Ma vie est-elle une gigantesque autoréalisation ?
Je me pose la question. Voici l’incroyable histoire de « comment on a acheté un appart dans une ville où je m’étais jurée de jamais vivre ». Vous allez me dire que c’est moyen dans l’autoréalisation mon histoire, c’est même précisément l’inverse. Sauf que j’avais dit en rigolant avant qu’on descende à Bordeaux chercher notre nid « de toute façon, on va s’installer à Dauneutes* vu que j’ai dit que jamais de ma vie, je m’ y installerais ». Et… ben j’avais raison.
Jamais je ne vivrai là !
Retour au printemps 2002. Étudiante en maîtrise, je dois me rendre à Bordeaux car j’ai décidé de choisir comme source un journal québécois. Dispo à la BNF en version non numérisée donc irrécupérable pour un travail à distance, je sais plus où (Rouen ?) et Bordeaux, donc. Petit conseil à vous, futurs étudiants perdus sur cette page : pour vos mémoires, travaillez sur des sources faciles d’accès. Je réalise donc plusieurs allers-retours Toulouse-Bordeaux et ma précieuse source est à la fac de Talence. Et il n’y a pas de tram à l’époque. Je dois donc prendre un bus qui passe entre autre par Dauneutes. Et je trouve ce bled horrible car la route y est bien défoncée, me perturbant dans la lecture de Nouvelles romaines de Moravia. Oui, j’ai un souvenir très précis de ce jour où j’ai pensé « Dauneutes, jamais ! ».
En quête de notre petit nid
Pour notre futur nid, nous avions deux critères non négociables. Etre rapidement à Bordeaux St-Jean en transport, mon amoureux devant se rendre régulièrement à Paris pour le travail, et avoir un joli extérieur pour prendre l’air. Ouais, j’anticipe un peu les prochains confinements. Ce dernier point rendait la recherche à Bordeaux même un peu complexe, nous étions donc ouverts à la banlieue, si j’ose dire. J’avais même repéré quelques villes qui avaient l’avantage de proposer un tram et une gare comme Cenon, déjà évoqué, ou Dauneutes. Donc en juillet, on se dit qu’on va aller voir les cités que nous n’avions pas eu le temps de voir en mars histoire de. Et on commence justement par Dauneutes parce que j’arrête pas de dire “non mais c’est sûr qu’on va acheter là, j’ai toujours dit que j’y vivrais jamais, donc…”.
Dauneutes, je t’ai mal jugée
On avait donc notre petit planning qui alternait agences immos et découverte de quelques petits points d’intérêt de la ville. En chemin, je reconnais vraiment le trajet que j’avais fait en 2002, je me souviens que je lisais Moravia. Et j’ai aussi un souvenir de brioche à la fleur d’oranger ou une odeur de fleur d’oranger mais je relie à rien, par contre. Je me dis que j’ai été bien injuste, c’est joli, quand même. On atterrit néanmoins dans un quartier pas ouf. Déjà, c’est gris et il ne fait pas très beau et on est pile sous le couloir aérien. Je n’avais pas idée que Bordeaux-Mérignac était aussi actif… On suit donc notre périple et au fur et à mesure qu’on se rapproche du centre, on… tombe amoureux. Tous les deux. A un moment, on se balade même dans une rue où il y a des parterres de fleurs et de lavande qui viennent te chatouiller. On est comme des fous. C’est mignon, ça sent bon, tu marches au milieu des fleurs. Que demander de plus ? Et y a quelques espaces verts sympas, aussi. Et je suis de plus en plus accro aux espaces verts en vieillissant. Mon nouveau rituel quand je suis obligée d’aller au boulot, c’est de faire le tour d’un petit jardinet fleuri histoire de me charger en… sérénité ?
Et on a trouvé notre futur chez nous !
Donc on aime Dauneutes. Et on va beaucoup aimer un certain agent immobilier du coin qui s’est un peu bougé le cul pour nous et nous a trouvé notre nid. Je vais un peu feuilletonner cette recherche d’appart car j’aime bien feuilletonner ma vie. On dirait trop que je vis des trucs de fou genre chercher un appart de rêve ou bosser dans une boîte toxique. Alors que ça arrive à plein de gens. Beaucoup trop pour le deuxième, d’ailleurs. Mais la question demeure : vais-je partir vivre à Dauneutes parce que j’avais décidé que, dans ce grand élan d’autoréalisation ? Ce n’est pas si sûr. Déjà parce que mon mec a autant aimé la ville que moi et que lui, mes histoires pétées de cycle kitchin, de signe, de ma vie qui se répète, ça le fait sourire par politesse. Ensuite si la ville avait été moche… bah on serait allés dans la ville d’à côté, point barre. Donc j’ai pas l’impression que ce soit de l’auto-réalisation mais plutôt… un heureux hasard.
L’autoréalisation, ça marche pour tout ?
Et d’ailleurs, la semaine prochaine, je me lance dans un grand cycle de recrutement. Trois entretiens en deux jours ! Pour une entreprise où j’avais clairement dit “jamais j’irai bosser pour eux”. Encore une autoréalisation à venir en mode “évidemment, j’ai dit jamais donc c’est évident que je vais aller bosser là-bas ?”. A suivre.
* Dauneutes n’est pas le vrai nom de la ville concernée, c’est un pseudo car c’est plus rigolo.
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