Au fond, c’était un mal pour un bien

Au fond, c’était un mal pour un bien

La phrase qu’on m’a le plus dite quand j’ai annoncé au monde que j’allais me retrouver au chômage. Est-ce que c’était vrai ? Oui. Est-ce que ça met en place des croyances qui peuvent être parfois problématiques car elles font croire que les choses arrivent pour une raison positive alors que… pas forcément. Aujourd’hui, j’ai envie de me pencher sur ce “au fond, c’était un mal pour un bien”. Parce que c’était vrai, mais… Il y a des moments où le mal reste le mal.

Un mal pour une bien, une petite balance sur un parquet coloré
(c) Elena Mozhvilo

On aime à croire que, dans la vie, rien ne se passe jamais sans raison. Que tout fait partie d’un grand plan. Moi-même, j’aime croire ça.  Parce que ça lisse l’absurde de la vie. Comme toute croyance, finalement. On refuse de croire que les choses arrivent sans raison, surtout les choses négatives. On considère qu’on ne mérite pas de souffrir. Ce qui est vrai. A part quelques horribles personnes, personne ne mérite le pire. On a tout un tas de croyances nous permettant de gérer le pire. Soit une religion quelconque avec un Dieu qui décide chaque péripétie de la vie de tout le monde. Soit une trouzaine de dictons donc le famoso “c’était un mal pour un bien”, “ce qui ne me tue pas me rend plus fort”, “je n’échoue pas, j’apprends”. Ou n’importe quel mantra posté sur LinkedIn par des mecs qui font du narratif sur leurs échecs.

Cette année, il m’est arrivé deux trucs horribles, assez difficile à gérer. D’abord ma rupture “conventionnelle”. Et là, sorti du sentiment d’échec saupoudré d’humiliation, je suis obligée d’admettre que c’est vrai. C’est un mal pour un bien. Je détestais cette boîte, je détestais ce job mais je me trouvais des raisons de faire durer. C’est mieux pour le CV. C’est mieux d’attendre qu’on aille en Nouvelle-Zélande. Et puis il y avait ce sentiment de ne plus valoir grand chose non plus. Je me sentais mal perçue par de nouveaux collègues, l’impression de ne plus être à la hauteur. Et revenait là-dessus le fait que j’avais raté ma reconversion. J’avais voulu fuir le marketing digital et les boîtes toxiques, je me retrouvais dans une boîte toxique à faire du marketing digital.

Bureau avec une affiche "Get shit done"
(c) Minh Pham

Donc je peux jouer la victime autant que je veux, le scénario n’est pas si mal. La vie m’a offert l’occasion de me sortir de cette boîte avec un chèque sympa et l’occasion de retenter sérieusement la piste data analyste. Et si je fais le bilan à l’instant T, cette formation me fait un bien fou. Je réalise que je vaux la peine, en tant que personne. Je percute des choses, je me sens dégourdie, bien câblée mentalement. Vraiment, un jacuzzi mental. Celle que je suis aujourd’hui me paraît tellement au-dessus de celle que j’étais en début d’année, quand je sombrais. 

Mais il y a aussi eu la mort de mon chat. Ma fidèle compagne depuis 21 ans. Un deuil n’a pas le pendant “bien” au mal. Il n’y a aucune consolation. Juste un chagrin à apaiser, une absence à accepter. Le temps fait son oeuvre mais quand un être cher à notre coeur s’en va, il ne peut pas y avoir de “bien”. Et encore, comprenez que je sais que je suis chanceuse d’avoir vécu quasi 21 ans avec mon chat. Je sais que les félins ne vivent normalement pas si longtemps et elle a eu une belle vie. Et depuis que Kenya n’est plus là, j’ai de meilleures relations avec Grocha, elle accepte mes câlins. Ce n’est pas un “bien” qui supprime le chagrin, c’est néanmoins du baume au coeur. Parce que la vie n’est pas un film où tout se termine toujours bien.

Grochat veut des câlins

Et c’est ok. Ce n’est pas facile d’admettre que la vie n’a pas de sens. Les choses n’arrivent pas pour de bonnes raisons. Elles arrivent et c’est tout. Il n’y a pas de justice, il n’y a pas de logique. Des gens biens se font renvoyer, perdent des êtres aimés. Des gens moins biens aussi. Evidemment qu’en tant que centre de notre propre univers, on a du mal à admettre que les choses arrivent sans raison. Mais souvent, elles arrivent indépendamment de nous. Je ne me suis pas fait virer parce que quelqu’un m’en voudrait. Ce n’est pas dirigé contre moi. C’est un ensemble d’événements qui fait qu’à un moment, je me suis retrouvée sur une des lignes excel à supprimer. Encore, oui. C’est dur à admettre que ça m’arrive encore mais hé, y a une crise économique qui est en train de bien s’installer, je ne serai pas la seule à me faire débarquer. Et tout le monde n’aura pas la chance de se dire “c’est un mal pour un bien.”

Bref, je kiffe ma formation et, oui, dans ce cas, ce fut un mal pour un bien. Mais surtout la conséquence de mon parcours de ces dernières années, bilan de compétences inclus. Pas d’intervention divine ou plan de “La vie”.

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