Ma phobie nulle ? La peur d’avoir peur
eursEt si devenir une « meilleure version de soi-même », c’était déjà de se débarrasser de la part d’absurde en nous ? Depuis quelques temps, j’ai une obsession : limiter ma charge mentale. Et ça commence déjà par se calmer au niveau des angoisses d’anticipation. Ou aussi reconnaître qu’on n’a pas la maîtrise de tout et qu’il y a des trucs sur lequel il est préférable de lâcher l’affaire. Et parmi mes pensées absurdes, il y en a une assez costaude qui peut aller jusqu’à m’empêcher de faire des trucs à savoir… La peur d’avoir peur. Elle est assez technique celle-là mais elle me saoule un peu. Surtout que niveau peur fondée sur du sable, ça se pose là.
Voler dans les airs
Pendant 4 mois cette année, j’ai eu un chef accro aux sports aériens. Il m’en parlait parfois quand on se racontait nos week-ends et je partais un peu en rêverie. Le parachute, clairement, je ne crois pas que ce soit pour moi. C’est pas tant la chute que le fait de se jeter d’un avion qui m’angoisse. Et vraiment, ça me stresse tellement que ça fait partie de ma collection de cauchemars récurrents. Ou du moins de mes rêves un peu stressants. Mais le parapente, par contre, ça m’intrigue. J’y pense quand je vois des oiseaux planer sur des courants d’air. J’avais lu un roman où, à la fin, l’héroïne faisait du parapente et pleurait tellement c’était beau. Moi aussi, je veux pleurer de beauté. Alors que j’hésitais à demander à ce chef s’il pouvait me brancher avec quelqu’un pour un baptême, je n’en ai rien fait. Parce que j’ai eu peur d’avoir peur. Peur d’un moment très précis, celui où il n’y aurait plus que du vide sous mes pieds. Et que je devienne ingérable.
Une peur légitime
Avoir cette peur primale est légitime, sans doute un peu courante. Je n’invente rien. Je me souviens de ma première plongée en mer… Enfin, pas le baptême dans les Caraïbes, non. La vraie première plongée en mer, en Méditerranée sur un pont de mai. L’eau fraîche, les zodiac qui tanguent, l’arrivée dans l’eau en mode bascule arrière. Sur cette première descente, j’étais clairement pas bien. Mon esprit, salopard, commençait à me narrer tout ce qui pourrait m’arriver de mal. Peut-être que je vais mourir, ahahah. Puis est arrivée la magie des fonds marins et ça s’est mieux passé. Là, forcément, je colle ça au parapente. Le souci, c’est le saut. Et mon esprit, salopard, me susurre sa mélodie macabre « et si tu t’agites trop ou que tu te bloques dans la course initiale, le décollage sera foiré et alors… »
Je ne serai pas le boulet du jour !
Sans même aller dans ces extrêmes, j’ai le stress d’être le boulet de service. Je me demande si je vais pas en faire un article à part entière, un truc un peu rigolo. Y avait une vidéo y a quelques années qui tournaient sur une dame qui paniquait au moment du saut en parachute et ça se terminait moyen bien. Le saut avait lieu mais elle se retrouvait à moitié à poil, son harnais ayant glissé. Cette vidéo m’a terrorisée non pour le fait de se retrouver à moitié à poil sur des vidéos d’inconnus mais pour la partie où la dame ne voulait plus sauter mais qu’on lui forçait la main. Quoi que maintenant que j’écris ça, je réalise à 100% que le problème n’était pas la vieille dame mais le fait qu’on ait insisté pour qu’elle saute. Mais si je me ridiculisais ? Surtout qu’à l’époque où je me disais que j’avais envie de demander à mon chef ce qu’il était possible de faire, c’était mon chef. Imaginez la combo nulle si j’avais fait mon boulet. Alors que maintenant, c’est juste un pote. Je le bloque sur whatsapp et c’est good, je pourrais faire comme si j’avais pas été une quiche intégrale.
La peur fait partie des sensations
Sauf que… oui, évidemment, je vais avoir peur au moment de l’envol. Ce n’est pas anodin. Comme la plongée, d’ailleurs. J’ai beau être très à l’aise dans l’eau, ça reste une activité où on peut mourir. J’ai pourtant fait plus de 100 plongées je veux y retourner. Faut juste que j’accepte l’idée qu’ici, j’irai surtout plonger dans l’océan. Or j’ai une petite attirance pour les eaux chaudes. Curieux… Cependant « avoir peur », ça fait partie de sensations que l’on recherche. J’ai fait des tas de montagnes russes dans ma vie et je vais bien. Exemple, ma première fois au boomerang du Walibi d’Agen. Je double stressais : peur du manège et peur d’avoir peur. Peur de quitter la file en panique alors que j’étais en voyage avec ma classe. Sous-entendu : j’allais me taper la honte devant tout le monde. Je suis montée dans le manège. Je me suis retrouvée prisonnière de ce wagon de la mort. Alors que le manège nous tractait en arrière pour nous lâcher de bien haut, j’avais le coeur qui battait à toute vitesse. Et si je vomissais ? Je vomis jamais mais si… ? Le tour dure moins d’une minute il me semble. Premier looping, deuxième looping, troisième looping. Pause, on se refait tracter et c’est reparti mais en arrière. Fin du tour. Il s’est rien passé. Oui, je suis décoiffée et oui, j’ai un peu les jambes en coton mais c’est tout. J’ai refait trois ou quatre fois le manège dans la journée. J’ai surmonté ma peur d’avoir peur et j’ai vécu un truc assez sympa. Idem pour les attractions à Universal Studio. La chute de 35m au ride de Jurassic Park était terrifiante. Le ride Harry Potter avait quelques moments tendus mais je le referais demain sans problème. Même le ski au studio VR, je le referais alors que je suis tombée deux fois dans la falaise. Ah tiens, la VR, bonne façon de faire du parapente sans avoir les pieds trop loin du sol…
Il ne faut pas avoir honte de sa peur
On cherche les sensations et la peur n’est pas une émotion dont on doit avoir honte. Au contraire, c’est une réaction saine de notre cerveau. Il y a quelques années, j’avais assisté à un petit déjeuner sur le thème du stress. En gros : un cours de yoga et un petit dej avec une actrice qui nous expliquait comme elle gérait son stress. Elle nous expliquait qu’avoir le trac était normal et plutôt que de se bagarrer avec son cerveau, elle le remerciait. Je te remercie de réagir en me mettant en alerte mais ne t’inquiète pas, ça va aller. C’est intéressant, ce switch. Oui, je vais avoir peur si je fais du parapente, surtout au moment de l’envol. Je le sais. Je ne me fais pas un film d’épouvante gratos. Mais là, mon imagination est à un carrefour : soit elle imagine le pire genre j’arrête de courir, je me mets en boule sur le sol et l’expérience s’arrête là. Ou pire, je m’arrête de courir mais trop tard et on prend un envol tout pourri et plof. Ou alors, je me raconte une histoire plus positive. Oui je vais avoir peur. Peut-être que je vais crier au moment X. Mais je vais être avec des gens qui savent ce qu’ils font. Que je ne suis pas leur premier baptême et que des gens qui ont un peu paniqué ou foiré leur course, ils connaissent. Ils savent faire. Ils ne font pas de baptêmes dans des lieux compliqués. Oui, les accidents, ça arrive mais la plupart du temps, ça se passe bien. Par exemple, j’ai fait mon tour de montgolfière sans encombres, sans savoir que des touristes étaient morts à l’endroit précis à peine un an plus tôt. Parce que les accidents, ça arrive. Mais la plupart du temps, tout va bien.
Les petites peurs qui deviennent des montagnes
Evidemment, je parle de choses un peu « extrêmes », dirons-nous. Et certes pas indispensables. Ce n’est pas grave si je ne fais jamais de parapente. Je pourrais faire une liste longue comme trois bras de choses que je ne ferai sans doute jamais et tout ça n’est pas si grave. J’aime vivre des expériences, oui, ressentir des choses. J’ai envie de savoir ce que ça fait de voler dans les airs. Mais si ça n’arrive pas, je ne crois pas que sur mon lit de mort, j’y penserai comme un lourd regret. Mais la peur d’avoir peur peut me bloquer sur des trucs plus triviaux genre… chanter sur scène. Quand j’étais ado, un de mes rêves de célébrité était de devenir chanteuse. Je me rêvais en chanteuse un peu confidentielle qui fait des petites salles, seule sur scène avec sa guitare. Oui, je n’ai jamais su jouer de guitare mais les rêves, hein… Sauf que mon esprit, salopard, me soufflait à l’oreille que je ne serais pas capable de faire ça. Car le stress me ferait trembler la voix. Vraiment, j’avais une admiration sans borne pour les artistes qui, non seulement se souvenaient des paroles, mais surtout ne faisaient pas de couacs, avaient la voix ferme. La vie m’a finalement prouvée que j’étais tout aussi capable. Bon, déjà, j’ai une excellente mémoire donc les paroles, j’ai jamais eu de soucis mais la voix… Bah, c’est comme tout, faut s’entraîner. Et je vous cache pas que la comédie musicale me manque, aujourd’hui. La peur d’avoir peur a failli me faire passer à côté de jolis moments dans ma vie. Parce que la joie pure que l’on ressent à la fin de la représentation, quand tout s’est bien passé et qu’on n’a plus qu’à savourer les applaudissements, c’est un moment à vivre.
Une charge mentale inutile
La peur d’avoir peur est une charge mentale stupide. Déjà parce qu’il est naturel d’avoir peur. Ensuite, si au dernier moment, on change d’avis par pétoche, c’est un droit. Ce n’est pas grave. Il faut s’écouter. Ca ne sert à rien de se forcer à vivre un truc qu’on n’est pas en état de savourer. On a suffisamment de moments pénibles à subir au quotidien, on va pas aller s’en rajouter par pur sadisme. Surtout que ce n’est pas parce que ce jour-là, vous n’avez pas la force d’y aller que ce sera définitif. S’écouter, c’est bien. Et si des personnes vous considèrent comme un boulet pour ça, j’ai envie de dire que ce ne sont pas des personnes très bienveillantes. A partir de là, leur avis… Tout est question de perspective et de ce qu’on va faire de notre cerveau reptilien. Soit on le laisse prendre toute la place et nous raconter les pires horreurs. Soit on le remercie et on le raisonne. Evidemment, ce que je dis, c’est du « plus facile à dire qu’à faire » mais hé, le cerveau, c’est comme tout. A force d’entraînement…
En attendant, je vais tâcher de rester pote avec mon ex chef et peut-être qu’au printemps…