L’angoisse du choix
Choisir, moi, j’aime pas ça. Peu de gens aiment ça car, paraît-il, choisir, c’est renoncer. Renoncer à tout un univers des possible à chaque fois, couper la branche de l’arbre décisionnel. En revanche, nourrir l’imagination des “et si”. Et si, au lycée, j’avais capté que j’aimais bien les maths, serais-je devenue data analyste bien plus tôt ? Ou alors si j’avais refusé la proposition de poste de Sunlight, comme mon mec me le conseillait, qu’elle opportunité aurais-je pu saisir ? Et si, ce jour là, j’étais partie deux minutes plus tôt, ou plus tard, aurais-je fait une rencontre qui aurait changé ma vie ? Et si les choix que j’avais faits avaient été différents… Alors ?

Ca sert à rien de refaire le match
Alors autant vous dire qu’au-delà de l’exercice intellectuel et/ou imaginatif, ces questions ne sont pas intéressantes. C’est facile de réécrire les histoires à posteriori mais ça ne sert à rien. Ce qui est fait est fait. Deal with it. On peut regretter ses choix, évidemment. Mais on ne pourra pas revenir en arrière pour changer quoi que ce soit et la flagellation n’a jamais aidé personne. Je le sais, je pratique la discipline très souvent.
Faire des choix en pleine tempête émotionnelle
Si l’exercice de refaire l’histoire n’est pas utile en soi, il me rappelle en creux qu’il est important de faire les bons choix. Et c’est là que je suis terrifiée. Faire le bon choix. Comment savoir ? En avril, j’étais bouleversée, acculée et je devais faire un choix. La panique. Emotionnellement, j’étais déjà à peine capable de sélectionner une paire de chaussettes alors mon avenir… Alors, j’ai eu envie de jouer ça à la loterie. Moi, je ne suis pas douée pour prendre la meilleure décision. Rien que de choisir quelle queue je vais suivre au supermarché, vous pouvez être sûre que je prends la plus lente. Même si je choisis le plus objectivement possible en fonction du contenu des caddies et l’âge des clients et/ou de la personne en caisse. Oui, je sais, c’est un biais de confirmation, je ne remarque que les fois où je choisis mal. Les autres fois, je ne remarque rien. Mais quand même…
La terrible notion du choix de vie
Alors oui, en avril, j’ai dû faire un choix de vie. C’est lourd, la notion de choix de vie, quand même. Décider de changer de boulot, de changer de région. D’acheter un logement à plusieurs centaines de milliers d’euros. Choisir la personne avec qui l’on vit. Se tromper peut avoir parfois des conséquences assez lourdes. Même si, pour le coup, me concernant, le choix de quitter Paris et d’acheter notre appart actuel avec Victor, c’est vraiment sans aucun regret. Aucun. Mais voilà, je devais choisir que faire et j’en étais à un tel point de fatigue mentale que j’en étais presque à jeter un dé pour choisir. Peu importe, de toute façon, pourquoi se prendre la tête vu que je finis toujours par me faire débarquer, hein. Je voyais pas trop la vie en rose à ce moment de l’histoire, j’avoue.
Prendre un job au hasard
J’avais donc envisagé de regarder les contrats en POEI dispos par chez moi. Les POEI, ce sont des contrats où on te forme et ça débouche sur un CDI. J’avais assisté à une réunion d’information sur ce type de contrat lors de ma période de chômage fin 2022- début 2023 et je me disais que la vie allait choisir pour moi. Voilà, très bien. A cette époque, c’était pour un poste de product owner. Ca me passionne pas mais le marketing digital non plus, finalement alors au point où j’en suis. Je regarde sur la Nouvelle Aquitaine et les POEI disponibles sont pour… devenir conductrice de bus. Alors… non. Comprenez. Je n’ai aucune mésestime pour les conducteurs de transports publics. Déjà parce que moi, mon rêve, ce serait de devenir capitaine de Bato. C’est le nom de la navette fluviale de Bordeaux. Mais j’ai pas le permis bateau et y a pas l’air d’avoir beaucoup de demande. Conduire le tram, à la limite mais encore, avec tous les piétons, vélos, voitures qui passent à l’arrache devant toi, je vais mourir d’un infarctus avant la retraite. Mais conductrice de bus… Je n’aime pas conduire parce que j’ai peur sur la route. Je prends toujours des petites voitures en location parce que je me sens pas à l’aise avec de gros machins. Alors conductrice de bus… Là, je meurs d’infarctus avant même la fin de la formation.
L’impossible choix du plat au resto
Bref, en discutant avec mon merveilleux conseiller APEC, j’ai décidé de repartir sur la data analyse. Pour le moment, ça se passe bien. Bon, ça fait que 2 semaines donc… Je me sens assez à ma place. Mais si, là, on peut aisément comprendre mon angoisse, il faut comprendre que je ressens ça à chaque choix que je dois faire. Le classico, le restaurant. Bon, je n’aime pas tout donc certains plats s’éliminent d’eux-mêmes. Mais parfois, j’hésite. Et là, ça dure des plombes dans ma tête. “Bon, je vais prendre des pâtes aux coquillages. Quoi que celles à la pistache, là… Non, non, les coquillages, c’est ce que je voulais manger en première intention. Oui mais les autres me font envie”. En général, le gagnant sera celui qui sortira de ma bouche lors que le serveur ou la serveuse arrive. Ce qui fait que je mange souvent la même chose. Parfois, je regarde la carte histoire de. Ce qui amuse mon mec. “Bah, pourquoi tu regardes, tu vas prendre une crêpe complète comme d’hab”. Le pire, c’est quand j’hésitais entre deux plats, que je reçois le mien et que je vois l’autre passer et qu’il avait l’air trop bon. Les regrets.
Et si je choisissais la mauvaise chanson
C’est pour tout pareil. Je dois chanter une chanson à la comédie musicale lundi soir. Dimanche, 19h40, je pille encore ma liste Deezer parce que je suis pas sûre. Super, meuf, comme ça, t’auras rien répété du tout. Surtout que c’est pas grave, hein, c’est pas la chanson de ta vie. C’est juste pour chanter devant tes petits camarades qui sont très gentils et bienveillants. Mais je m’angoisse de tout. Je dois trouver un thème pour une revue de presse dans ma formation. Ah, j’ai envie de parler de data journalisme mais en vrai, est-ce que je vais trouver quoi dire ? Alors que faire une revue de presse sur le marketing automation, c’est carrément plus pertinent. Oui mais je ne veux plus faire de marketing donc c’est pas ouf non plus… Ou alors je pourrais faire un truc un peu science fiction, le contrôle des données dans les dystopies… Ou alors… Je panique. Je panique pas tant de faire un mauvais choix que de laisser passer un bon.

Laisser passer la bonne occasion
Laisser passer une occasion. Voilà le drame. Laisser passer l’occasion de chanter une chanson que j’aime vraiment bien. Un plat qui m’aurait totalement satisfaite. Creuser un sujet que j’ai envie de creuser. Pour la chanson ou la revue de presse, je donne aussi une couleur, une tonalité. Comme dit plus haut : choisir un sujet lié au marketing, c’est risquer d’y retourner. De me donner cette couleur là. Idem pour la chanson. J’ai pas envie de m’enfermer dans un style qui ne me convient pas. Je veux dire, je devais choisir une chanson française, il en existe des milliers. Sauf qu’aucune ne me parle actuellement. J’ai déjà chanté du Barbara Pravi et du Starmania l’an dernier. Deux fois Starmania dont une fois pour le spectacle, c’était la chanson de mon personnage. Je suis dans une autre énergie. J’ai envie de chanter du Nirvana ou God is woman d’Ariana Grande. Du Tori Amos ou du Queen. Bon, là, j’ai l’air d’être décidée à chanter la version française de The show must go on. Je triche, ok.
Choisir pile ou face
Mais ça me fatigue cette peur de la décision. Peut-être que l’option non choisie était mieux, finalement. Alors oui, très certainement. Pas toujours mais ça arrive. C’est le principe du choix. Faire le meilleur choix, c’est plus qu’un art. C’est aussi une part de chance et de hasard. Pour en revenir à cette histoire de queue au supermarché, je parlais de mon choix objectif. Mais le hasard a sa part. Suffit que la personne en train de ranger ses courses reçoive un coup de fil et réponde pour qu’on perde le rythme. Ah oui, moi, je suis pour qu’on attende que la client·e finisse de ranger son caddy avant de commencer à scanner les produits du suivant. Ça permettrait en plus de foutre un peu la paix aux caissier·es et d’arrêter de mesurer leur cadence. Ou on peut avoir un code barre absent ou qui ne passe pas… Du coup, la caisse d’à côté aurait été un meilleur choix mais y avait aucun moyen de le savoir. C’est de l’ordre de choisir à pile ou face. Avoir bien ou mal choisi est une pure question de hasard.

L’autre choix n’aurait peut-être pas été meilleur
Alors peut-être qu’à un moment, faut être adulte et prendre ses décisions en connaissance de cause. Ici, connaissance de cause signifiant “oui, des fois, on se plante. Oui, tu perdras peut-être des mois. Mais bon, de toute façon, tu aurais fait autre chose, c’est pas dit que ça aurait marché”. Ne pas laisser le hasard choisir pour nous car on n’est pas un méchant de Batman. Et puis n’oublions pas que parfois, le choix peut revenir. Retourner au resto goûter le plat que l’on a délaissé la fois d’avant, c’est autorisé.