Joggers : qui sont-ils, quels sont leurs réseaux ?
Bonjour, ceci est un article léger du 15 août. Aujourd’hui, j’ai envie d’un peu de sarcasme et de faire de la sociologie de comptoir. Normalement, je fais ça sur mon blog Citizen mais vu qu’on parle sport, ça a un peu sa place ici. Surtout que si les rageux m’accusent d’être jalouse, ils n’auront peut-être pas tout à fait tort. Car si les joggers sont souvent ma Némésis vu qu’ils considèrent les pistes cyclables comme leur piste d’entraînement, j’envie quelque peu leur addiction.
Courir même un jour de tempête
Octobre ou novembre 2024. Grosse tempête annoncée à Bordeaux. D’abord annoncée vers 20h, elle tombe dès 18h. Super, pile à la sortie du boulot. Je récupère ma monture et commence à pédaler sous une pluie battante. Craignant de grosses rafales, je décide de traverser le pont de Pierre pour suivre le tram et le prendre si le déplacement en vélo devient dangereux. C’est parti pour la traversée du pont. Pour les non-Bordelais, je précise que ce pont a un dénivelé très faible donc l’emprunter représente un effort physique léger. Sauf que là, il pleut. Malgré mon casque à visière, j’en prends plein la figure. Je ne vois rien, je m’essouffle et je m’interroge. Vais-je mourir noyée sur ce pont ? Imaginez la mort nulle quand même. Bref, alors que l’eau de pluie m’offre un nettoyage nasal que je n’avais pas sollicité, j’aperçois deux joggers sur la partie piétonne et j’en entends distinctement un qui dit “ah, tu vois, on a bien fait de venir, y a personne !”. Oui parce que c’est la tempête et que t’es censé rester chez toi ?
Ni le froid ni la pluie ne les arrêtera
Janvier 2025. Il fait un froid terrible. Et revoilà la pluie. Je râle intérieurement en récupérant mon vélo car je sens que le trajet retour ne va pas être des plus agréables. Mais au moins, me dis-je, je n’aurai pas de joggers sur le trajet. Et bien devinez quoi ? J’avais tort. Ce n’était certes pas la foule des grands jours mais il y en avait. Question : pourquoi ? Il pleut, il fait froid, il fait nuit. Reste chez toi ?
Je n’ai jamais aimé courir
Alors certes, je dois avouer que je déteste courir. Je pense qu’à ce stade de l’article, ça m’étonne personne. Je pense que je n’ai jamais su courir correctement pour commencer puisque je suis essoufflée au bout de quelques mètres. Rien que de penser à courir, mes jambes se coupent et flageolent. De penser à courir, j’ai l’impression de peser dix tonnes, que mon corps n’est que pierre. Il m’arrive souvent de me dire que je devrais me mettre au jogging. Par goût du défi essentiellement. Pour me prouver que je peux. Et arrêter d’angoisser quand je regarde un film où un personnage doit courir vite et longtemps pour échapper à une menace. Moi, à chaque fois, je me dis que je tiendrais pas et réfléchis vite à une stratégie de cachette.
L’aquagym, c’est sympa mais en ferais-je sous la pluie ?
Et puis j’aimerais comprendre cette addiction. J’ai écrit un article où je parlais du fait que je devenais accro à l’aquagym mais :
- Je ne cherche pas à en faire en vacances et je ne crois pas que j’en ferais dans des conditions climatiques dégradées.
- Je ne sais toujours pas si je suis accro à l’activité sportive en elle-même ou juste à l’immersion.
Donc ça reste une énigme pour moi, cette volonté de courir par n’importe quel temps. Ce côté “oh, il pleut et il fait 3°? Pas de soucis, courir, ça réchauffe.” J’ai eu un collègue qui m’expliquait aussi se lever à 4 ou 5h du matin pour aller courir en forêt avant d’aller bosser. Petit point privilège masculin. Déjà qu’une femme qui y court en journée, ça devient dangereux… Mais t’as encore des gens pour dire qu’elle l’a bien cherché. Djizeus…
La grande famille des joggers
Après, je trouve qu’il y a un côté un peu snob à entrer dans la grande famille des joggers. Dans mon entourage, j’ai relativement peu de personnes qui courent mais ça vire souvent au cinoche. Déjà, les personnes qui partagent leurs perfs sur Strava. Strava, la réponse à “quels sont leurs réseaux”. Pourquoi, sincèrement ? Je peux comprendre qu’en début de pratique, on soit content d’avoir progressé. Qu’on apprécie de récupérer des stats. J’ai longtemps été très attentive au nombre de pas que je faisais par jour. Tout ça, je saisis. Mais le fait de partager ça sur les réseaux, là… Les résultats de courses, oui, Ok. Surtout si une course paraissait être un défi insurmontable. Mais son petit footing dans son quartier… A moins d’avoir un crush dans ton quartier et que tu espères qu’il regarde ton parcours type pour faire le même et t’invite à boire un verre après la séance de running. Mais c’est très spécifique comme cas, quand même. Par contre, je dois caler ça dans mon projet Audrey parce que je trouve ça assez cute.
Je comprends le côté défouloir
Il y a vraiment cette appartenance à un clan assez folle. Je pense que c’est vraiment le sport qui génère le plus de publications sur les réseaux. Mon Strava, ma course une telle, mon marathon, mon semi-marathon… Y a que sur LinkedIn que c’est devancé par le padel, le sport que tu pratiques pour développer ton réseau. Je déteste LinkedIn. Il y a vraiment un culte de la course qui me fascine, essentiellement parce qu’elle m’est inconnue. J’en connais les sensations car j’ai lu un paquet de roman avec des joggers, tout le délire sur l’acide lactique. J’en connais les bienfaits car des joggers de ma connaissance m’en ont parlé. Ah, le plaisir de se défouler. Claire, mon ancienne cheffe chez Epicea, s’était mise au jogging lors du confinement. Comme beaucoup, il me semble. Pourquoi ? Parce que sinon “j’allais péter les plombs”.
Par pur goût de la performance
Une fois encore, je comprends l’aspect défouloir du sport. Mais que ça devienne une drogue au point que ça devienne inconfortable… Je veux dire aller courir sur les trottoirs, pendant une tempête ? Pendant la canicule au risque de faire un malaise ? Courir en été sur le Pont de Pierre en travaux alors qu’on arrive à peine à marcher tant il y a du monde ? Peut-être que mon incompréhension est là : pour moi, le sport, c’est du plaisir avant tout. Je pratique des activités sportives qui me défoulent mais aussi participent à ma bonne humeur. Par exemple, marcher. Marcher sur l’île de la Jatte ou de Puteaux quand je bossais dans le coin : Oui. Le long du Canal de l’Ourcq ou au coeur du jardin public à Bordeaux, oui. Par contre dans les zones indus de mes deux derniers tafs, franchement, non. Surtout la dernière où le trottoir faisait office de parking et donc de déplacer signifiait se mettre en danger. Le respect des usagers les plus fragiles, toujours au top. Je cherche du plaisir là où certains joggers ont l’air de chercher la performance. Courir dans des endroits nuls tant qu’on peut courir. Ou montrer que l’on court. Courir en noir et sans lumière la nuit sur les pistes cyclables par défi ! Alors que moi, à la limite, je pourrais être tentée d’aller courir en forêt mais vu comment ça finit pour les joggeuses, ma foi…
Un jour, peut-être…
Bref, parfois, j’ai envie de me lancer. Je veux dire, ayant un tempérament “addict”, celle-ci me paraît moins pire qu’une autre. Mais bon, vu mon planning de la rentrée et vu que courir la nuit, quand on est une femme… je n’aurai pas le temps. Et le tapis de course, ça me fait peur…