Toi aussi, tu es capable
Le développement personnel se base grosso modo sur un seul mantra “qui veut, peut”. Ce qui est plutôt faux. Je veux dire parfois, on essaie de toutes nos forces mais on n’y arrive pas. Parfois, la vie ne nous aide pas non plus. On n’a pas toujours l’énergie qu’il faut. C’est OK, il faut l’accepter. Par contre, il ne faut pas tomber dans l’excès inverse, partir du principe qu’on échouera forcément. Parfois, on se révèle plus capable qu’on ne le pense.
La peur de me mettre à courir
Reprenons ma nouvelle légende personnelle : je vais tester le jogging. Alors que je déteste courir pour une raison essentielle : je ne sais pas faire. Je ne sais pas doser mon effort, je ne sais pas respirer. J’ai l’impression que je m’écrase sur le sol à chaque impact. Et je suis trauma des cours d’EPS. Du coup, parfois, je me dis vas-y, teste. Commence à courir et observe, sans jugement. Mais ce sont les autres qui vont me juger. Voir une petite patate toute rouge et transpirante s’effondrer au bout de 300m en se malaxant le point de côté, quel spectacle.
L’infinie course… de 500 m
Pourtant, qu’est-ce que j’en sais ? J’ai pas dû courir depuis 30 ans. Sauf après le tram, parfois. Option “je dois traverser une rue où les automobilistes refusent de te laisser passer au passage piéton”. Je me souviens, quelque part en 2013, j’avais suivi des cours de cross-fit ou équivalent offerts par un prestataire. C’était sympa, on les faisait en bord de Seine s’il faisait beau. Sauf que pour aller là-bas, il fallait… courir depuis l’agence. Environ 500m. Et j’étais en panique, ça me paraissait soudain si loin, le sol si dur… Alors que ce trajet, je le faisais souvent à pied. Je le connaissais.
Et pourtant, je suis capable
Et là, on situe le souci : la tyrannie du mental. Je vais détailler ça dans mon prochain article mais en gros : je pars du principe que je ne suis pas capable. Faire un cours de cross-fit, oui. D’ailleurs, oui, je l’ai tenu le cours. J’en ai chié, j’ai craché du sang, marché bizarrement pendant une semaine. Mais à part les pompes inversées en se tenant sur le rebord d’un banc, j’ai tenu. Mais courir 500m, non, c’est la panique. Alors que je l’ai fait finalement. Je suis arrivée rouge et essoufflée mais je l’ai fait.
Je me croyais incapable de faire du vélo
Ça me rappelle ma relative détestation du vélo au départ. A un moment, il me paraissait évident que je n’étais pas faite pour le vélo vu que je galérais tout le temps. Un changement de vélo plus tard, je suis partie avec mon amoureux en vacances vélo. Bon, on ne faisait que 30 kilomètres par jour, pendant trois jours, mais avant mon changement de vélo, je ne me serais pas crue capable. Parce que j’ai cette croyance limitante forte que je ne sais pas tenir la distance. Pas tout à fait une croyance, il y a un fond de vérité. Le problème n’est pas que je ne suis pas résistante mais plutôt… que je ne sais pas doser mon enthousiasme. Je pars toujours à fond, je n’en garde pas assez sous la pédale… et je cale.
Paniquer pour une activité qu’on fait régulièrement
J’ai un autre souvenir en rayon. Un séjour plongée où nous nous étions perdues sous l’eau avec Anais et une autre meuf dont je ne me souviens ni du visage ni du prénom. On a dû ressortir à maximum 500m du bateau. Et bien j’ai cru que je n’arriverais jamais à y retourner. Alors que j’avais tout l’air dont j’avais besoin dans ma bouteille et que j’allais régulièrement à la piscine nager un kilomètre ou deux à l’époque. Alors certes, nager 40× 25m dans une piscine, ce n’est pas pareil que nager 1 km en mer. Et oui, il aurait fallu redescendre un peu pour nager sous l’eau, c’est plus facile mais mon tunnel de pensées était bloqué sur “je ne suis pas capable de rentrer à la nage”. Vous vous doutez que si vous lisez cet article aujourd’hui, c’est que j’ai parfaitement réussi. Sans même boire la tasse.
S’imaginer des incapacités
Je parle de capacités physiques ici car ce sont des exemples évidents mais ça marche pour des choses plus artistiques ou intellectuelles. Ou même plus prosaïques. Par exemple, durant mes années fac, je m’inscrivais à des agences interim pour gagner quelques sous. Non, je n’ai été appelée qu’une fois et ça a tourné court :
“Vous n’êtes pas allergique au pollen ?
– Bah si.
– Ah ben, c’est mort alors.
– Même si je prends un antihistaminique ?
– La mission étant de depolliniser des tournesols, ça ne va pas suffire…”
Oui, là, je ne suis pas bloquée par une croyance limitante mais par un fait. Par contre, dans la liste des métiers que je ne pensais pas pouvoir faire, il y avait serveuse. Parce que je me considère maladroite et j’entendais déjà la pile d’assiette se fracasser au sol. J’avais raconté ça à ma mère qui avait décrété que je me dévalorisais. Et il est vrai que je me classe très facilement dans la catégorie maladroite alors que dans les faits, pas tant que ça ? Moins qu’une héroïne lambda de comédie romantique, en tout cas.
Je ne suis pas capable d’avoir une jolie écriture
Bref, partir du principe qu’on n’est pas capable, c’est s’assurer l’échec. On n’est pas capable de tout, bien sûr. J’ai beau vouloir depuis des années avoir une belle écriture, je n’y arrive pas. Parce que je ne sais pas tenir un stylo, que je suis très vite frustrée de ne pas écrire aussi vite que je pense. Comme dans la nouvelle Le grand bazar : finale de Stephen King, oui. Bon, écrire mal en ces temps où l’écriture manuscrite est de moins en moins utilisée, j’ai envie de dire, on s’en fout. Je pourrais même écrire des choses secrètes avec mon écriture bardée d’abréviations que je suis la seule à savoir déchiffrer, personne ne comprendra. Je n’exagère pas. Un jour, un stagiaire tombant sur mon cahier d’écriture me demanda si j’apprenais le chinois. Mon mec, sur le même carnet “tu écris en hiéroglyphes” ? Non, non… Même si certaines de mes abréviations sont effectivement des sortes d’idéogrammes. Genre Roi qui est un R surligné (c’est la couronne) et Dieu, un D surmonté d’un petit rond. Avouez, c’est bien trouvé.
Teste pour voir de quoi tu es capable
Bref, autant il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir, autant décréter dès le départ qu’on n’est pas capable est le chemin royal de l’échec. Plutôt que de partir sur un “je ne suis pas capable”, partons sur un “voyons voir si je suis capable”. Au pire, la réponse sera non. Et je crois même qu’on doit réessayer de temps en temps. Comme les aliments que l’on n’aime pas. Moi, j’ai mis trente ans à aimer les tomates, par exemple. Et maintenant, la tomate mozza, c’est mon it de l’été. En résumé : vous êtes sans doute plus capable que ce que vous pensez. Partez du principe que tant qu’on ne teste pas, on ne sait pas. Par exemple, je ne me serais jamais cru capable de faire des inversions en hamac yoga et finalement… Même, je ne suis pas à l’abri de me lancer un jour dans un tour du lac en courant. Par contre, je ne garantis pas que j’aimerai ça.