Une question de don et de dette
Et voilà. Mercredi, j’ai mon dernier rendez-vous de l’été avec ma coach emploi pour cet été. Et ce bilan de compétences est une pure réussite. Je ferai un article entier sur le sujet car c’est important. Disons que là, mon état d’esprit, c’est “on devrait tous faire un bilan de compétences à 40 ans”. J’ai les idées claires sur ce que je veux faire. Mais en parallèle, je n’oublie pas le plus important : nettoyer les mauvaises herbes. Pas celles de mon jardin, non. Celles de mon rapport au travail. Et autant vous dire qu’il y a du taf. Aujourd’hui, on s’attaque donc au mécanisme de don et de dette parce que niveau truc qui me fout au fond du trou, on est bien.
Dégommer les ronces
Lors de ma rencontre avec la psy du travail, nous avions discuté du fait de “nettoyer” mon rapport au travail. Elle avait utilisé la métaphore de nettoyer son mur avant de le repeindre. Je vais partir sur les ronces. Mon rapport au travail, actuellement, c’est le Château de la Belle au Bois dormant. Quand elle dort et que la méchante Reine est un dragon empêchant le prince d’approcher, je veux dire. Autant ma projection dans mon métier de rêve m’emballe à 100%, autant l’idée de retourner au travail me mine. Oui, la question de se mettre en indépendante a été soulevé mais c’est pas le sujet du jour. Ce sera un sujet néanmoins. Parmi mes travers du boulot, outre le fais plaisir, il y en a un bien velu : le système de don et de dette. Vous allez voir, c’est sibyllin.
Une vision du monde du travail assez binaire
J’ai un rapport au travail et à ma hiérarchie assez enfantin, dirons-nous. Je donne beaucoup pour avoir ce que je considère être une juste reconnaissance. Le don. Tout ceci n’est pas si candide. Par exemple, quand je veux demander quelque chose (une augmentation ou une formation), j’en fais des caisses. Car oui, il semble que dans ma tête, seule l’employée de l’année a droit à ce genre de privilège. A l’inverse, si je suis en période un peu down, je vais me faire oublier. La dette. Je suis ce genre de personne à remettre au lendemain une demande de RTT car j’ai eu quelques désaccord avec mon ou ma manager par exemple. Alors que bon, si le manager me refuse un RTT juste parce qu’il est en boule contre moi, c’est que c’est pas un bon manager. Et je m’y connais beaucoup trop en mauvais manager. Comprenez-moi bien : si c’est vraiment la merde et que je ne suis pas obligée de prendre un RTT, je vais pas le demander. Mais j’ai le droit de demander des congés, en fait. Mais avec mon système de croyance basé sur le don et la dette, je bégaie si je me sens pas parfaite.
Un cercle vicieux très classique
Je parle de prise de RTT mais le système de don et de dette et bien plus vicieux que ça, en vérité. On va pas se mentir : je ne suis pas toujours 100% performante au travail. Vous non plus, mes managers non plus, personne. Parce que nous ne sommes pas des machines. Sauf que moi, je culpabilise. Surtout là, dans mon dernier taf où j’étais débordée. La moindre minute perdue me plongeait dans une angoisse indicible. Je me retrouvais donc à bosser le soir et le week-end pour compenser “non mais là, j’ai mal travaillé alors voilà…”. J’ai une dette, je dois la compenser. Sauf qu’en terme de cercle vicieux, ça se pose là. La dette, c’est juste la voie royale vers le burn-out. Et pareil avec les clients. Dès que tu te sens pris en faute, ça crée une dette que tu vas devoir rattraper comme tu peux. Et dans mon dernier boulot, on a là la quintessence de la catastrophe imminente : un défaut de formation accentuant un sentiment d’illégitimité, une charge de travail trop importante donc des conneries faites. Juste avant de claquer ma dém, j’avais atteint le point “mes lèvres fourmillent tellement je suis stressée”. Signe avant-coureur d’une crise de spasmophilie. 10 ans que j’avais rien eu de la sorte. La dette m’a tuer.
Mon don n’est jamais reconnu
Mais si la dette est un moteur à burn-out, le don est générateur de rancoeur. Très simplement là encore. Je donne, j’aimerais que ce soit reconnu. Typiquement, dans mon dernier taf : je croulais sous le boulot à un point délirant et ma manager me demandais chaque semaine de passer les certifs Google “ça fait des semaines qu’on en parle”. Mais vu que personne ne disait rien… Ah oui, ça aussi, c’est noté en gros dans mon cahier imaginaire de mon kit de survie en travaillie : arrêter de fermer sa gueule. Cependant, quand j’ai remonté que ça n’allait pas du tout, j’ai eu droit à des “ohlala, oui, on sait, on fait en sorte que ça aille mieux”. Pas du tout en vrai. Mais ça aussi, la légende du casse-couille de service qu’il ne faut surtout pas être. Mais voilà les faits : je ne me sens pas reconnue dans mon don. Je m’investis, je fais beaucoup de choses mais on ne le voit pas, on ne le reconnaît. On ne voit pas le plein mais que le creux. Dès que je décélère. Le “mais pourquoi t’as pas fait ça ?”. Parce que je faisais autre chose ? Je suis à trop haut régime en temps normal et oui, parfois, la machine pédale. Et nous revoici dans la dette. On ne voit que l’arbre que je n’ai pas abattu vs la petite forêt bien coupée et bien rangée derrière.
Prochain boulot : ni don ni dette
Donc ça va être un gros enjeu, ça : sortir de ce système de don et de dette. Ca ne veut pas dire lambiner ou quoi que ce soit. Juste se mettre au même niveau que tout le monde et dédramatiser. Signaler ses dons et ne pas culpabiliser pour une dette. Souvent fictive, en plus. Alléger sa to do quotidienne, aussi. Au mieux, on arrive au bout plus vite que prévu et on prend une tâche supplémentaire pour finir la journée sur une bonne note. Et surtout ouvrir la bouche si nécessaire. Au pire, c’est pas grave si je passe pour la casse-couille de service. Surtout qu’on va pas se mentir : on est bien contents quand quelqu’un va au front à notre place. Surtout qu’on peut signaler des surcharges et dysfonctionnement en toute politesse, hein. Le but est d’arrêter de se mettre en dette bêtement, pas de mettre le feu à l’entreprise. Si toutes les parties veulent agir en bonne intelligence, ça se passera bien. Sinon… red flag.