Je veux ma bulle de zen !
L’inspiration est une muse capricieuse. Parfois, elle se soustrait à vous, ne vous laissant que votre fatigue pour déprimer. Et puis parfois, au détour d’une balade, elle vous tapote sur l’épaule et vous susurre une idée d’article. Ca prend parfois des formes insoupçonnées, un détail incongru dans votre paysage quotidien qui devient soudain une idée d’article. Comme cette bulle de zen au milieu de la folie urbaine.
Venez vous mettre au calme
L’autre jour, je me promenais. Ma muse inspirationnelle adore quand je vais remuer mes jambes, laissant mon cerveau voguer où il veut. Certains sortent leur chien, moi, je sors mon cerveau, c’est exactement pareil. Il gambade, sans laisse, en plein air et fait tout ce qui lui chante. En rentrant de ma balade, j’avise une terrasse avec une sorte de bulle. Je ne sais pas exactement à quoi elle sert vu que le resto ou bar est fermé mais j’ai de suite imaginé un concept de bulle de zen en mode “venez vous installer là pour avoir du calme”. Sur le coup, j’ai trouvé ça génial. Puis j’ai réalisé que c’était encore une injonction moisie, celle de trouver le calme au milieu de la fureur de nos vies.
J’adore le calme, mais…
Alors comprenez : le calme, moi, j’adore ça. J’aime la paix, la sérénité, le silence. Dans le roman Les Mandibles que j’ai moyen moins aimé, un personnage a une pièce à elle qu’elle appelle “sa pièce au calme”. Et j’avais envie de souscrire à ce concept. Là, par exemple, au moment où je vous parle, il n’y a d’autres bruits dans l’appart que mon mec en train de cuisiner. Et j’écris deux fois plus vite que lorsque la télé est allumée. Du coup, enjoindre les gens à goûter aux joies du calme, forcément, je souscris. Alors pourquoi est-ce que je parle d’une injonction de merde ? Parce que là, encore, c’est à nous de trouver une solution à la folie de notre société, une parade au rythme effréné qu’on nous impose.
Débrouille-toi pour gérer l’absurdité de notre société
C’est toujours la même histoire. Bien que nous possédions une foule d’objets, nous aspirons à autre chose. Avoir n’est pas être et mine de rien, pour posséder, aujourd’hui, faut en avaler des couleuvres. Je suis une ennemie du travail tel qu’on nous le propose aujourd’hui, rempli d’humiliations, de burn-out et de souffrance. J’en suis au point où je considère que les supers enthousiastes du taf qui ne comptent pas leurs heures et en sont très fiers sont dans le déni. Et je sais de quoi je parle, j’en ai été. On est dans l’ère de l’absurdité la plus totale. Entre les bullshit jobs, le fait que des gens crèvent parce qu’on refuse de confiner et donc de mettre tout le monde en télétravail… Franchement, on vit dans un état de stress permanent et, pire, injustifié. Comme si nous étions condamnés à trimer, génération après génération.
Obsédée par la quête du zen
Et le développement personnel et toute sa suite vient en surcouche de tout ça pour nous enjoindre à créer nos bulles. Ce que je fais, hein. Je vais marcher dès que je peux, je m’écoute parfois des sons de pluie en forêt pour me concentrer, je fais des exercices de respiration, j’ai fait du yoga, de la sophro. J’ai été obsédée par la notion de paix de mon esprit au-delà du raisonnable. Parce que j’ai lu/vu des tas de témoignages expliquant que c’était la seule façon de gérer alors je l’ai cru. Médite, tu verras, ça t’apaisera.
Société maltraitante
Sauf qu’on prendrait pas un peu le problème à l’envers ? Le souci, c’est pas tant qu’on ne sait pas gérer notre environnement stressant. Le souci, c’est qu’on est maltraité en permanence par l’absurdité de la société. J’ai des fois mal au ventre d’avoir fait une connerie au taf alors que mes “conneries” n’ont aucune conséquence. Je n’ai tué personne et si plaie d’argent il y a, ce n’est pas ce qui fera couler une boîte, jamais. Je suis un petit rouage. Indispensable jusqu’à ce qu’on décide que je ne le suis plus. Alors, la méditation, le calme, les bruits de pluie en forêt, c’est très chouette et faisons ça si ça nous plaît. Mais arrêtons de croire qu’il existe une solution simple à l’absurdité de notre époque. Parce que si on échoue à s’apaiser, ça va repartir pour de l’autoflagellation et, vraiment, personne n’a besoin de ça. Ne vous trompez pas : l’ennemi, ce n’est pas vous !