A mon amie de 21 ans, partie au Paradis des chats
J’aurais souhaité ne jamais écrire ces mots. A force de dire que tu étais increvable et que tu nous enterrerais tous, on a fini par y croire un peu. Au début de l’été, je me félicitais encore de ces périodes estivales en extérieur qu’on pouvait t’offrir depuis que l’on vivait à Bordeaux. Le quatrième été de notre vie ici. Celui où tu es partie.

Je ne parlerai pas de ton départ, si soudain. Ca peut paraître bizarre de parler d’un départ soudain quand on parle d’un chat de quasi 21 ans. En âge humain, ça fait pile 100 ans. Evidemment que tu avais un peu perdu de ta superbe. Et tes dents, ton audition. Ah, la paire de sourdes que nous étions. Mais tu restais vaillante, continuant tes petits tours dans le quartier, allant quémander à manger chez les voisins du rez-de-chaussée. Certains de nos voisins t’ont connue plus toi que moi, d’ailleurs. Parce que c’était toi, ça. Avec ta petite frimousse d’éternelle chatonne et ta petite voix de flûte, personne ne te refusait rien. Tu te pointais chez des gens pour dormir sur le dossier de leur canapé et chiper les croquettes de leur chat. Chat que tu avais en plus l’audace de souffler.
Il y a presque 21 ans, tu es rentrée dans ma vie. Lors de notre premier contact, je ne savais pas encore que ce serait toi. Tu étais née dans le garage de cette maison habitée par ma soeur, son meilleur ami et deux autres colocs. Un soir que je ramenais ma soeur, elle alla dans sa chambre et pesta “Yohann, ta chatte a déposé un chaton dans ma chambre !”. Alors que ma soeur rapportait cette minuscule chose endormie, je demandais timidement si je pouvais un peu la câliner. C’était toi. Minuscule, tu tenais dans la paume de ma main pourtant pas grande. Je t’avais câlinée, le coeur rempli de cet amour pur que les Humains ont pour les animaux mignons. Un ou deux mois plus tard, il fut décidé que tu viendrais vivre avec moi. Quand je te récupérais, tu étais si petite. La seule femelle d’une portée de six, tu n’avais plus accès aux mamelles nourricières et le meilleur ami de ma soeur te nourrissait au biberon. Résultat : un mini-chat. Mais très vite, je découvrais ton maxi caractère.

A peine arrivée chez moi, tu m’as expliqué tes habitudes. De un, tu ne respectes rien et avoir un chaton dans un appart aux murs à la tapisserie moquette était l’une des pires idées du monde. Car tu étais la reine du Parkour. Toujours à courir et grimper dans tous les sens. Et puis, il y avait ton amour. Je ne sais pas laquelle a adopté l’autre, finalement. Mais quand j’étais là, tu trouvais toujours un spot juste à côté de moi. Sur ou sous mon bureau et puis, rapidement, sur moi. Tu m’avais élue bouillotte officielle, le meilleur spot pour dormir. Combien de textes j’ai écrit avec toi solidement vissée à mon bras gauche, pattes du bas sur l’avant-bras, pattes de devant sur mes épaules. Je soupçonne que ce n’était pas plus confortable pour toi que pour moi mais dès que je m’agitais pour te poser par terre, tu te mettais à ronronner.
On en a vécu des choses, toi et moi. Des déménagements, déjà. Je t’ai eue à Toulouse, tu m’as suivie à Paris. Un appart, deux apparts puis le troisième avec un autre gars et surtout un autre chat. Un peu copine mais pas trop. Chacune son territoire et les moutons seront bien gardés. Puis le dernier voyage pour Bordeaux qui te permettait de retrouver l’extérieur dont tu profitais quand je t’emmenais en vacances avec moi chez mes parents. L’extérieur, tu as toujours aimé ça. Comme moi, tu goûtais avec bonheur la petite brise douce et caressante.

Tu en as rencontré aussi. A une époque où je croyais qu’il valait mieux bouger un chat que le laisser seul quelques jours sur son territoire. Tu as squatté chez quasi tous mes amis parisiens. Je t’ai même confié, parfois, à des mecs fréquentés éphémèrement. Parce que tout le monde te voulait. Tu étais douce, gentille, pas avare en câlins. A une époque, quand tu avais squatté quelques temps chez mes parents pendant que je m’installais à Paris, ma mère avait partagé à mon père son avis d’avoir à nouveau un chat. Ce à quoi il avait répondu “mais on ne trouvera jamais un petit chat aussi mignon que Kenya”.
Même si tu étais reloue, parfois. C’était un de trois milles surnoms, ça, reloue. Parce que tu venais toujours me coller quoi que je fasse. Dans mes pattes quand je cuisine, sur moi quand je travaille. Tu as été la star de pas mal de réunions, d’ailleurs. Je râlais mais tu sais la vérité, toi. A la première occasion, je plongeais mon nez dans ta fourrure et je soupirais d’aise, sentant son odeur fraîche d’automne ou celle, chaude, du soleil. J’ai des souvenirs où, toi nichée dans mon cou à diffuser ta chaleur, tu m’entraînais peu à peu dans de petites siestes clandestines. Dans ces moments-là, j’étais parfaitement sereine et apaisée. D’ailleurs, quand j’ai commencé mon hypnothérapie, l’hypno t’a identifiée comme ressource. Car tu en as essuyé, de mes larmes, perdues dans ta fourrure. Des larmes à cause de boulots perdus, de coeur brisé ou d’une grand-mère partie. Dans mes périodes les plus noires, tu étais une bougie, toujours allumée pour mettre de ta chaleur.

Le vide est immense. J’ai regardé une vidéo d’Arte qui parlait de l’amour incommensurable que l’on ressent pour les animaux et ça résonnait tellement fort dans mes tripes et mon coeur. On s’aimait plus que tout d’un amour gratuit. Oui, j’étais la dame aux croquettes et aussi cette super bouillotte qui ne refroidit pas mais ton amour était sincère. Comme lors de nos au revoirs où, à bout de force, tu as rampé jusqu’à nous pour venir trouver du réconfort. Je n’arrive plus à regarder la terrasse, ton territoire d’été. On fait attention à garder le rituel du Creamy à 21h pour ta coloc qui s’en fout un peu, des rituels. Elle, elle n’attend pas ce moment comme le meilleur de la journée.
Tu es partie et mon coeur a explosé en mille morceaux. Il se réparera avec le temps mais il restera un trou, ce bout que tu as pris avec toi et qui ne se comblera jamais. Même si, le temps faisant son oeuvre, je penserai à toi plus avec tendresse qu’avec tristesse. Je t’aimais de tout mon coeur et tu me le rendais bien. Jamais je ne retrouverai un aussi formidable petit chat, plein de petites manies et d’habitudes, plus têtu qu’une mule. Une force de la nature toute maigre mais d’une vitalité incroyable. Qui courait encore après sa pote qui n’en demandait pas tant il y a à peine trois ans.

Au revoir ma tête de pioche, ma mémouche, mon bébé chat, ma saucisse suprême, ma petite flûte, ma reloue, ma grout-grout, ma crocrotte insupportable, mon monstrou, ma farfouille… et encore mille surnoms inspirés d’un bruit ou d’une tête que tu faisais ou juste de ces syllabes un peu bêtes qu’on sort pour appeler un être aimé. Tu seras avec moi pour toujours. Dans mon coeur, bientôt sur ma peau. Je t’aimerai toujours.
5 Replies to “A mon amie de 21 ans, partie au Paradis des chats”
Toutes mes condoléances <3
Je suis passée par là il y a un peu plus de 6 mois, et je t'envoie tout mon soutien pour supporter cette peine immense et le vide qu'elle a laissé, après une longue vie incroyable et pleine d'amour.
Merci pour ton message. J’ai la chance, dans mon malheur, d’avoir un autre chat donc le vide est atténué mais clairement, je suis encore très triste et je vais avoir besoin de temps pour ne pas me mettre à pleurer de façon aléatoire. Mais elle, au moins, elle a eu une douce vie et n’a pas souffert. C’est le plus important