Chassez le naturel, bla bla bla

Chassez le naturel, bla bla bla

Dans la vie, j’ai souvent une grande ambition : changer. Faire le pas de côté décisif qui rendra ma vie “meeeh” en ma vie “waouh”, en gros. Souvent, je ressens une frustration, l’impression que je suis à ça d’avoir une vie merveilleuse. Si je changeais ceci ou cela. Que je lâchais certaines mauvaises habitudes, surtout. Mais oui mais comme toujours, chassez le naturel, il revient au galop. Mmm… C’est pas un peu défaitiste, ça ?

Chasser le naturel ou abandonner toute velléité de changement, personne allongée sur la neige avec un drapeau blanc
(c) Jackson Simmer

Alors il est vrai que changer, ça ne se fait pas d’un claquement de doigt et on a l’impression que le moindre relâchement nous entraîne vers un échec certain. Parlons régimes, par exemple. Oui, les régimes, c’est nul et générateur de TCA mais ça illustre tellement mon propos que je ne vois pas de meilleur exemple. Suivre un régime, c’est souvent quelque semaines d’effort puis, dès qu’on se satisfait du résultat, retour en arrière et reprise des mauvaises habitudes alimentaires. Le fameux effet yoyo. Alors quand je dis “mauvaises habitudes”, c’est à nuancer car de nombreux régimes se basent encore sur le déficit calorique. Ah oui, si tu manges moins que ce que tu dépenses, tu perds du poids. Et encore que, c’est plus complexe que ça. Mais ne pas manger à sa fin ne me paraît pas trop être une “bonne habitude”.

Là où l’exemple du régime m’intéresse, c’est sur le sentiment de régression. J’ai essayé de changer, je n’y suis pas arrivé. Déjà, ça reste à voir. Ici encore, c’est ce phénomène de big picture, de total achievement. Soit je réussis tout, soit j’échoue. Zéro nuance. Et une idée d’articles, ça, tiens. Quand on fait un régime, on se focalise tant sur le résultat qu’on ne remarque pas les éventuels changements. Une recette ou deux adoptées, par exemple. Une alimentation un peu plus variée, une pratique du sport un peu plus régulière. Même le fait de descendre une station de tram, bus ou métro plus tôt que votre arrêt habituel, on valide. Monter les deux étages à pied, on valide. Er si vous êtes trop fatigué·e un jour pour faire ça, on valide aussi parce qu’on a le droit. Moi, mon plat doudou de quand ça va pas, c’est coquillettes cordon-bleu donc le jugement…

Marcher dans la ville
(c) Real Jansen

Le changement, c’est difficile. Moi, mon changement rêvé, ce serait d’être du matin. Le miracle morning, j’ai essayé et oui, ça me faisait du bien. Un petit moment calme à moi. Le souci, c’est que je suis du soir. A 23h, je suis en pleine forme. En vrai, je n’aurais aucune obligation sociale, je pense que je me ferais des nuits genre 3h-10h. Et quand je dis obligation sociale, comprenez Victor. Ou alors, je me ferais 3h-8h puis 14-16h. Je sers à rien l’après-midi, autant accepter ça. Mon rythme perso me pousse à être noctambule. J’ai encore le souvenir nostalgique de mes nuits de chômeuse-célibataire où je trafiquais toute la nuit pour me coucher vers l’aube. J’aimais la sensation (fausse) d’être la seule réveillée. J’étais productive car je savais que personne ne me parlerait.

Mais je veux être lève-tôt. D’abord parce que la société valorise ça. Ce qui est un peu étonnant quand on y pense vu qu’en général, ceux qui se lèvent tôt pour aller bosser, ce sont plutôt les prolétaires. Vous savez, ceux qui nettoient les bureaux avant que vous n’arriviez. Mais surtout… le réveil est pour moi un calvaire et ça me saoule. Parce que ça me suscite de mornes pensées. Y a des matins, je me sens tellement claquée au petit dej que j’ai juste envie d’annuler tout ce que j’avais prévu pour dormir. Ces matins où, en me brossant cheveux et dents, je me dis “non, je vais pas au sport, ce soir, je suis trop fatiguée.” Vraiment, le matin, au réveil, je suis dans une énergie noire en mode “C’est pas une vie, faut changer les choses”. De la colère presque. Dépression ? Ah non, non parce qu’une fois bien réveillée, la bonne humeur arrive. Et le soir, je déborde d’énergie.

Danser au coeur de la nuit
(c) David Jackson

Je voudrais donc être du matin pour décaler mes pics d’énergie. Me lever sans trop de difficultés, carburer correctement toute la journée sans le fameux assoupissement de 14-16h et me coucher relativement tôt, le soir, satisfaite de ma journée. Mais je n’y arrive pas. Déjà parce que je veux du temps pour moi. Pour écrire, essentiellement. Et en journée, quand je travaille, c’est compliqué. Je vole quelques minutes à droite, à gauche mais on est loin du compte. Le soir, si on dîne pas trop tard, j’ai potentiellement deux heures pour moi. Je les voudrais le matin, faudrait que je me lève vers 5h. Euh… non ?

J’échoue donc à changer mon rythme de vie. Chassez le naturel… Et dès que je relâche un peu, je redeviens cette personne qui aime paresser au lit. Oui, y a ça aussi. J’aime paresser. Alors ça, la société n’aime pas. Mais pardon mais s’étirer pendant de longues minutes, fouiller son mental pour voir si nos rêves nous ont fourni un matériel sympa à intégrer dans une histoire, c’est juste le bonheur. Bon, en ce moment, je rêve Python et SQL donc bof. C’est super intéressant mais ça ne fait pas une bonne fiction. Traînasser au lit pour rêvasser aussi, mmm… Changer, changer, changer… Mais pourquoi finalement ?

J'aimerais changer le naturel et devenir lève-tôt. Femme qui s'étire et semble de bonne humeur.
(c) Bruce Mars

Il est peut-être là, le secret d’un changement qui foire. Le fameux “chassez le naturel”. A la frontière de ce que l’on pense être, de ce que l’on croit que l’on aimerait devenir et les pensées jugeantes. Pourquoi je veux être du matin ? Certes pour supprimer un inconfort, celui des matins grognons. Sortir du lit d’un bond en chantant gaiement “Good morning, good morning !”. Sauf que même quand je dors beaucoup, j’aime pas me lever. Après, il me semble qu’être du matin est valorisé par la société. Arriver au boulot tôt et frais pour bosser parce qu’on a fait son petit jogging avant de rentrer prendre un bon petit déjeuner et tracer pour le boulot. C’est bien gentil mais déjà, moi, sur mon dernier job, j’avais quasi une heure de trajet. Dont 25 minutes de vélo et 10-15 minutes de marche donc ça équivaut au jogging un peu. Mais la vie rêvée de la version de nous changée est souvent expurgée de certaines contraintes qui sont, elles, bien réelles.

Et puis être lève-tard sonne, du moins chez moi, à une pensée jugeante : je suis une feignasse. Ce blog existe depuis près de 7 ans et on retrouve régulièrement la même rengaine : je voudrais en faire plus. Écrire, PowerPointer, lire, me cultiver, faire du sport. Travailler puisqu’il le faut, avoir des carrières annexes de vidéaste, créatrice d’objets cute… Et si je n’y arrive pas, c’est bien la preuve que je suis une feignasse. Ce fameux naturel que je voudrais chasser. Sauf que, comme dirait mon hypnothérapeute du passé “Vous êtes une des personnes les plus actives que je connaisse”. Je me compare à d’autres dont je ne connais pas la vie. Tous ces gens qui ont le temps d’écrire ou de faire des vidéos. Ah oui mais ça, c’est la partie visible de l’iceberg. Si je connais des gens qui ont réussi là-dedans, c’est précisément parce qu’ils ont réussi. Combien sont-ils à faire des vidéos YouTube qui culminent à dix vues, qui ont des manuscrits plein les tiroirs ? Indépendamment de la qualité de leur travail, c’est même pas le sujet à ce stade. 

(c) Benjamin Davies

Ma vie ne me permet pas de tout faire et ce n’est pas à cause de mon naturel lève tard. C’est parce que je fais plein de choses, déjà. Et lui, parfois, je perds du temps à traîner sur les réseaux, à regarder des vidéos de gens qui fabriquent des motifs avec de la pâte Fimo mais… D’abord, ça me détend de fou. Et puis des fois, je suis fatiguée. Là, par exemple, je suis en plein apprentissage. Forcément que ça n’est pas toujours possible d’écrire quoi que ce soit après ça. Mais moi, dans ma tête, ça me renvoie à mon naturel de “feignasse”. Et à chaque fois que j’échoue sur mon canapé, claquée, j’ai l’impression que tout changement est impossible.

Et si c’était vrai ? Le fameux Chassez le naturel, il revient au galop. Je suis qui je suis et ça ne changera jamais ? Et bien c’est ce que je me dis, souvent. Sauf qu’à y regarder de près, j’ai changé. Pas sur le lever. Mais sur d’autres choses que je m’identifie pas toujours immédiatement. Je vous en reparle semaine prochaine. 

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