J’ai une super coach de vie : mon moi fictionnel

J’ai une super coach de vie : mon moi fictionnel

A peu près. Depuis novembre, je suis en train d’écrire le projet Audrey. Une sorte de chroniques sur la vie d’une meuf lambda pré-trentenaire qui vient de se faire larguer et doit aller de l’avant. Ca parle un peu de séduction, pas mal d’amitié et… de travail. Car Audrey n’aime pas son travail et ne s’implique pas dedans. Et… attends… c’est marrant, l’histoire de la meuf qui s’implique pas dans son taf parce qu’elle le déteste, c’est pas un peu ma vie ? Si et en écrivant l’histoire d’Audrey, je joue un peu ma propre coach de vie. Involontairement.

ma propre coach de vie
(c) Yannick Pulver

Audrey déteste son job. A un moment, elle doit passer son entretien d’évaluation et y débarque un peu naïve. Elle se fait rouler dessus. Au sortir de cet entretien qui l’a un peu détruite, elle décide de réagir. Redevenir une employée modèle pour : avoir plus de légitimité pour demander une formation et une augmentation mais surtout reprendre confiance en elle. En écrivant ces mots, je me dis “hé mais c’est carrément ça que je dois faire”. Parce que j’en ai un peu chié ces derniers mois. Waaah, j’ai une coach de vie gratuite à portée de clavier, les gars.

Bon, l’ironie, c’est que je me suis défoncée pendant des semaines pour me remettre en selle et finalement… je me fais virer, ahah. Je vais pas trop détailler parce que je suis en plein bras de fer avec mon employeur mais en gros, y a quelqu’un en trop dans l’équipe. Et c’est moi la plus chère. Je pense que je ferai une série d’articles sur ça parce que y a de fortes chances que ça parte aux prudhommes et y aura deux ou trois ficelles qui pourront être utiles pour d’autres. En vrai, je commence à me demander si je devrais pas remercier mon connard de PDG de me bousculer comme ça. Il a réveillé la dragonne. 

Même si la vie, c’est moins cool que la fiction, il n’en reste pas moins une méthode à affiner. Si je ne suis pas mon personnage et même si je ne vis pas les mêmes choses qu’elle, il n’en reste pas moins qu’en écrivant à la volée comme je le fais, des éléments de ma vie suppurent un peu dans le récit. Notamment sur les humeurs de mes personnages. En général, quand ils commencent à tourner en rond en soupirant sur la vie, c’est que je ne suis moi-même pas au top. Ce sont des passages qui devraient finir par sauter ou par être grandement remaniés… Enfin, dans un monde où je ferais de la réécriture.

Bureau bordélique
(c) Ferenc Horvath

Je creuse, je creuse et je commence à entrevoir une méthode. Une méthode assez simple pour essayer de trouver des solutions à mes soucis de vie. Dans le développement personnel, l’écriture autobiographique, comprenez le journal intime, est souvent encouragé. Moi-même, j’ai tenté l’expérience à plusieurs reprises et, oui, ça soulage un peu. Mais j’ai envie d’aller un cran au-dessus : au lieu d’écrire en mode “cher journal”, je pourrais écrire un roman. Raconter ma vie mais à la troisième personne avec des phrases construites et moins de “putain”, de “ça me saoule” ou encore de “aaaaaah” en majuscule. Oui, les quelques fois où je rédige mon journal, j’ai une écriture très émotionnelle… on dira.

Et dans cette visée de coach de vie, je pourrais même imaginer que ce moi fictionnel agit. Ici, on pourrait même mélanger deux fictions. La première, celle du pétage de plomb. Genre le prochain entretien avec la DRH et/ou le PDG, je me mets à insulter tout le monde. Enfin, “insulter”, leur dire leurs quatre vérités sans vernis diplomatique, je dirais. Parce que ces gens sont des truands et on ne leur dit pas assez. Bref une écriture purement cathartique où on crie des gros mots et on casse des trucs. Voire on jette des cafés au visage des gens. Tout ceci n’est que fiction, personne ne sera réellement blessé. Je veux dire si vous voulez déféquer sur un bureau et étaler votre production partout sur les murs, vous pouvez. En fiction, vous n’avez à craindre ni odeurs ni éventuelle hépatite parce que toucher des excréments, en vrai, c’est pas très hygiénique. 

néon poop
(c) Annie PM

Et puis arrive le volet “mise en marche”. Nous avons un problème, que pourrions-nous faire pour le résoudre. On est toujours dans une écriture fictionnelle ici donc il ne s’agit pas de faire un plan forcément réaliste. Il faut vraiment laisser couler. Si mon écriture me porte à écrire que la meilleure façon de se relever d’un tel uppercut de la vie, c’est d’aller sauter en parachute, je peux l’écrire. Je peux même écrire que mon moi fictionnel fait ce saut et décrire des sensations telles que je les imagine. Le ventre noué avant de sauter, la bascule dans le vide, la difficulté de respirer au début avec tout cet air qui nous fouette le visage. Et soudain, le ravissement : je vole. Alors que dans la vraie vie, je pense que je pleurerai tellement avant de monter dans l’avion qu’on m’abandonnera au sol. 

L’idée de cette écriture fictionnelle, c’est d’imaginer des solutions sans se juger. Ce n’est pas nous qui chions sur les murs ou montons dans un avion pour se jeter dans le vide à plus de 3000 mètres d’altitudes. C’est alter-Nina. Je peux même lui donner un autre prénom si je veux, on s’en fout. Car ce qui compte, ce n’est pas le prénom ni le style littéraire. Ce qui compte, c’est que votre vous fictionnel ait votre visage dans votre imagination. Car oui, nous entrons dans le domaine de la visualisation. En développement personnel, il existe des exercices de visualisation qui consistent à vous imaginer faire quelque chose parce que vous vous en pensez capables et votre cerveau finit par l’assimiler comme étant possible. Je ne suis pas certaine que ça marche pour des trucs physiquement impossibles genre voler ou nager en apnée pendant 48 minutes mais…

On est presque dans la prophétie auto-réalisatrice, finalement. Je m’écris en train de réaliser un truc qui, à l’instant T, me terrifie. Mais en me concentrant sur ce récit, peut-être… Attention certes à ne pas tomber dans la pensée magique. Il ne suffit pas de croire pour que ça arrive. Parce qu’un travers que je repère immédiatement dans l’auto-écriture fictionnelle, c’est ce côté “rêver sa vie au lieu de la vivre”. Ma grande spécialité, au demeurant. Là, par exemple, j’ai des dizaines de plans de vie qu’on pourrait résumer à “faut qu’on, y a qu’à”. Certes, mon petit bras de fer avec mon futur ex-employeur consomme un peu de ma bande passante mentale mais vu que je suis déterminée à ne rien lâcher et jouer la montre, faut justement que je m’occupe. Genre faire des formations. J’en ai trouvé plein. Y a plus qu’à se lancer. Y a plus qu’à… Mais je traîne. 

(c) Aziz Acharki

Bref, il faut que j’affine cette méthode pour voir si je la trouve si épanouissante que ça. Ou si elle renforce ce travers de “rêver ma vie plutôt que de la vivre.” En attendant, je dois écrire la scène où je détaille tous les défauts et les incompétences de mon futur ex-boss. En plus, en fiction, il ne peut pas me couper la parole pour raconter n’importe quoi, tel un pigeon jouant aux échecs.

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