Un petit jacuzzi du cerveau ?
C’est le mois de mai, le mois où on peut connaître des lundis au soleil, des ponts en pagaille. Le mois où on se demande pourquoi on accepte de bosser cinq jours par semaine alors que la vie est beaucoup plus belle en 4 et 3. Voire en 3 et 4 mais on ne va pas trop brusquer les patrons. Déjà qu’ils veulent abandonner le télétravail…Bref, on est dans un mois un peu plus détente, un peu moins consacré à notre esclavagisme moderne. Donc parlons de choses légères comme le jacuzzi du cerveau. A savoir comment “ne pas se prendre la tête”.
Epuisés par les pensées intrusives
C’est souvent un Saint-Graal de nos sociétés modernes, ça. Lâcher prise, se vider la tête… Ne plus penser. Moi parfois, je rêve d’avoir une télécommande pour mettre en pause mes pensées, mes émotions. Surtout en période de forte tension comme ce que je vis actuellement. Je voulais que l’année 2025 soit l’année du lâcher prise, ce sera celle de la bagarre et de l’envie de me retirer du monde. D’ailleurs, ce serait assez cool que ma télécommande puisse faire avance rapide pour me permettre de ne pas vivre les prochaines semaines. Bref, on est tous débordés mentalement, assaillis par des tracas, des dossiers non terminés, des angoisses du quotidien… Les pensées intrusives se glissent dans la moindre faille, ça nous épuise. Et ça, j’ai l’impression que c’est devenu universel.
Taisez-vous, les voix
Alors face à cette marée noire de pensées néfastes, on veut un jacuzzi de cerveau. Le jacuzzi de cerveau, c’est une activité un peu anodine qui nous occupe suffisamment pour faire taire les vilaines voix dans notre tête. Et plus c’est con, plus on y court. Je me souviens d’une émission de télé où, sur le plateau, se trouvaient Alexandre Astier et une dame qui participait à une télé-réalité. La dame défendait son business en mode “oh mais ça va, c’est inoffensif ce qu’on fait. C’est pas prise de tête”. Ce à quoi Astier répondait qu’on pouvait ne pas se prendre la tête tout en matant des trucs un peu réfléchis quand même. Je ne suis pas toujours d’accord avec Astier, essentiellement dans son mépris des gens qui ne pensent pas comme lui. Mais là, il touchait juste.
Obsédée par les mini-jeux
J’ai un jacuzzi de cerveau terrible : les jeux. Si j’additionne le temps passé sur yahoo! jeux, à l’époque, puis candy crush, les escape games en ligne, les intergrammes, etc., ça doit atteindre un ou deux ans. Un ou deux ans de ma vie à résoudre des petits puzzles. Ca ne m’apporte rien mais dès que je suis en période un peu tendue, je tombe dedans à pieds joints. Et vraiment, j’ai une vision précise de moi jouant à ces trucs, yeux écarquillés, pupilles dilatées, teint un peu pâlot. Drooooogue. Alors ces petits jeux sont précisément conçus pour ça. Des sortes d’interludes entre deux pubs Temu ou pour d’autres mini-jeux qui te diffuseront de la pub pour Temu ou d’autres mini-jeux. J’ai d’ailleurs une théorie qui dit que certains mini-jeux sont infaisables sans cliquer sur “un extra bonus en regardant une pub”.
S’occuper le cerveau, c’est forcément choisir un truc idiot ?
Je ne me flagelle plus sur ça. Déjà parce que, quand je joue, mon imagination gambade et ça peut m’aider pour mes différentes histoires. Mais surtout il y a des moments où j’ai un tel brouhaha mental que je ne peux juste pas écrire ou faire des trucs un tant soi peu réfléchi. Cependant, si on peut s’admettre quelques pauses mini-jeu ou regarder un programme léger, est-ce qu’on ne se trompe pas sur le médicament. Je veux dire faire un sudoku aux toilettes ou dans la salle d’attente du médecin, c’est ok. On n’est pas toujours obligé de chercher une occupation hautement intellectuelle. Même si je ne vais jamais aux WC ou en salle d’attente sans avoir de quoi lire ou écrire. Mon téléphone, quoi. Cependant, est-ce qu’il faut forcément tomber dans l’idiot ? Faut-il s’abrutir pour se détendre ?
Oui, je suis trop fatiguée pour réfléchir
C’est une vraie question, empreinte certainement d’un certain mépris de classe. Je ne sais pas. Tous, autant que nous sommes, nous avons besoin de nous détendre. Surtout après une dure journée. D’ailleurs, je me demande dans quelle mesure le développement des séries et émissions de divertissement est corrélé à celui des métiers du tertiaire. Ce qui fait réfléchir nous révulse, nous effraie. Ah non, je vais pas regarder un documentaire sur une guerre, des massacres de population, des preuves que l’Humain se la joue “être évolué” alors que c’est le seul animal qui tue ses congénères en masse, parfois un peu gratos. Seule espèce aussi à tuer ses femelles. On est au top. Effectivement, ce genre d’émission a tout pour accroître mon anxiété qui n’avait pas besoin de ça.
Prenons une journée nulle
Mais peut-être avons-nous tout faux. Là, je vais partir en freestyle option “mon doigt mouillé a dit que”, ok. Prenons une journée lambda. Une journée de type peu satisfaisante, j’entends. Je me lève, je bouscule potentiellement un chat. Pipi puis petit dej avec mon adoré. Travail. Mettons une journée de travail un peu chiante. De ces journées un peu gluantes où le temps passe lentement, vous n’arrivez pas trop à vous y mettre. Vous prenez un peu de retard et tombe une contrariété. Un truc qui marche pas, un mail peu sympa, un dossier imprévu. Bref, fin de journée, vous rentrez chez vous un peu chiffon, pas bien satisfait de vous, de votre vie. Vous vous posez devant votre télé, sur votre canap. Là, la tentation est grande de se jeter dans un jacuzzi de cerveau et d’y mijoter jusqu’à l’heure du coucher.
Et si on sauvait un peu la journée
Sauf qu’est-ce qu’il ne manque pas une touche d’un truc, ici ? Des soirées passées sur le canapé en jouant à un jeu quelconque en regardant vaguement une série, c’est mon quotidien, hein. Je vais pas jeter la pierre à qui que ce soit. Mais. Maaaaais. Ces journées-là, les vélo-boulot-domino-dodo, elles m’apportent quoi ? De la rancoeur et de la frustration. Alors, certes, il y a des jours où j’ai pas le courage d’écrire. Voire les compétences. Tiens, article pour Raconte-moi des histoires, ça. Mais ça ne m’empêche pas de regarder un truc intéressant, par exemple. Pas forcément me nourrir exclusivement de documentaires sur la guerre. Là, ok, je sors de ma routine nulle mais si c’est pour me jeter par la fenêtre, bon… Ce qui sera en plus ridicule vu que je vis au rez-de-chaussée. Mais je peux m’offrir un série ou un film bien écrit. Ou un documentaire sur une série qui m’intéresse voire un stream Twitch ou une émission de vidéastes que j’aime bien. On re-cite Astier “on peut apprendre des trucs sans se prendre la tête”.
Des moments de mou moins déprimants
Et même, je peux troquer mes moments de mou par autre chose. Au lieu de jouer bêtement sur mon téléphone en soupirant à la nouvelle pub Temu… Que je zappe, hein. Je quitte l’appli, je relance, merci, au revoir. Mais j’ai des tas de trucs qui pourraient tout autant me distraire. Du Powerpoint art, des bracelets brésiliens, de la peinture à numéro. Finir de démanteler mon vieux blog des vingtenaires et le laisser disparaître dans les limbes. Ca ne prend pas plus la tête mais au moins, ça me donne l’impression d’avoir fait un truc. Après, mon hypnothérapeute m’a dit qu’une petite grille de sudoku, c’était une bonne arme contre la crise d’angoisse. A l’époque où j’avais fait de la sophrologie, y avait cette idée aussi d’occuper ton cerveau à autre chose. Genre compter sa respiration : inspire sur quatre, souffle sur six. Ca doit à peu près le même mécanisme pour la cohérence cardiaque. Exercice recommandé par ma généraliste pour calmer ma forte angoisse du moment.
Allez, va jouer dans ton coin, cerveau
Finalement, cette histoire de jacuzzi de cerveau, c’est toujours la même idée. Donner des petits cubes à nos cerveaux pour qu’ils jouent avec et oublient le stress, les pensées intrusives. Les mini-jeux et applications sont, à priori, conçues pour booster la dopamine, le système de récompense. Je dis à priori car y a eu beaucoup de contenus là-dessus, notamment par les coachs de vie qui adorent fustiger les gens qui traînent sur leur canapé et ont des trucs à vendre donc… Mais peut-être existe-t-il d’autres activités qui occupent suffisamment le cerveau pour éviter toute pensée intrusive sans pour autant trop en demander.
Le meilleur choix pour notre humeur
Toujours est-il que, même claqués, on peut toujours faire le choix de ne pas regarder des programmes télés avilissants, surfant sur le racisme et/ou l’humour oppressif. Moi aussi, je suis claquée, c’est pas pour autant que je vais lancer Hanouna ou un de ses avatars. Parce que se détendre, ce n’est pas s’abrutir. Il y a une voie qui détend le cerveau sans le remplir de conneries. Et tant que j’y suis: non, l’alcool n’est pas un bon jacuzzi de cerveau non plus.