C’est ok de ne pas toujours chanter la vie

C’est ok de ne pas toujours chanter la vie

Même si on a tout pour être heureux. C’est compliqué le bonheur. Surtout dans cette ère d’ultra-médiatisation où nos désirs, envies et frustrations sont cultivés en permanence. On est invités à devenir une meilleure version de nous-mêmes en permanence. On est soumis à des contenus sur les réseaux sociaux qui nous poussent à nous comparer. Les autres qui ont tout ce que l’on n’a pas. Qui sont tout ce que l’on n’est pas et qu’on ne sera sans doute jamais. On n’est jamais assez. Ou alors trop. Dans ses conditions, difficile de chanter la vie.

Chanter la vie sur une plage sous la pluie

Oh, ça va, y a pire

Mais à côté de ça, il ne faut pas se plaindre. Déjà parce que “y a pire ailleurs”, ce relativisme qui me rend folle. Mais en plus de toutes les injonctions précédemment citées, il y a celle de chanter la vie. Il faut sourire, il faut utiliser des outils pour gérer ses pensées tristes, ses baisses de moral. Ca me rappelle une BD de Marie de BD de Mebeul qui, ayant un souci de santé, se démène pour essayer d’en combattre les symptômes. Ca passe notamment par une agitation constante. C’est ici le même délire. Ne pas s’arrêter pour ne pas penser à sa peine.

C’est l’histoire de Constance

Pourquoi je vous parle de ça ? Pas tant parce que je suis en bad. Non. Même si j’ai des sujets d’angoisse (le travaaaaail), globalement, en ce moment, ça va. Je me concentre sur mes prochaines vacances d’été et y a bien plus que ça qui m’intéresse. Ca et mes petites marottes. Et d’ailleurs, parmi mes marottes, il y a des sorties culturelles comme des spectacles humoristiques. Genre Constance. Que vous connaissez pour son travail sur France Inter.son travail sur France Inter. Ce que je ne savais pas, parce que je ne me renseigne pas, c’est que c’était un spectacle sur sa dépression. Enfin, un spectacle avec des passages bien sombres, notamment celui sur ses tentatives de suicide. Mais il y a un passage qui m’a particulièrement frappée. C’est quand elle commence à sombrer et qu’elle joue une visite chez le médecin et explique “je ne peux pas être dépressive, j’ai tout pour être heureuse, j’ai un métier passion”.

Inconstance, le spectacle de Constance

Tu dois obligatoirement être heureuse

Et ça m’a ébranlée. Non que je me sente en (pré) dépression mais sur le discours. Il y a ici une promesse et une peine. La promesse, c’est qu’à partir du moment où tu auras tout, tu seras obligatoirement heureux.se. Typiquement, le “quand je serai mince, tout ira mieux”, cette sacralisation d’un futur moi qui mérite tout ce que l’on n’a pas le droit d’avoir. Faire des efforts pour mériter, tu saisis le truc ? Mais surtout, la peine, c’est qu’une fois que tu as “tout”, tu n’as plus le droit de te plaindre. Condamné.e à chanter la vie.

Prends soin de toi mais ne va jamais mal

Sauf qu’avoir n’est pas être. Curieusement, alors que notre société est obsédée par le bien-être et le self care, il semble interdit de ne pas aller bien. Mentalement, je veux dire. Sauf à avoir vécu un traumatisme qui ne souffre d’aucune discussion. C’est pas pour rien que le burn-out est aussi difficile à déceler. D’abord parce qu’il est souvent amoindri. Oh ça va, on connaît tous des périodes intenses. Nous aussi, on est fatigués, l’hiver arrive. Oui, oh, ton patron est un connard fini mais au pire, ignore-le. Et puis, on associe le burn-out au travail alors que non. Des fois, c’est la vie qui nous déborde.

Pleurer sous la douche
(c) Meghan Hessler

Est-ce que je ne craque pas un peu vite ?

Moi-même, quand je suis en down et que je veux tout plaquer, je me pose la question du caprice. Ok, mon boulot est nul et je veux me barrer mais n’est-ce pas un caprice ? N’ai-je pas craqué un peu trop vite ? N’ai-je pas exagéré mes symptômes. Oui, ok, je me mets à pleurer pour rien mais le mois de décembre, il est nul, non ? Non ? Et on l’a tous expérimenté : quand ça va pas, beaucoup de personnes nous enjoignent à l’action. Pas méchamment, hein. Il n’y a aucune malveillance. C’est une vanne dans Tutotal “Tu devrais aller à la piscine, ça fait du bien”Tutotal “Tu devrais aller à la piscine, ça fait du bien”. Alors, oui, la piscine, ça fait du bien. Je suis une apôtre de la piscine, moi. Mais ça fait du bien à la baisse de moral. Ca ne soigne pas une dépression. Ou une rupture ou un burn-out. Fais-ci, fais ça… Mais en vrai, on n’a pas juste le droit d’être triste ? Mélancolique ? Epuisé.e ? Pourquoi toujours chercher à éviter ces états là ? Parfois, le mieux n’est-il pas d’accepter que là, non, on ne va pas chanter la vie parce qu’on est au bout du roul’ ?

On a le droit d’être fragile, parfois

Parce que oui, des fois, il faut agir, certes, mais pas en traitant uniquement un symptôme. Tu es triste ? Ris ! Heu ok, je vais mater une petite comédie mais ça va pas me consoler pour la vie, surtout si ma tristesse est profonde. Epuisé.e ? Prends des vacances ? Ah bah cool, avec de la chance, au retour, je vais avoir la patate trois jours avant que ça ne revienne. Oui, des fois, il faut quitter un job qui te mine. Un partenaire qui te rend malheureux.se. Et parfois, aller voir quelqu’un qui va écouter tes mots et te donner des béquilles selon ton cas. Des exercices, un médicament… Une thérapie, une hospitalisation. Tu as le droit d’aller mal. Même pour des choses que d’autres jugeront futiles. Nous n’avons pas à être fort.es tout le temps, à ignorer le noir pour sacraliser le blanc. La vie n’est pas qu’une belle journée d’été ensoleillée où il fait 25°. Parfois, il pleut. On l’a bien expérimenté ces derniers temps, d’ailleurs. Et les jours de pluie, parfois, on a juste besoin de se mettre sous un plaid avec une boisson chaude et ne rien faire car rien ne nous motive. On attendra des jours meilleurs.

Après la pluie

Et on va au théâtre surtout

Et on ira voir le spectacle de Constance parce qu’elle dit beaucoup de choses justes. Parfois même avec humour. 

 

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