The art of the brick ou l’éternelle insatisfaction
Ou comment je vais vous parler d’une expo, The art of the brick et de la réflexion qui en a découlé. Samedi, Porte de Versailles. Entre deux gouttes de pluie, Anaïs et moi empruntons l’incroyablement lent tapis roulant du Parc des Expositions pour nous rendre à l’exposition The art of the brick de Nathan Sawaya. Il faut savoir que j’ai pas tout à fait guéri ma nostalgie de l’enfance et que tout ce qui est “un jouet détourné pour faire de l’art” me fait pétiller les yeux. C’est donc avec plaisir et impatience que je vais voir cette expo.

Une expo anodine au premier abord…
Alors je vais pas tout vous raconter mais globalement, je l’ai trouvée très intéressante et pas vraiment faite pour les enfants, en fait. Au départ, on découvre des objets du quotidien réalisés en Lego par l’artiste. Genre ce superbe violoncelle :

Du travail d’ingénierie à la représentation de la psyché de l’auteur
L’oeuvre nous est présentée comme un travail d’ingénierie. Remettre à échelle, gérer le poids des éléments pour éviter qu’ils ne s’effondrent… Mais au fur et à mesure que l’on avance dans l’expo, on découvre certaines œuvres un peu torturées. Un personnage brisé “c’est comme ça que je me sens tous les matins”. Un autre qui pleure un enfant dans ses bras. Une sorte d’autoportrait avec une case en moins… Bref, après les objets du quotidien et une section dédiée à la reproduction d’oeuvres d’arts, très réussi même si ça ne doit pas forcément parler aux enfants, on rentre un peu dans la section psyché torturée de l’artiste. Intéressant. Mais du coup, je finis par me poser quelques questions…

L’histoire d’un mec qui a tout plaqué
En intro de l’exposition, on voit Nathan Sawaya, tout sourire, expliquant qu’il a plaqué son métier d’avocat dans lequel il n’était pas heureux pour devenir artiste Lego. Il a la chance de faire ce qu’il aime. Oui, Nathan, c’est ultra cool. Tu as eu des balls, mec, je t’admire pour ça. Tu pourrais même devenir mon modèle…

Même en réalisant ton rêve, tu n’es pas heureux ?
Mais tu n’es pas heureux, in fine ? Tu te sens toujours frustré, incomplet, perdu parfois. Alors je me doute bien que même quand tu fais un métier que tu adores du plus profond de ton coeur, que tu as réussi à devenir cellui que tu voulais être, tous les matins ne sont pas forcément chantants pour autant. Mais là, en sortant, je lâche à Anaïs un “Ah, en fait, il est complètement dépressif”. “Complètement !”.

Faire ce que l’on veut ne suffit pas ?
Est-on condamné à ne jamais être satisfaits ? Soigner une frustration en réveille-t-elle une autre ? Je ne connais pas bien la vie de Sawaya à part son histoire d’avocat qui a tout plaqué pour devenir artiste Lego. Il a une compagne qui semble bien charmante pour les représentations que l’on a d’elles. Les oeuvres la concernant sont les plus gaies, d’ailleurs. Sur le papier, ça sonne donc plutôt pas mal alors pourquoi tant de frustration ? Si un mec qui a réussi à faire exactement ce qu’il aime se voit comme un Lego fêlé ou rêve de s’arracher la tête pour secouer le bordel dedans avant de la reposer vidée sur son cou*, est-ce que ça veut dire qu’on peut arrêter de courir pour atteindre un rêve qu’on atteindra in fine jamais ?

Le vide de nos objectifs atteints
En fait, dans le cas de Nathan, entre autre, la question ne me paraît pas être tellement celle ci mais plus : la vie a-t-elle encore un sens quand on arrête de courir après le lièvre ? Nathan n’était pas heureux dans sa vie d’avocat donc il a choisi une autre voie… et réussi. Et maintenant quoi ? Continuer à créer, oui, mais après ? Sommes-nous naturellement programmés à courir après des projets, encore et encore ? Ou est-ce la société qui nous exhorte tellement à nous sortir les doigts du cul pour réaliser nos rêves et entreprendre qu’on se sent vide une fois nos objectifs atteints ?

Peut-être que je vais chercher trop loin…
Est-ce que je me prendrais pas un peu trop la tête sur une expo Lego ? Ah oui, ça, c’est fort possible. Mais je n’ai pas les réponses à mes questions précédentes et j’avoue qu’en ce moment, ça me rend un peu dingue.
* Ca me fait fantasmer ça, j’aimerais tant en faire tant.