Je ne me frotte pas à la difficulté

Je ne me frotte pas à la difficulté

Parce que j’ai des facilités. Ou à peu près. En fait, je ne sais pas trop comment va s’axer cet article puisque je ne suis pas certaine d’avoir les bons mots pour exprimer ce que je veux dire aujourd’hui. Mais comme dirait Boileau, “ce qui se comprend clairement s’énonce aisément” donc on va tenter de donner un peu corps à ce réflexe que j’ai pour essayer de désamorcer tout ça. Car clairement, je ne me frotte pas à la difficulté. Je dirais même plus : si ça se complexifie, je fuis.

Abandonnée face à la difficulté
(c) Steve Johnson

Renoncer sans combattre

Lundi 31 octobre. Ayant fini mon avant-cours assez tôt et ayant eu ma coach emploi au téléphone, j’ai comme une envie d’aller jeter un œil aux annonces de data analyse. Mon futur job. Et là, panique : ohlala, ils demandent de l’expérience. Y a des tests techniques et tout. Oui bah autant retourner à mon ancien taf, ce sera plus simple. Et non, Madame ! Carton rouge ! C’est quoi cette mentalité de perdante là ? On a dit quoi sur l’échec ? C’est OK à condition d’avoir essayé. Et essayé vraiment. Pas juste fait genre. 

Un bougli bougla de syndromes et injonctions à la con

Il y a plusieurs mécanismes ici. De un, le côté bonne élève. Couplé à mon éducation sur la discrétion et le « fais plaisir ». En gros : il faut briller, discrètement. Je me retrouve à nouveau à la place de l’élève et je me prends ce côté en pleine face. Je suis celle qui intervient quand le prof se sent un peu seul mais si je galère, je me tais. Parce que je suis la bonne élève et que je suis pas censée avoir la moindre difficulté. Mais en prime je ne veux pas prendre toute la place ni déranger. Déjà par souci d’égalité. Je me souviens d’un cours de comédie musicale où le prof avait passé 15 mn sur moi (titre) à tenter de révéler la soprane qui sommeille en moi. Alors que je me trouve bien plus mezzo-soprano parce que je touche pas mal de notes graves. Mais peut-être que je serais une soprane pas si mal si je faisais l’effort plutôt que de fuir les notes hautes car je gère pas si ouf ma voix de tête. Mais les autres n’avaient pas eu droit au même traitement et j’étais gênée de fou. Bref, je dois réussir aisément et discrètement. 

Trouver sa voix
(c) Jason Rosewell Ah oui, en plus, à cause de The Penthouse, je veux apprendre à chanter des Arie

Soit j’y arrive de suite soit ce sera jamais

Et puis y a la légende personnelle. Nina a des facilités. Intellectuelles je précise car la même légende veut que je sois nulle en sport. C’est relativement faux. Je sais pas courir, sauf après le bus, mais pour le reste, ça finit par venir. Je suis pas super coordonnée mais avec un peu d’entraînement, on s’en sort. Et je suis pas mal du tout en natation, aussi. Bref, peu importe. Ayant soit-disant des facilités, j’ai une attitude parfois très radicale. Si je n’y arrive pas vite, je n’y arriverai jamais. Voilà. Alors qu’en vrai, c’est surtout que je suis un peu une feignasse. Si je reprends mes années lycée, j’étais bonne dans les matières où il fallait écrire ou faire preuve de logique. Littérature, hist et géo, maths. Algèbre, pas géométrie. Par contre, j’étais moyenne dans les autres matières car il s’agissait de bosser un peu. Genre les langues. Ah, les langues, y a pas de secret. Ou tu as le vocabulaire, ou tu ne l’as pas. Et bien vu que je bossais pas, je ne l’avais pas. Souvenez-vous, quand je suis en stress pro, je cauchemarde que je dois passer le bac d’allemand demain. L’allemand, oui, pas l’anglais. Car je suis bien meilleure en anglais aujourd’hui qu’hier. Déjà parce que j’ai dû pas mal le pratiquer dans ma carrière avec quelques clients étrangers. Et puis toute la génération “ado dans les 90s”, on va pas se mentir : on fréquente beaucoup plus l’anglais aujourd’hui qu’à l’époque de notre lycée. Merci Internet. 

De toute façon, je suis nulle

Dernière étape de ma pièce montée de la flemme de me frotter à la difficulté : mon auto-dépréciation. On va parler un peu yoga si vous voulez bien. Rapidement. A un moment, j’en faisais toutes les semaines, une heure par semaine. Et j’ai pas progressé. Enfin j’ai gagné un peu en souplesse même si, grâce à mon hyperlaxie, je pars avec un avantage sur le sujet. J’ai chopé deux ou trois postures comme il faut. Mais j’ai toujours eu les mêmes blocages à savoir : la figure du corbeau. J’ai jamais réussi à me lancer. Trop peur de tomber et tomber sur le visage.  Point trauma enfant : je suis tombée sur le visage étant enfant en faisant le poirier. Et mon visage étant du genre sympa, j’ai pas envie de l’abîmer. Donc voilà, je suis corsetée dans ma peur et je n’arrive pas à me lancer. Ni dans ça, ni dans le poirier alors que tout le monde passe cette étape petit à petit. Alors j’ai renoncé. Je dis pas qu’à un moment, je vais pas me faire rattraper par le yoga, je connais mes engouements cycliques mais pour l’heure, j’en fais plus du tout. Même pas chez moi. 

La figure du corbeau en yoga, mon Everest
(c) Katie Bush

Et pourtant, la douceur de la satisfaction…

Le pire, c’est qu’en évitant la difficulté, je me prive de cette incroyable sensation de haute satisfaction personnelle. Je me souviens, quand j’étais toute toute petite, en grande-maternelle*, j’avais une énorme difficulté. J’arrivais pas à faire les boucles pour écrire les e et les l. On apprenait à écrire les prénoms des élèves de la classe et j’avais une Emmanuelle avec moi. Et je devais recommencer, encore et encore, je n’arrivais pas à écrire ce prénom correctement. Et un jour, je sais pas, c’est passé. Plus de 35 ans après, je me souviens de la joie pure que ce fut. Alors que je ne me souviens pas du tout de cette Emmanuelle. Et aujourd’hui encore, quand je triomphe d’une difficulté, quel plaisir ! Quelle satisfaction. Sauf que je ne tolère pas l’échec, en fait. Parce que je considère que si j’applique une méthode, je ne peux pas échouer. Je crois qu’il y a, ici aussi, une des raisons de ma démission : j’ai trop galéré. Evidemment, j’ai dû apprendre sur le tas et plusieurs personnes m’ont dit que franchement, au vu des circonstances, je m’en étais bien sortie. Sauf que non. Je faisais connerie sur connerie. De bonne foi, certes, je pensais sincèrement bien faire. Et je suis pas devin, à la base. Je ne peux pas deviner qu’il ne faut pas faire ceci ou cela. Dans la mesure où ce n’est pas logique, j’entends. Mais à un moment, j’en ai eu assez. Parce que j’exécutais sans avoir le temps de vraiment comprendre et intellectualiser ce que je faisais, que le temps pour être studieuse m’a manqué. Du coup, j’ai développé une aversion pour le sujet. J’hésitais à profiter de mon chômage pour me repencher sur le sujet histoire de me “venger” mais il y  a un tel dégoût… 

Lambiner pour éviter la difficulté

Mais peut-être qu’en me reposant sur mes facilités et en lâchant l’affaire assez vite, je me ferme des portes. Je m’empêche de belles histoires. Bon, le SEA, clairement, ça ne sera jamais ma passion. Et je me forme précisément pour faire autre chose. Mais là, par exemple, j’arrête pas de parler de me lancer sur Illustrator histoire de faire de chouettes infographies en mode journaliste data et… je me lance pas. Du tout. Pantoute. J’ai eu une formation sur Illustrator il y a fort longtemps et il y a des vidéos tuto sur Youtube mais non. Parce que je vois la montagne à escalader et flemme. Oh, je verrai ça en décembre quand j’aurai fini ma formation, me dis-je. Ouais, ouais. En décembre, on va vite tomber sur Noël. En janvier, on va se prendre quelques vacances avec mon amoureux. A ce rythme-là, j’aurai retrouvé du taf avant d’avoir ouvert ce foutu logiciel. Bon, je l’ai déjà installé, c’est pas si mal… 

Se lancer sur Illustrator
(c) Mikaela Shannon
(non, j’ai pas de mac)

On se redonne du courage !

Bref, tout ça pour dire qu’il faudrait que je dédramatise l’échec et que je combatte un peu ma flemme de faire des trucs dans lesquels je n’ai aucune facilité. Tant que ça ne vire pas à la corvée, ce serait dommage de lâcher à la première difficulté. D’ailleurs, en décembre, je vais me relancer dans les perles Miyuki et l’alphapattern. Enfin “me relancer”. Est-ce vraiment une relance si je n’y ai consacré que dix à quinze minutes avant de décréter que je n’y arrivais pas ? Que la personne qui réussit tout du premier coup me jette la première pierre ! 


* Il faut savoir que j’ai une très bonne mémoire. Ce qui me semble être une explication majeure pour mes facilités, d’ailleurs.

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