Toujours cette envie de fuite

Toujours cette envie de fuite

Un lundi de retour de vacances. J’écris cet article un samedi donc je ne sais pas encore dans quel état je vais retrouver ma boîte mail ni rien mais… Là, de suite, l’envie de retourner dans l’arène n’y est pas. Pas du tout, du tout. Je me rappelle ces balades à Venise où je réfléchissais à quelle carrière je pourrais choisir pour venir vivre au coeur de la Sérénissime. Car oui, dès que je sors de mon quotidien, j’ai une perpétuelle envie de fuite. Et faudrait peut-être régler ça.

Comme une envie de fuite à Venise

Si j’avais une baguette magique, qu’est-ce que je changerais dans ma vie ? Mon mec ? Non. Ma famille ? Non. Je modifierais certes deux ou trois dynamiques et je remettrais de l’énergie dans mon papa tout en lui donnant la maîtrise de Whatsapp. Parce qu’il fait n’importe quoi avec. Mais la famille, je garde. Les amitiés, je garde, le lieu de vie… je garde mais si ça pouvait se retrouver à Venise, ce serait super. Mais surtout, ce que je vais changer, c’est le travail, bien sûr. En gros, avec ma baguette magique, je me donne l’argent dont j’ai besoin pour vivre correctement et voyager un peu. Voire pour ouvrir un cabinet d’hypnothérapie ou un lieu bien-être. Je pourrais me réserver des créneaux pour écrire. Aaaah, la belle vie.

J’ai souvent des envies d’ailleurs mais sont-ce vraiment des envies d’ailleurs ou des envies de fuite ? De fuite de ce que je n’aime pas dans ma vie, à savoir le professionnel. Alors que j’étais posée sur un quai à Burano à admirer la vue sur Venise au loin, tout ça m’a frappée. Point un, j’ai manqué d’audace sur mon bilan de compétences. J’ai été timorée, j’ai choisi de faire un petit pas de côté. Et par la suite, j’ai été encore plus timorée et je suis repartie sur un métier que je n’ai ni choisi ni jamais aimé. C’est ma faute, hein. J’ai des insécurités qui me font prendre des voies plutôt que d’autres. Je fuis depuis des années en me disant que, peut-être, en me formant à ceci ou cela, je trouverai bien un domaine qui me plaît. Echec.

Le désespoir au travail, illustration en diorama avec de petites figurines
(c) Igor Omilaev

Alors que reste-t-il comme solution quand la première réponse que tu donnes quand on te demande ce que tu fais dans la vie, c’est “pfff” ? Littéralement, je réponds “oh, pffff, je bosse dans le marketing digital”. C’est limite si je me bouche pas le nez en disant ça. La fuite. Au moins dans ma tête. Je vous jure, pendant ces quatre jours à Venise, j’ai imaginé mille carrières. Et si je devenais chauffeuse de taxi ? Oui, à Bordeaux, souvent, je rêve de passer le permis bateau pour devenir pilote du Bato, anciennement Batcub. De marketeuse à conductrice de bus maritime, découvrez son histoire. Ou alors, je deviens guide pour touristes français. Ou alors j’avais imaginé une histoire de gondole disco. 

La gondole disco, c’est quoi ? Une gondole rose avec mosaïque miroir pour rappeler les boules à facette. Cette gondole disco serait idéale pour les Ladies et Queer night, genre EVJF. Bon, j’aime pas beaucoup les gens qui crient et il me semble qu’en gondole disco, ça va beaucoup s’ambiancer. J’en parle à mon mec et on en tire le synopsis d’une comédie romantique : en rupture avec sa vie, Adeline fuit à Venise. Tombée en amour avec la ville, elle décide de lancer son activité de gondole disco. Mais elle se heurte au syndicat des gondoliers, très traditionaliste. Parmi eux, Gianluca, un ténébreux italien d’une trentaine d’années qui a hérité sa gondole de son père. D’abord ennemis, Gianluca et Adeline vont se rapprocher. Pourront-ils trouver un terrain d’entente… et même plus ?

Boire un verre sur les bords d'un canal à Venise
(c) Sterling Lanier

C’est très cliché oui. Mais j’ai trop envie d’écrire un roman qui se passe à Venise alors ça ou autre chose, ma foi… En fait, c’est marrant comme mon imagination est fouettée par à peu près tout dans ma vie, sauf mon boulot. Pour de vrai, j’ai eu un jour l’idée d’écrire un roman parce que j’avais trouvé une chaussette esseulée dans un vestiaire de sport. Une sorte de version moderne et laineuse de Cendrillon. Les seules histoires que m’inspirent mon boulot, ce serait une héroïne qui pète un jour les plombs et se met à insulter tout le monde avant de plaquer sa démission. Ca aussi, c’est très cliché.

Bref, il serait un peu temps de se décider. Mercredi, je fêterai mes 18 ans de carrière. Hors jobs étudiants. Emoji vieille dame. En 18 ans, ai-je eu une seule fois l’impression d’être à ma place ? Je doute. Y a des moments où j’ai kiffé, je ne dis pas. Bon, déjà, quand je tombais dans une chouette équipe. Le boulot peut être nul mais si on le fait dans une bonne ambiance, déjà… J’ai connu ce sentiment de fierté quand je mettais le point final à un gros dossier et que j’étais contente du résultat. Ces moments où je vois la lumière sur un problème. A chaque fois que j’ai appris quelque chose aussi. Oui, mon problème majeur, c’est l’ennui, finalement. Très vite, ça ronronne et je procrastine en imaginant une autre vie. 

Une envie de fuite de son quotidien ennuyeux
(c) Johnny Cohen

Et là, je rentre dans le cercle vicieux du “de toute façon, ça n’ira jamais nulle part”. Je perçois chaque job comme suit : d’abord, il y a l’excitation de l’apprentissage, le plaisir de poser des jalons. Puis petit à petit, on entre dans la routine. Et l’ennui débarque. Pour illustrer ça, parlons reportings. Quand tu entres sur un nouveau client, tu as plein de choses à apprendre et à découvrir. Les premiers reportings sont riches en enseignement, tu peux partager plein de trucs mais… petit à petit, tu commences à tourner en rond. A partir du moment où tu trouves ton rythme de croisière, ça ronronne fort. Du coup, si je n’envisage pas d’épanouissement réel dans un job payé, je l’imagine dans ma vie perso. Je vais écrire plein d’articles sur des sujets qui me passionnent. Le rêve. Sauf que niveau temps, ça coince.

La fuite, elle n’est pas que physique. Ce n’est pas juste “tout plaquer et partir vivre à Venise”. Ou n’importe quelle ville pour laquelle j’ai un coup de coeur. C’est aussi dans ma tête. Ca doit faire environ 18 ans que j’essaie de “voler” un max de temps au boulot pour faire mes trucs persos. Ah oui, c’est sûr que j’ai pas investi une minute de mon temps dans des activités de self branding. J’ai la carrière que j’ai parce que j’ai considéré que grimper les échelons n’avait pas de réel intérêt pour moi. Que ma vie, ma vraie vie, était plus à côté du boulot qu’en plein coeur. Et je reste persuadée que ce sera toujours le cas parce que je m’ennuie trop vite pour pouvoir m’investir plus que ce que je ne fais. Je prétends l’accepter mais je suis toujours dans un mouvement de fuite. Comment me sortir de là ?

Je n’en sais rien. Peut-être que ce réflexe de fuite fait partie de mon ADN. Même si je le trouve très proche de celui de se cacher sous sa couette en attendant que la peur se calme. Typiquement, là, j’ai l’impression d’avoir été prise en flagrant délit de nullité. Ce qui reste très relatif maintenant que je sors de ma boucle émotionnelle sur le sujet. J’ai l’impression que je serai toujours la grosse nullasse de l’équipe et que le plus simple, c’est de recommencer ailleurs. Sauf que cette fuite me ramène in fine toujours au même point. Refaire ses preuves, encore et toujours. D’abord l’enthousiasme puis, très vite, l’ennui. Le tout dans un milieu qui se la pète pas mal alors qu’on ne sait jamais bien ce que l’on fait, finalement. En matière de pub digitale, désolée mais en vrai, la “réussite” tient à trop de facteurs dont un non négligeable : la chance. Tu testes, en permanence. Tu crames de l’argent sans savoir si tu as mis tes oeufs dans le bon panier, sachant que le bon panier d’aujourd’hui n’est pas nécessairement le bon panier de demain. Et tu promets monts et merveilles dans une société où l’argent se concentre de plus en plus entre les mêmes mains. 

Loterie
(c) Dylan Nolte

Bref, plutôt que ce réflexe de fuite permanente, il serait temps de se montrer un peu courageuse. Reprendre mon bilan de compétences mais sans urgence ni angoisse. J’ai un boulot, j’ai un salaire. Tenir jusqu’en octobre avec le voyage en Nouvelle-Zélande. Pas de décisions hâtives d’ici là. Ca n’empêche pas de réfléchir. Peut-être que, moi aussi, je pourrai trouver un job qui ne me donne pas envie de fuir à la première occasion.

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