Nager à contre-courant ou se laisser porter ?

Nager à contre-courant ou se laisser porter ?

Bonjour, cet article ne parle pas de natation en rivière ou dans la mer. Cependant, instant prévention de la meuf qui vit sur la façade atlantique depuis trois ans. Si vous êtes pris dans les baïnes, laissez-vous porter par le courant et reprenez la nage dès que celui-ci se calme. Sinon vous allez vous épuisez pour rien. Et vu le nombre de noyés cet été… Mais ceci n’est pas le sujet du jour, non, non. Aujourd’hui, causons de ce dilemme perpétuel qui est le mien, à savoir cette tendance que j’ai à vouloir aller à contre-courant de ma vie alors que parfois, il serait plus judicieux de se laisser porter. Comme pour les baïnes, donc. Explications.

Une femme flotte dans l'eau, sereine
(c) Haley Phelps

Quand je parle de nager à contre-courant, comprenez que je ne suis pas en train de me prétendre punk ou subversive. De un, j’ai passé l’âge, de deux, la vie m’a appris que plus tu prétends être subversif, moins tu l’es. Quand je parle de contre-courant, je parle du fait de se chamailler avec la vie de façon parfois stérile. De nourrir un mécontentement dont on pourrait ou devrait se passer. Me concernant, il y a effectivement la question du boulot qui ne me va jamais et je me bats un peu contre des moulins à vent à essayer de… je ne sais même pas trop quoi.

Si je devais résumer ma carrière, ce serait peu ou prou : “elle s’est barrée à la première lassitude.” Certains diront que c’est bien de chercher un boulot épanouissant. Mais plot twist : ce sera certainement mon graal inatteignable. Parce que la plupart du temps, je ne comprends pas les dramas du monde du travail. Il y a des bévues qui, moi, me paraissent anecdotiques mais qui, pour certains, sonnent comme si tu avais tué leur père et leur mère après de longues heures de torture. Vraiment souvent, j’ai la sensation que tout est grave pour eux, rien ne l’est pour moi. Peut-être parce que je ne sauve pas des vies, allez savoir. Et vraiment, quand je parle de bévues, je parle de trucs que la plupart des gens ne verront même pas, pas couler une boîte parce qu’on a dépensé 50 000 € à la place de 500 sur une campagne social ads. 

Nager à contre-courant, une femme nage dans une rivière sous la pluie
(c) Vladimir Fedotov

Après, je le confesse, je n’ai jamais été passionnée par mon taf. Quand j’avais des conversations avec les collègues dont certains qui semblaient frétiller des dernières nouveautés annoncées, que ce soit sur Meta ou Google, j’avais la sensation de ne pas faire partie du même monde. Les claquettes en mode “grâce à nous, tu vas doubler tes ventes”, ces “les gens adorent les marques sur les réseaux sociaux” alors que la moitié de tes fans, ce sont des concouristes, bof. La plupart du temps, on ne sait pas ce qu’on fait. Je veux dire quand ça marche, on peut expliquer pourquoi mais quand ça plante, là… Surtout quand tu bosses en agence et que tu n’as la main ni sur le site web, ni sur les prix. “Ah bah oui, on a augmenté les prix de 10%, pas étonnant que ça ne suive pas.” Ah bah ok. 

Je n’ai jamais vraiment cru au marketing digital dans le sens où, à part pour deux ou trois marques un peu djeunz, je ne crois pas que ce soit là où tu feras la différence. Les médias plus traditionnels restent d’énormes mastodontes, il se passe des trucs pas mal en email. Le marketing digital, ce qui fonctionne pas mal, c’est le retargeting mais avec les cookies… Oui, il existe des succès comme le dubaï chocolate mais m’est avis que dans trois mois, tout le monde aura oublié ce truc. Et puis même si t’as le meilleur plan média du monde : si ton produit ne remplit aucun besoin, est abusivement cher sans réelle justification ou que ton site web semble dater de 2005, ce sera la plantade. Plantade qui arrive y compris côté grands groupes qui ont pourtant tous les panels du monde à dispo. 

Un enfant joue dans l'eau, seules ses jambes sont visibles
(c) Jacqueline Brandwayn

Donc j’aimais pas mon taf actuel et je naviguais entre irritation et frustration. De temps en temps, je sortais une complainte à base de carrière ratée parce que j’avais pas pris le bon train. Que j’avais pas bien compris la règle du jeu à la base, bla bla bla. Je crois qu’en vrai, je n’aime pas travailler. Enfin, je n’aime pas le monde du travail. Déjà parce que le fréquenter, c’est réaliser à quel point tu peux être incompétent et une effroyable personne sans risque pour ta carrière si t’as le fric et/ou le nom. Le monde du travail heurte mes valeurs. Alors je me retrouve à nager à contre-courant pour essayer de “hacker le game”, en volant du temps, par exemple. En essayant de trouver le compromis entre mes valeurs et la nécessité de gagner de l’argent.

Alors que, finalement, mon boulot pas ouf avait l’avantage d’être bien payé pour un job alimentaire. Au niveau du travail, j’ai toujours été titillée par l’injonction à “avancer”, “grimper les échelons”. Je me souviens chez Vinyl de ce collègue qui était là depuis 13 ans, au même poste. Mais quel manque d’ambition, ohlala. Alors, certes, en 13 ans, son salaire n’a pas dû grossir énormément mais il avait sa petite routine et ça avait l’air de lui convenir. Peut-être était-il plus en paix avec lui-même que moi qui pensait devoir avoir des ambitions, choper le poste de directrice de je ne sais quoi. Même si je n’avais pas tout à fait tort en soi puisque, à 45 ans, je suis bloquée sur un marché du travail qui me voit comme trop “exé” et préfèrera prendre un “exé” junior ou midde. Moins cher et plus au fait de certaines nouveautés.

Un homme flotte à la surface d'une étendue d'eau extérieure, se laissant porter par le courant
(c) David Boca

Là où je refuse le contre-courant, par contre, c’est dans le fait de continuer à me battre. Je reprends une formation et point. Le marketing digital, j’y suis retournée pour de mauvaises raisons. J’avais peur de ne pas retrouver de taf, grosso modo. Peur qui est bien encouragée par France Travail qui serait d’avis que je fasse une alternance après la formation qu’elle a refusé de me financer. Mon but est désormais simple : formation et trouver un boulot pas trop prenant ni trop pété. Et surtout quitter le monde des agences. Me caler dans une rivière qui m’amène tout doucement vers la retraite. 

Je parle du volet pro parce que c’est la partie de ma vie la moins… enjouée, dirons-nous. Mais il y a d’autres points sur lesquels je m’entête. Comme celui de rêver à une vie où je me lèverais tôt alors qu’on ne va pas se mentir, je carbure bien le soir. En vrai, la société me le permettrait, je me lèverais tôt, je me coucherais tard et je ferai une sieste d’au moins deux heures l’après-midi, vu que je ne suis pas très efficace l’après-midi. Mais voilà, des années à me battre pour être une fille du matin sans réussite parce que… c’est juste pas mon rythme.

Sauter dans l'eau au crépuscule

Bref, parfois, lutter est juste une façon de gaspiller de l’énergie pour rien alors qu’il y a des façons plus simples de gérer. Celle de se laisser porter n’est pas pire qu’une autre. Mais tout ça va nous ouvrir de nouvelles perspectives.

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