oui, c’est pénible les refus de CV mais  faut pas le prendre perso et puis on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Bon, moi, je tombe que sur des boîtes de merde… Ah tiens, la croyance limitante de la malchance. Alors que c’est juste que je suis une mendiante de l’attention de mon boss et que je recherche une forme de validation que je m’explique peu. Bref, en dépassant l’autocensure, au pire, il se passe quoi ? On me prend pour un job pour lequel je ne me sens pas qualifiée ? Mais attends, tu as passé des entretiens, peut-être même des tests techniques. Tu crois vraiment avoir trompé ton monde ? Je me souviens d’une discussion avec Claire, ma manager chez Epicea où je disais que j’étais pas ouf sur un sujet et elle m’a répondu, détendue “bah je sais, c’est moi qui t’ai embauchée. Je savais qui je prenais, hein…” Vraiment, toujours en top 1 de mes managers prefs.

L'autocensure ou le risque de passer à côté d'une bonne surprise
(c) Brooke Cagle

Envoyer un CV ne coûtera jamais rien

Bref, on a tous un petit syndrome de l’imposteur, une tendance à la dévalorisation et une envie naturelle d’autocensurer car “à quoi bon ?”. Alors que bon, aujourd’hui, envoyer un CV, c’est deux clics, tant que tu tombes pas sur une boîte où tu dois refaire ton CV pour rentrer dans leur base. Je vous hais, ceux qui font ça, sachez-le. Et un mail de refus, automatique ou non, en vrai, c’est pas un drame. Et puis quand on sait que les femmes sont 16% moins susceptibles que les hommes de postuler à une annonce, je me dis, prenons la confiance, mesdames. En plus, imaginez. Peut-être qu’en ne postulant pas, vous cédez la place à un homme médiocre. Et ça, personne ne le voudrait. 

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