Quand les angoisses encouragent le mysticisme

Quand les angoisses encouragent le mysticisme

Cet article pourrait s’appeler “ok, les rationnels, on sait que tout ça, c’est des conneries. Mais quand on est très angoissé, parfois, on a besoin d’une béquille”. Mais c’est vraiment trop long comme titre. Je suis quelqu’un d’angoissée et plus j’avance dans la vie, plus j’ai l’impression que ça empire. Alors là, je traverse une massive crise de type “alors que revoilà le chômage”. Et ma raison, elle a du mal à tout gérer correctement. Du coup, en cas de crise majeure, j’ai la tentation du mysticisme. Alors que j’y crois même pas.

Tomber dans le mysticisme quand on vit une crise de vie
(c) Ashley Inguanta

J’ai toujours bien aimé les histoires de signes. J’en vois très souvent. J’essaie de me concentrer essentiellement sur les signes positifs, par contre. Même si ce n’est pas toujours facile. Là, par exemple, j’ai l’impression que ma vie me fait un remake de ma période noire 2011-2012 où j’ai enchaîné les déconvenues professionnelles, que je me suis cassé la jambe, que j’ai eu des ruptures pas ouf et que ma meilleure amie a disparu dans les limbes de sa relation toxique. Et ma grand-mère est morte un 24 décembre, aussi.  Donc, là, quand je repère certaines répétitions, je commence à paniquer un peu. Disons que je préfère m’accrocher au moment où tout a été mieux, vers la fin 2012. J’ai rise like a phoenix. Et je vous cache pas que là, j’ai un peu hâte d’arriver à cette étape.

Pourtant, des signes positifs, j’en vois. Genre un coquelicot qui pousse pile en face de mon jardin là où il n’y en avait jamais eu. Ou ce petit chat aperçu alors que j’étais dans la piscine de la salle de sport. Un matin d’arrêt maladie, à un horaire où je ne suis pas là en temps normal. A un moment où j’étais appuyée contre le mur à regarder dehors en attendant le prof, attitude que je n’ai jamais. Alors oui, vous allez me dire “non mais tu as vu un chat et so what ? Des chats, y en a partout”. C’est vrai. Mais c’est là que s’illustre mon mysticisme : je cherche à me rassurer à tout prix.

Coquelicot joli

Dernier exemple, celui qui m’a inspiré cet article. Dans un moment de grande inspiration, je vois passer une annonce et je sens que je dois postuler. Certes, c’est pour être responsable acquisition alors que j’ai dit que je ne voulais plus faire ça. Mais j’ai une intuition. Parce que le recruteur, je suis passée devant leur immeuble quelques jours plus tôt et je me suis dit “hé mais ce serait trop bien de bosser là”. Et puis, j’ai le profil. Je postule et je chope direct un entretien. Sauf que je suis encore en arrêt maladie et que je ne sais pas du tout  comment va se dérouler ma fin de contrat et surtout sur quel tempo. Je prépare mon entretien correctement mais je suis stressée. Angoisse de mon futur départ sur angoisse d’entretien, mon corps n’est pas content. Alors pour me rassurer, je suis allée faire un tirage de tarot sur un site à la con. Je n’y crois pas, hein. Mais j’avais besoin d’une petite tape dans le dos.

J’aurais pu la jouer à pile ou face. Reprendre mes jeux d’adolescente. Vous savez, quand on met sa playlist en mode aléatoire et qu’on se dit “si la prochaine chanson, c’est celle-là, ça veut dire qu’il m’aime et qu’on sortira ensemble”. Ce qui marchait beaucoup mieux quand j’étais ado avec mon discman contenant un CD de dix à quinze titres. Là, avec ma playlist de 48h…  Mais même si ma playlist de 48h me donnait pile la chanson que j’attendais, ça ne voudrait toujours rien dire, bien sûr. Mais je suis une putain d’angoissée et j’ai besoin de béquilles, même les plus absurdes. Moi, il me suffit d’une coccinelle qui me marche dessus, ce qui arrive assez souvent, pour me dire que la vie me fait signe : ça va aller mieux.

Coccinelle

Souvent, je dis que j’aimerais une télécommande de la vie pour faire des avances rapides. Soit pour sortir d’une période pénible, soit pour m’assurer que la suite de l’histoire sera positive. Qu’un happy end m’attend. Je ne sais pas prendre rationnellement une crise. En fait, je ne sais pas juste vivre une situation difficile. Je compile mes souvenirs pour retrouver un pattern. Me rassurer sur le fait que j’ai déjà vécu ça et que ça a ouvert sur quelque chose de cool. Je pense même que c’est normal. Que tout le monde fait ça. 

Et si je suis toujours craintive de toutes les dérives potentiellement sectaires de l’ésotérisme, j’ai un peu de mal à critiquer violemment les gens qui tombent dedans. Il y a toujours une forme de mépris face aux crédules. Un ton très condescendant des rationalistes tendance zet’, qui se moquent littéralement des croyances des autres. Oui, parfois, c’est farfelu. Oui, il faut dénoncer les gros business qui prolifèrent derrière nos insécurités. Et oui, il faut même prévenir certains dangers. Mais est-on obligé de le faire en se moquant de ceux qui tombent dedans ? De ceux qui se bricolent des solutions face à l’absurdité de la vie ou de sa violence. Vous iriez vous moquer de quelqu’un qui se met croire en une vie après la mort après avoir perdu un être cher ? Surtout qu’être rationnel n’est pas un signe d’intelligence supérieure, calmez-vous. C’est juste le signe que vos béquilles sont ailleurs. Et on peut parler de tout ça sans malveillance ou mépris. Je vous renvoie aux vidéos de Julie qui est justement sortie de tout ce qui touche au new age et qui analyse son parcours. Et je souligne particulièrement cette vidéo où elle exprime sa détresse face à la perte d’un système de croyance rassurant.

Un petit port en Turquie, oeil Nazar Boncuk

Alors comprenez bien. Je me raccroche à un certain mysticisme pour me rassurer. Un mysticisme qui ne résiste à aucune analyse puisque si on me demandait qui envoie les signes que je perçois, je répondrais quelque chose comme “euh, pffff, la vie ?”. Mais je suis terrifiée. J’agis comme quand j’étais petite et que la seule arme que j’avais trouvé pour faire face à l’orage qui me faisait peur, c’était de m’accrocher à mon traversin. Me demandez pas pourquoi. Réponse irrationnelle à une peur irrationnelle. Mais ce mysticisme ne m’empêche pas d’agir. Je ne suis pas à me dire “ah ben une coccinelle vient se poser sur moi, c’est cool, j’ai qu’à attendre que ça aille mieux”. Non, je reste active. L’entretien que j’ai décroché, je l’ai préparé par exemple. D’ailleurs, est-ce que mon intuition a eu raison de me pousser à postuler ? Vu que j’ai pas dépassé le stade du premier entretien, non. Par contre, ma raison est satisfaite de l’avoir fait car j’ai bien défendu mon bifteck. J’ai été claire dans mon parcours, fluide dans mes explications. Je crois que là où j’ai perdu le truc, c’est quand j’ai dit que je ne savais pas si mon préavis pouvait être réduit. 

Préparer un entretien, jeune femme travaille sur un ordinateur
(c) Annie Spratt

Bref, en attendant, je vais lancer ma playlist pour voir. Si ça me joue “Ah ça ira” de Gojira ft. Marina Viotti, c’est que, effectivement, ça va aller. 

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