De l’injonction à profiter des vacances
Ecrire un article sur les vacances à l’heure où tout le monde est en train de rentrer de congés, j’ai un sens du timing fou. Mais j’avais commencé à écrire un article sur la nostalgie de l’instant présent et ça dérivait sur l’injonction à profiter des vacances donc je switche. Aujourd’hui, je vous parle de cette injonction à profiter, en général, avec un focus particulier sur les vacances. Parce que, pour le coup, vous devez avoir des sensations fraîches sur le sujet.
Une amoureuse des vacances
J’adore les vacances. Une phrase dont je devrais faire un carton citation tellement c’est percutant. Je suis régulièrement ivre de joie dès qu’on se balade dans de nouveaux paysages qui me séduisent. Une des phrases que je dis le plus souvent en vacances ? “Ah, je suis contente !”. A l’inverse, un minuscule caillou dans la chaussure peut avoir des répercussions terribles. Je crois que 7 ans après, je n’ai toujours pas bien digéré le fail du Mont Fuji. Samedi dernier, j’ai été terriblement déçue que notre escapade au sommet de la Dune du Pilat ait tourné court suite à un gros orage qui nous a bien saucés. Non mais monter une centaine de marches pour rester assis sur le sable moins de dix minutes, pardon mais c’est fort de café.
Rater ses vacances, le pire drame
Pendant des années, mon cauchemar, c’étaient les vacances ratées. Il n’était pas concevable d’admettre que j’ai pu passer de mauvaises vacances. Parce qu’elles sont précieuses et que je dois en rentabiliser chaque minute. Je me souviens des pires vacances de notre vie de couple : les vacances commandées à l’arrache dans un hôtel éloigné de tout. En quelques mots : j’avais un bon à utiliser sur Voyage privé et on avait envie de Grèce donc on a pris un hôtel un peu au pif en Macédoine. Résultat : il n’y avait quasi rien autour de l’hôtel à part un village à moitié abandonné et un autre vite fait mignon. Il a plu la moitié du temps et l’autre moitié, la mer était pleine de grosses méduses que des gamins bulgares s’amusaient à éclater si elles avaient le malheur de s’échouer. Mais en rentrant, difficile de répondre que ces vacances étaient nulles et même pas tant reposantes que ça vu qu’on a consacré pas mal de temps à préparer les travaux de notre futur chez nous. Anticipation qui n’a servi à rien vu qu’on a choisi la crème de la crème des branlos.
Envoyer de la destination de rêve
Parce qu’il faut profiter des vacances. Déjà sociologiquement parlant. Dis-moi où tu pars en vacances, je te dirai comment je te considère. Les vacances à Bali ou en Thaïlande, ça se respecte plus que celles à Palavas-les-Flots ou dans les Pyrénées Orientales. Ca envoie plus de rêve sur les réseaux sociaux, aussi. Même si je ne suis pas certaine que ce soit toujours le cas. Il y a quelques années, il me semblait évident qu’un jour, j’irais à Bali. Ce n’était pas en tête de liste de mes destinations rêvées mais je me disais qu’un jour ou l’autre… Aujourd’hui, je ne l’envisage plus. Pas parce que j’avance dans la vie et que mon genou commence à grincer un peu, non. Juste parce que l’empreinte carbone. N’étant que peu convaincue par les promesses d’une aviation propre, je n’envisage plus que trois grands déplacements : la Nouvelle-Zélande, le Japon (volume 2) et un mix Canada – Etats-Unis. Evidemment, le Mexique et l’Amérique du sud me font de l’oeil. Evidemment, j’aurais la curiosité de découvrir ces cités futuristes que sont Singapour, Kuala Lumpur, Seoul, Abu Dhabi… Je pourrais même retourner à Dubaï vu que je ne l’ai vu que d’un bus. Mais tant pis si j’y vais pas. De toute façon, je suis bien persuadée qu’une envie en remplacera toujours une autre. Surtout dans cette ère de surexposition à tout.
Ne rien faire puis regretter
Mais voilà, les vacances doivent être merveilleuses, des parenthèses enchantées. Je me souviens, quand j’étais ado, les vacances devaient être le moment pour réaliser plein de choses. Ecrire, déjà, aller à tel endroit, faire telle soirée… Et en général, à la fin de l’été, tu n’avais rien fait ou presque. Supplément amertume car tu es emplie de regrets en imaginant tout ce que tu aurais pu faire. C’est encore la même aujourd’hui, du moins pour moi, puisque je me concentre toujours sur la somme de ce que je n’ai pas fait plutôt que d’envisager celle de tout ce que j’ai accompli.
Ne surtout rien rater
Pourtant, les vacances ne devraient pas se résumer à une infinie to do list ou to visit list. Surtout qu’on se retrouve à la fois dans une injonction au repos parce qu’on n’a que cinq semaines pour recharger les batteries et cette obligation de tout voir, tout faire, tout vivre. C’est ainsi qu’au Japon, on est totalement passés à côté de Kyoto parce qu’on était trop fatigués pour réellement en profiter. J’ai appris de ce voyage qu’il fallait justement se prévoir des jours de rien, des jours de pur repos. Recette que l’on a appliquée par exemple lors de notre séjour en Crète. J’ai toujours du mal avec cette image du touriste qui prend l’avion pour aller loin glander dans un hôtel mais il y a sans doute un juste milieu entre passer une semaine sur une bouée flamant rose à l’hôtel et courir tellement partout que tu reviens de vacances plus fatiguée qu’en partant.
Tu as le droit de ne pas tout voir
Bien sûr que les vacances sont précieuses et qu’on a envie d’en savourer la moindre miette. Mais l’injonction d’en profiter nous entraîne vers une angoisse du faire dont on pourrait se passer. Je suis mauvaise élève là-dessus mais j’essaie de me détendre. Par exemple, lors de nos vacances en Camargue, on n’a pas fait tout ce que j’avais prévu. Et bah tant pis. Les vacances, finalement, c’est d’abord se faire plaisir à nous. Tant pis si je n’ai pas une superbe photo de flamants roses à partager sur mon Insta. Insta sur lequel je n’ai quasi rien posté depuis un an. Faudrait que je reprenne, d’ailleurs, j’aime bien poster mes vieilles photos de vacances, justement. Tant pis si j’ai raté “l’immanquable” par manque de temps ou d’envie. Ou de soleil. Et si quelqu’un a envie de me juger pour ça, je… bah c’est triste pour cette personne, que voulez-vous ?
Tout vivre à fond ?
Bref, l’injonction à profiter des vacances est somme toute assez révélateur de notre société qui s’obsède du bien-être et du bien vivre, qui nous enjoint à tout vivre à fond… histoire de nous faire oublier l’absurde de nos vies professionnelles, passées dans des jobs qui ne servent pas à la société pour la majorité d’entre nous. Et puis si vous trouvez que vos vacances n’étaient pas assez intenses en terme de vécu, rappelez-vous que 40% des Français ne partent pas du tout.