La tyrannie du mental

La tyrannie du mental

Qui est votre pire ennemi selon vous ? Pour moi, c’est clair : c’est moi. Ou plutôt mon mental vicieux qui aime me faire angoisser. Mon cerveau adore se raconter des histoires, tout le temps. Une imagination débordante, une machine à fantasmes ultra-performante. Fantasme au sens premier du terme, je ne parle pas (que) de cul. Mon mental, vicieux, aime bien les histoires qui font peur et vient régulièrement me terroriser pour aucune raison, me noue la tripe alors que je n’avais rien demandé. La tyrannie du mental.

La tyrannie du mental ou comment se créer des angoisses
(c) Brooke Cagle

Ce printemps, j’avais suivi une formation contre le stress avec ma super coach emploi. Dès les premiers échanges, il semblait que j’étais la Reine des angoisses d’anticipation. Je vis dans le stress de ce qu’il pourrait se passer. Parce qu’il me semble que l’anticipation est la clé du succès. La faute aux fictions en mode “il faut toujours un plan B”. C’est rigolo les plans B en fiction, ça amorce des plot twists. Des fois un peu abusés mais passons. Sauf que dans la vie, il n’y a pas toujours de plot twist. Ou, quand il y en a, on ne l’avait pas forcément vu venir. Genre t’es embauchée dans une boîte sympa et plot twist, rachat. Et double plot twist, le PDG est un crétin sans filtre ni réflexion. Ahahah. D’ailleurs situation qui a un peu fait vriller mon mental car je ne savais que faire. Fuir ou rejoindre les teams happiness (fait) et RSE (fait aussi) ? 

Je vis donc dans le futur. Un futur soit extatique où je fais mille choses de façon peu réaliste au vu de mon temps et de mon énergie disponible. Mais souvent un futur noir où il va forcément m’arriver des embrouilles. Pessimiste, moi ? Pas vraiment. Je ne me définis pas comme ça, en tout cas. Je suis la somme de mon éducation où, dans mon foyer, les choses bien n’arrivent qu’aux autres et qu’on a, en prime, la grosse poisse. Que quand tout va bien, on commence à attendre la catastrophe car “ça ne peut pas durer”. En cas de poisse, inhérente à la vie, mon mental me joue deux partitions. En un : la complainte. Evidemment que ça me tombe dessus, c’était trop beau, appelez moi la Reine de la galère… Et en 2, le refrain du courage. Allez, meuf, te laisse pas abattre, tu t’en sors toujours. Et c’est vrai, en plus. Genre l’an dernier, quand j’ai perdu mon job et que j’en ai retrouvé un en à peine dix jours alors que je n’avais pas vraiment commencé à chercher. 

Et soudain, la vie est belle
(c) Anna Demianenko

Mais la tyrannie du mental peut me gâcher la vie. Déjà parce que ça me pompe de l’énergie que je n’ai plus pour des trucs plus cools et épanouissants. La tyrannie du mental, c’est, par exemple, ce qui manque de me faire pleurer au bureau parce que mon vieux chat a eu une baisse de forme. Oui, à 20 ans, mon chat est plus proche de la fin que du début, certes. Mais c’est ma compagne de vie depuis une double décennie, je vais pas prendre son départ avec calme et sérénité. Cependant, mon mental a trouvé intéressant de me jouer le film de sa mort et j’ai vraiment senti mes yeux s’humecter. La même avec mon mec parti en vélo qui a oublié de me dire qu’il était arrivé à bon port. Je commençais à l’appeler frénétiquement en me disant que s’il avait eu un accident, peut-être que quelqu’un verrait son téléphone sonner, répondrait et me préviendrait. Y a une fois comme ça où il a mis une heure à m’informer qu’il était arrivé (trajet de 30 mn). J’étais en panique totale parce que je ne savais pas l’adresse du lieu où il était allé donc je ne pouvais pas enfourcher mon vélo et aller vérifier qu’il n’avait pas eu d’accident. Accident que mon mental a très bien su me représenter.

Je pars donc du principe que quelque chose va couiller. Je le fais malgré moi. Ce qui peut m’inciter à ne pas faire certaines choses. La fameuse peur d’avoir peur. Alors j’ai renoncé à l’idée de faire du saut en parachute. Dans l’absolu, je peux très bien vivre sans cette expérience. Mais parfois, ça peut m’empêcher de me lancer et nourrir après du regret. Ah oui, la tyrannie du mental, ça ne se limite pas à des coups d’aiguille dans notre cerveau, ça peut aussi se lancer dans du mijoté de ressentiment. Et alors là, ça peut partir loin. Lors de ma (tentative de) reconversion, j’en étais à regretter de pas avoir fait d’études de maths statistiques qui m’auraient permis de travailler dans le monde des études et du data journalisme. Sauf que bon, quand j’ai passé mon bac au siècle dernier, je doute que le data journalisme était quelque chose de concret. Et je n’avais pas idée que les études de marché et compagnie pouvaient m’intéresser. Ce qui est fait est fait. 

Ne t'engage pas sur ce chemin
(c) Roger Bradshaw

Comment se sort-on de cette tyrannie du mental ? Franchement, je ne suis pas sûre. Sur les angoisses, je peux me raisonner. Mon cerveau fait son petit travail : tais-toi, Mental, ça va aller. Ce que je disais plus haut : ça va le faire. Quand je panique au boulot parce que j’ai une nouvelle tâche à accomplir, je me souviens. Dans ma carrière, j’ai été confrontée à ces situations. Il suffit de trouver une méthode, d’analyser les faits… Soyons rationnels. Et n’oublions pas une chose : mon métier, il n’a jamais sauvé des vies. Si je me rate, y aura certes des clients mécontents et des échanges potentiellement désagréables mais ça en restera là. Personne ne va mourir. Ce travail n’est pas important dans la vie des gens et je dis vraiment ça sans mépris ou dévalorisation. Ce n’est pas le plus important. Bon, après, c’est facile d’écrire ça un dimanche sur son canap’ avec zéro client qui me crie dessus, c’est sûr. 

se détendre sur son canapé le dimanche
(c) Vitaly Gariev

J’ai souvent tendance, quand mon mental décide de me torturer, surtout au coucher, de l’envoyer sur autre chose. Tiens, imagine l’intrigue de mon prochain roman que je n’ai toujours pas commencé à écrire. Au pire, réfléchis à un autre article. Le mental, il est comme nous : à trop végéter, il fait n’importe quoi. Donc je l’occupe comme je peux. Puisque mon imagination est quelque chose de très fort chez moi, essayons d’en tirer du positif. De la même façon, il ne faut pas que je me flagelle à outrance. Oui, les angoisses d’anticipation, c’est de la marde. Mais anticiper certaines difficultés, c’est bien aussi. Surtout pour une stakhanoviste du positif comme moi. Je parle de tyrannie du mental mais en vrai, ce mental, il nous veut du bien. Le meilleur. Juste qu’il ne sait pas toujours doser l’intensité de sa communication. 

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