Pour être heureux, ne surestimes pas ta place dans le monde

Pour être heureux, ne surestimes pas ta place dans le monde

Oh, un volet surprise de ma mini série d’article “tu es quelqu’un d’ordinaire et c’est cool”. Surprise parce que je n’y avais pas réfléchi avant de tomber par hasard sur le stream d’un Twitcher gauchiste. Quoi ? En gros, j’écoutais distraitement un react de Mathieu Burgalassi à une émission Youtube qui traitait du bonheur sauce coach de vie. En gros : “pour  heureux, il faut s’accomplir”. Djizzzzz. A un moment, discussion entre Burgalassi et ses viewers sur comment être heureux face à l’absurdité du monde. Et là, réponse “se souvenir qu’on n’est pas responsables de tout ça”. Notre place dans le monde, elle n’est pas décisive.

Ma place dans l'univers
(c) Thomas Scott

Je me définis tout le temps comme quelqu’un de très dichotomique. Un rayon de soleil et je danse la vie, un jour gris et je suis au bord du gouffre. J’exagère à peine. Mon bonheuromètre connaît donc de grandes oscillations, selon où je place le regard. Vie pro : nuageux. Vie perso : grand soleil. Etat du monde : cyclone destructeur. Littéralement, pour le coup. J’en viens, parfois, à culpabiliser d’être du bon côté de la médaille. J’ai tout ce dont j’ai besoin et même plus. Quand certaines personnes passent plusieurs jours sans manger, moi, je peux me commander en burger en livraison passé minuit. Enfin, je suppose, j’ai jamais testé vu que j’ai rarement faim passé 22h. On vit une ère globale assez compliquée à comprendre. On a une conscience aiguë de tout ce qu’il se passe partout, tout le temps. Et en même temps, on lit des articles sur la famine entourés de pub pour Burger King. Comment tu veux que ça ne surchauffe pas un peu dans nos caboches ?

Le monde est moche. Est-ce nouveau ? Non. La famine et la maladie n’ont certes pas attendu le XXIe siècle pour apparaître. On peut certes souligner que le réchauffement climatique, l’élevage intensif, la déforestation, l’artificialisation des sols apportent leur lot de drames. La fatalité des catastrophes naturelles est aggravée par nos actions. C’est prouvé et si on pouvait arrêter de donner le micro, voire le pouvoir, à des abrutis qui prétendent le contraire, tout irait mieux dans le meilleur des mondes.

Terre asséchée
(c) Paul Robert

Le réchauffement climatique, justement, arrêtons-nous deux minutes là-dessus. C’est exaspérant de voir que ça fait cinquante ans que le problème est identifié et suffisamment popularisé pour qu’il donne lieu à des dystopies. Soleil vert, Logan’s run, Ecotopia… Tout ceci a été écrit et/ou filmé avant ma naissance. La question des ressources alimentaires, Malthus la posait dès le début du XIXe siècle. Et pourtant, on en est encore à se chamailler et se justifier de ne faire aucun effort. On prend la voiture pour moins de 2 km en hurlant aux gens qui prononcent le mot vélo qu’on attend de les voir déménager un frigo avec leur biclou. Question : pourquoi les automobilistes ont l’air de déménager des frigos ou des armoires normandes tous les week-ends ? D’autres expliquent qu’ils prennent des longs courriers plusieurs fois par an car ils ont besoin de soleil en hiver sinon c’est la déprime. Et tu me dis ça à moi, Jessica ? A moi qui peut passer d’un “la vie est formidable” à “c’est quand que ça finit tout ce bordel ?” à cause d’un plafond nuageux qui tape l’incruste ?

Et puis il y a les pragmatiques, ceux qui expliquent que tout ça ne sert à rien. Qu’on pourra pisser autant que l’on veut sous la douche, ça ne compensera pas la pollution des grandes industriels. Pourquoi nous priver de vacances lointaines quand Taylor Swift prend son jet privé comme moi, mon vélo ? Après tout, n’est-il pas un peu prétentieux de penser qu’à nous seul, on peut changer la donne ? Ma place dans le monde n’est pas si centrale et je ne peux être tenue responsable des malheurs du monde. 

Pollution aéronautique
(c) Nick Fewings

Et c’est vrai. Du coup, je pars à Dubaï pour Noël, bisous ! Non, je plaisante. L’idée derrière cette juste place dans le monde, ce n’est pas tant de se laver les mains que de relativiser. Non de se réfugier dans la passivité mais d’agir à son niveau sans forcément chouiner parce que l’effet papillon n’est pas massif. Par exemple, je ne suis pas forcément responsable de la destruction de certaines régions du monde pour produire de l’huile de palme ou du soja destiné à l’alimentation de bovins. Par contre, je suis responsable de ma consommation de viande rouge et d’huile de palme. Je ne suis pas responsable des déplacements en jet de tel ou telle socialite qui a pour principal talent d’être bien né·e. Je suis responsable de mes propres trajets en avion. Surtout ceux qui m’amènent glander sur une plage pendant une semaine. Je suis responsable de prendre ma voiture pour de petits trajets qui se font très facilement à pied, en vélo ou en transport. Voyez l’idée. 

Je suis souvent dévastée quand j’ouvre le journal par tout ce qu’il se passe mais ai-je une réelle responsabilité là-dedans ? Je pourrai me lamenter tant que je veux de la réélection de Trump, je n’avais aucun pouvoir là-dessus par exemple. J’aurais pu écrire des dizaines d’articles ou des vidéos sur le sujet, même en anglais, dirons-nous, je ne vis même pas là-bas. Je n’ai aucune autorité. Ca n’empêche pas de vivre en fonction de ses valeurs, bien sûr. D’espérer même donner un exemple qui sera suivi. Quand je dis que je limite mes voyages en avion, je ne présente pas ça comme ça. Je ne joue pas la carte de la culpabilisation, qui ne fonctionne jamais, ou un choix courageux car un peu punitif quand même. Je ne dis pas “cette année, on a hésite entre la Grèce et la Camargue mais l’avion, c’est mal alors on s’est privé”. Non, je dis “t’as vu, c’est beau la Camargue. C’est beau la Dordogne.” Et puis je rappelle à quel point c’est chiant de prendre l’avion. Pas par calcul ou autre : c’est vraiment pénible de prendre l’avion

Vol au-dessous des éoliennes

Alors voilà, ça sonne un peu comme une résolution mais je crois que petit à petit, je dois me rappeler qu’elle est ma juste place dans le monde. Et, spoiler, elle n’est pas au centre. Je peux avoir un peu d’influence sur mon entourage mais : n’est influencé que celui qui veut être influencé, déjà. Ca aussi, c’est important de se rappeler : tu pourras prêcher tant que tu veux pour ta paroisse, les gens changent rarement d’avis. Surtout pas instantanément. Ne pas arriver à faire de votre oncle tradi-catho un fan absolue de Mélenchon n’est pas un échec. Si vous avez déjà fait en sorte qu’il ne tienne pas le crachoir pendant une heure pour étaler sa LGBTphobie, ce sera une victoire, finalement.

Comme dirait ma psy, on n’est pas responsable de ce que les gens ressentent. On peut étendre ça à “on n’est pas responsable de ce que les gens pensent, font ou votent”. Oui, l’élection de Trump me fait chier. La réussite de mecs totalement incompétents et peu futés comme Musk ou Macron me fait chier. L’existence de Robert, mon PDG médiocre, colérique et con premier degré heurte mes croyances personnelles. Mais à mon niveau, il n’y a rien à faire. Même Robert, je ne peux pas le faire chuter de son trône. Je dois l’accepter. C’est ainsi que je pourrai être un peu plus heureuse.

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