Je suis paumée

Je suis paumée

En cinq ans de ce blog, je me suis évertuée à être dans l’optimisme, à quelques passages prêts. En bonne stakhanoviste du positif, je me dis toujours qu’il y a du positif à retirer du tout, même de la gangue. Mais là, présentement… non. Je suis juste saoulée et un peu fatiguée moralement. Qu’est-ce qui se passe encore ? Et bien jeudi soir, je serai au chômage. Hé oui, ma boîte s’est dit que me payer à rien faire, ça suffisait. Pile au moment où je trouvais une mission. JE car je suis allée la chercher toute seule, j’ai fait preuve d’initiative mais non. A la poubelle les gens en période d’essai, youhou. Du coup, ne pas avoir une bonne morale de l’histoire, ça fait chier. Et là, de suite, je me sens pas mal paumée.

Paumée dans un champ de fleurs
(c) Daniel Jensen

Aucune leçon à tirer

J’ai toujours considéré que les épreuves, ça servait à grandir, à apprendre. Ok, là, je me suis plantée, c’est quoi la leçon à retenir ? Sauf qu’ici, la leçon, elle est difficile à tirer. Oui, ok, je suis retournée dans une boîte que je savais compliquée mais je croyais qu’ils avaient changé. Qu’il y avait du boulot. Double erreur. Et peut-être que j’ai accepté ce boulot pour de mauvaises raisons aka un bon salaire. Inférieur à mon dernier salaire parisien certes (20% en moins) mais nettement supérieur à ce qu’on me propose ici. Les gens que j’avais rencontré en entretien avaient l’air sympa, je retrouvais une bonne camarade et mon chef, basé à Bordeaux, avait l’air d’un mec intelligent. Et sur les deux derniers points, oui, on y était. Mais voilà : les chiffres étaient mauvais, il fallait sacrifier des gens. Même s’ils s’étaient sortis les doigts du cul pour se trouver une mission tous seuls comme des grands. Moralité : ne recouchez pas avec vos ex toxiques, ils mentent quand ils disent qu’ils ont changé. A peu près.

Abrutissement en cours

Etant peu occupée, du coup, et très peu motivée pour faire quoi que ce soit, je regarde donc des séries un peu niaises en jouant à beaucoup trop de mini-jeux. Sur mon pc, sur mon téléphone, entre deux parties de Zelda. Mon cerveau est en charpie, j’ai du mal à faire quoi que ce soit d’autre, on ne va pas se mentir. D’où le fort ralentissement de mes publications, oui. Ca plus quelques vacances, on en reparlera. Cette histoire court depuis le 20 juin, on a cru qu’on allait échapper à la condamnation, avec mon chef, on a fait tout pour mais non. Je dégage et puis c’est tout. Et l’idée de repasser des entretiens où on me fait bien comprendre que je suis débutante en analyse de données et qu’on ne me donnera pas beaucoup d’argent, bof. J’ai pas envie. Alors je m’abrutis et je regarde notamment Valeria sur Netflix.

Moi aussi, je veux savoir ce que je veux

Valeria, c’est quoi ? Littéralement Sex and the city à Madrid. Avec une Carrie particulièrement maladroite qui tombe tout le temps et casse beaucoup de choses. Vraiment, le cliché de l’héroïne maladroite, ça me saoule. Mais y a deux ou trois trucs intéressants quand même dans la série, outre l’appart de Lola que j’aime vraiment bien. Notamment la quête d’identité de Valeria dans la saison 02 qui se met soudain à crier que ce qu’elle voudrait dans la vie, c’est savoir qui elle est et ce qu’elle veut. On est ensemble, soeur ! Alors bon, le qui je suis, je commence à bien maîtriser le bail mais le “ce que je veux”, pffff. Vraiment, en ce moment, ma vie, c’est moi en train d’endormir mon cerveau en chantant la serveuse automate. “Qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui, qu’est-ce que je vais faire demain, c’est ce que je me dis, tous les matins. Qu’est-ce que je vais faire de ma vie, moi, j’ai envie de rien”. Et je suis paumée à ce point là. En vrai, le seul truc que j’ai envie de faire, là, c’est d’aller postuler à la boulangerie à côté de chez moi pour vendre de la chocolatine toute la journée. 

Tout plaquer et vendre des chocolatines
(c)Prakash Meghani

Reprendre des forces avant tout

J’aime faire un parallèle entre vie amoureuse et vie privée. D’où ma phrase sur les ex, là. Même cet hiver, j’écoutais L’amour sous algorithme de Judith Duportail et tout ce qu’elle disait sur la conquête amoureuse, je ne pouvais m’empêcher de l’entendre sous le prisme du travail. Mais il y a une différence majeure entre la vie amoureuse et le travail. Y en a un qu’on peut mettre en pause avec l’approbation générale. Dans mes jeunes années de célibat intermittent, il y a eu des histoires qui m’ont éreintée. Pas toujours parce qu’elles étaient importantes mais parfois, juste parce qu’elles tombaient à un mauvais moment. Vous savez, ces moments dans la vie où vous vous donnez assez peu de valeurs et qu’en plus, vous avez droit à une rupture un peu nase à base de “t’es sympa mais il manque un truc” ou un truc du genre. Dans ces moments-là, j’ai eu le réflexe salvateur de tout arrêter. Ok, ça va pas, je dois reprendre des forces et reprendre confiance en moi. Et on m’encourageait à ça, même. “Prends du temps pour toi, fais les trucs que tu aimes”. L’occasion, généralement, de reprendre un peu une vie saine et de récupérer une belle énergie.

J’ai envie de faire plein de trucs mais pas passer des entretiens

Mais qui me dira ça pour le boulot ? Oh, là, ça tombe en été donc j’ai l’excuse du recrutement mou mais la société n’aime pas les oisifs. Au sens travail payé du terme parce que moi, je ne suis pas une oisive. Le plan est déjà établi. Cet été, on reprend le programme de remise en forme de l’an dernier puisque ça m’a fait un bien fou. Voilà le deal en gros : sport et lecture sur la plage puis PowerPointArt le matin, datas l’après-midi. Ah oui, mon expérience, je vais la faire moi-même et puis c’est tout. Me cassez pas les noix à me dire que je suis “débutante”. Je vais bouffer du SQL et de la datavisualisation en masse. Et puis, je vais écrire parce que j’avais tout laissé tomber. La gangue, le retour. Et ce programme me séduit, vraiment. C’est ça que j’ai envie de faire. De l’écriture, de la data, de l’apprentissage. J’ai juste pas du tout envie de rechercher un emploi parce que je vais être hyper mal payée, qu’on va me rabaisser en entretien pour me faire avaler un salaire de vraie junior alors que bordel de merde, j’ai 17 ans de carrière. Pas dans ce domaine, même si j’ai pas attendu l’an dernier pour analyser de la data. Que 17 ans de carrière, c’est aussi une méthode de travail, c’est une attitude, une façon de s’exprimer, bla bla bla. Vous le savez mais chaque entretien me fait l’effet d’un date avec un mec qui veut coucher avec moi mais essaie de me rabaisser pour que j’accepte tout ce qu’il a envie de me faire. 

Un date à travers la fenêtre
(c) Jack Finnigan

On va te casser pour t’avoir pas cher

Je suis paumée parce que je sais ce que l’on attend de moi et que ça coïncide pas avec ce que, moi, j’ai envie de faire. J’ai accumulé tant de jobs toxiques, c’est insensé. Je devrais avoir le droit à une pause, à me reconstruire un peu. Parce que là, en entretien, je passe trop pour la meuf corvéable à souhait qui vous remerciera à chaque crachat au visage. Juste après avoir signé mon nouveau contrat fin février, il s’est passé un truc. Un mec m’avait convoquée en entretien et il avait allumé toutes mes alarmes. Déjà, il m’appelle pour un rapide échange et finit l’entretien sur une petite remarque sur le fait qu’on avait le même âge, que lui aussi adorait la radio… Ouais, j’ai été animatrice radio pour une radio associative… y a 20 ans. Puis pendant l’entretien, j’ai bien compris que le télétravail n’existait pas et que la personne qu’il souhaite remplacer n’est pas au courant qu’elle va partir. Putain, j’ai quand même eu droit deux fois à cette histoire ! Je l’invente pas, ma poisse. Bref, je repars de là un peu indifférente vu que je suis quasi sûre de retourner chez Vinyl. Quelques jours plus tard, le mec me renvoie un message sur LinkedIn, un peu agressif. “Je te prends pas car tu demandes trop. A Paris ça passerait mais pas ici, pas à Bordeaux, pas dans mon agence”. J’ai été turlupinée car j’avais l’impression que le mec me disait “personne ne t’embauchera à ce prix ici, redescends”. Je me fais peut-être des films mais il n’a pas dit “je n’ai pas les moyens de m’aligner sur tes prétentions salariales” mais “tes prétentions salariales ne sont pas réalistes pour Bordeaux”. Et pour ceux qui brûlent de savoir, je demande 40-45 K€.

Je suis la vulnérabilité faite femme

Sauf que quand t’es paumée, ce genre de discours te marque. C’est fou, hein, cette tendance à retenir tout ce qui peut flinguer notre confiance en nous. Yay ! Quand tu es célibataire, c’est retenir la remarque désobligeante d’un mec et zapper totalement le compliment d’un autre mec qui, lui, t’a dit que tu étais jolie juste pour coucher avec toi. Voyez l’idée ? Je me sais fragile en ce moment pour un faisceau de raisons. Parce que ma santé me préoccupe, malgré d’excellentes analyses sanguines. Parce que j’ai acquis la certitude que je n’aurai jamais de chance dans la sphère pro et que j’en ai marre de devoir continuer à essayer. Aussi parce que je ne gère pas ma frustration d’avoir ma vie de rêve gâchée par les deux points précédents. Parce que j’ai renoncé à mes rêves et que je ne sais plus quelle locomotive utiliser pour avoir de l’enthousiasme au quotidien. Que je suis épuisée d’être si heureuse le week-end et morne la semaine. Que je ne suis plus capable de regarder une série niaise où les héroïnes obtiennent leur bonheur sans me dire “ouais mais dans la vraie vie, ça marche pas comme ça”. Et quand on est fragile, on devient de parfaites cibles pour tous les manipulateurs du coin, que ce soit dans des relations amoureuses, professionnelles ou même amicales. 

Je me sens fragile
(c) Joseph Chan

J’ai besoin de temps

Bref, je suis paumée et j’aimerais bien qu’on me foute la paix quelques mois. Laissez-moi écrire, faire des ateliers créatifs, me promener et me reconstruire. Histoire d’arriver moins désespérée en entretien. Laissez-moi me reposer assez pour avoir l’énergie d’y croire à nouveau. Et j’adresse aussi ce message à moi. Surtout à moi car on sait bien qui va culpabiliser dans dix jours de pas postuler alors que “l’été, c’est un bon moment pour trouver du boulot, y a peu de candidatures”. Oui, j’ai tellement confiance en moi que là, le seul truc qui me fait penser que je vais trouver du taf, c’est que je serai la seule à postuler. Grosse ambiance, vraiment.

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