Arrête de te juger
Ca va bien ? Dernière ligne droite avant les vacances de Noël, celles que je ne supporte plus. Parce que c’est trop de bouffe, d’alcool, d’interactions sociales et de trains à prendre pour une période où j’ai juste envie de glander chez moi. Des vacances qui vont me laisser sur le carreau mais heureusement, y a la semaine suivante où je serai à peu près seule au boulot donc on va y aller en douceur. Bref, on va arriver à la période des chocolats et des bonnes résolutions mais avant, j’ai envie de vous parler d’un réflexe qui pourrit bien la vie, celui qui t’encourage à te juger. Et à partir du mauvais pied.
Se juger, c’est s’auto-saboter
Depuis septembre, j’ai donc débuté des cours de comédie musicale. J’en suis ravie. Comme on est un relatif petit groupe, entre huit et dix, on a droit à des séances de coaching personnalisés. Pendant dix à quinze minutes, on chante donc devant nos petits camarades avec des consignes pour faire mieux. Moi, il paraît que je dois me détendre… Que je dois aussi travailler mon palais mou mais ça, c’est une autre histoire. Et puis, plusieurs fois, on entend ce conseil “arrête de te juger !”. Parce que, comme dirait ma prof “c’est là que commence l’auto-sabotage”.
Passion : se savonner la planche
L’auto-sabotage, je suis un peu l’experte. J’en avais parlé rapport à l’écriture, il me semble, mais je peux étendre ça à de nombreux aspects de ma vie. Le travail par exemple. Ou plutôt la recherche d’emploi. Récemment, je vois passer une annonce pour une boîte qui fait notamment du social listening, un truc que j’aime bien. Il est écrit en gros dans l’annonce “super fluent in english”. Dans un questionnaire automatique, on me demande mon niveau d’anglais, j’ai mis medium. Bon bah ce fut non sans même que mon CV soit téléchargé. Je me souviens d’un autre entretien où la recruteuse m’avait interrompue “je vous demande ce que vous savez faire, vous commencez par me répondre par ce que vous ne savez pas faire. Ca ne va pas.” Gloups.
Moi, nulle ? Absolument
Et les cours de comédie musicale, donc. L’autre soir, je devais chanter un chant biélorusse qu’on était en train de découvrir et je n’étais pas très à l’aise quand il faut passer individuellement dessus. Je bafouille un peu et quand c’est terminé, je lâche un “pfff, pas terrible”. Et donc la prof réagit “arrête de te juger. On est là pour apprendre”. Une dame qui est avec nous s’excuse toujours d’être nulle. Elle utilise ce mot “nulle”. Moi aussi, je l’utilise à mon égard, tout le temps. Essentiellement parce qu’il ne semble n’exister que deux états chez moi : parfaite ou nulle. Entre les deux, ça ne m’intéresse pas.
Ne pas attendre le succès pour ne pas être déçu
Cet auto-jugement a quelque chose de confortable en soi. Si je suis nulle, ce n’est pas grave si je me plante. C’est presque attendu. Un peu ce côté “je préfère m’attendre au pire comme ça, je ne serai pas déçue”. Moi, je fais souvent ça. Et, spoiler, je suis quand même triste et déçue quand ce que j’espérais ne se réalise pas, malgré les efforts que je peux y investir. Les efforts, justement, parlons-en. Partir du principe qu’on est nul et qu’on n’y arrivera pas permet de s’en dispenser. Pourquoi investir de l’énergie dans ceci ou cela alors qu’il est manifeste que nous n’avons aucun talent pour la chose ?
Des dons distribués dès la naissance
Alors point 1 : le talent est surtout une fable. Effectivement, on a certaines prédispositions, je ne dis pas. Mais le talent est souvent le résultat d’un travail, parfois acharné. Je partage une vidéo de Qu’est-ce qu’on lit sur le sujet que je trouve intéressante. Mozart avait-il un réel don pour la musique ou est-il le produit de l’acharnement de son père à lui apprendre la musique dès le berceau ? Léon Marchand est-il un brillant nageur ou l’est-il parce que ses parents, tous deux nageur·ses olympiques, l’ont inscrit à la natation dès son plus jeune âge. Venus et Serena Williams sont-elles des prodiges du tennis ou sont-elles championnes parce que leur père a tout investi là-dessus ? Je ne nie pas la valeur de ces personne, je propose juste une vision un peu différente du tableau. Et point deux : on n’est pas à l’abri d’une surprise en testant des univers où l’on ne se pense pas doués.
Peut-être que tu passes à côté d’une marotte
Je me suis longtemps considérée nulle en dessin. Aujourd’hui encore, je bave devant les réels Instagram de gens réalisant des aquarelles. Le fait est que je ne sais pas bien dessiner. Je fais toujours des gribouillis petits, étriqués, et que je perds très vite patience. J’avais donc fait le deuil de ma vie de dessinatrice jusqu’à ce que j’ai l’idée de me lancer dans le Powerpoint Art. Même si j’en ai pas fait depuis un bail. Pour 2025, je voudrais me remettre au vectoriel et me lancer dans des petites BD pour trouver ma technique et tenter ma BD Ofelia… ou ma dystopie Footloose, j’hésite. Bon, de toute façon, ce sont des projets plus dans ma tête qu’autre chose. Mais j’ai réussi à contourner un jugement négatif pour me découvrir une marotte.
Tenter un sport qui me fair peur
C’est pareil pour tout. La première fois que j’ai testé le Hamac yoga, j’y suis allée la boule au ventre car il y avait des inversions et, en terrifiée de la chute, je ne voyais pas comment je pourrais faire ça. Des trois pratiquantes, j’ai été systématiquement la première à tenter. J’ai fait confiance : d’abord à la prof puis en mes capacités. Depuis, je rage de ne pas avoir de cours à côté de chez moi ou pas trop loin parce que j’adore. Ca et le bungee fitness mais le seul cours en Gironde, c’est à Arsac. 1h45 de vélo, à peu près autant de transports, ahahah. Et le vélo, justement. Je suis toujours tellement dans l’auto-jugement que quand j’ai galéré pendant un an avec un vélo pourri, je n’ai jamais envisagé que le problème venait de la bécane. Je pensais que c’était juste moi qui étais nulle.
Se planter ou tenter quelque chose ?
Pourquoi tu dois arrêter de te juger ? Pourquoi je dois aussi arrêter de le faire ? Tout simplement parce qu’on crée les conditions parfaites de l’échec. Se lancer en se disant “de toute façon, je vais me planter” a tout de la prophétie auto-réalisatrice. Même si “se planter” n’est pas dramatique en soi. Faudrait que j’écrive un petit éloge de l’erreur, tiens. Que j’écrirai surtout pour moi vu que je peux tout à fait me flageller aux orties fraîches pour une coquille dans un mail pro. Mais surtout, il faut changer de point de vue. Essayer quelque chose, ce n’est pas “risquer de se planter parce qu’on n’a pas de talent”. C’est s’offrir la possibilité d’être surprise. C’est, potentiellement, tenter le meilleur de soi. Et c’est compliqué d’offrir le meilleur de soi quand on débute ou que l’on pratique peu. Je veux dire, oui, bien sûr que je suis loin du niveau d’une Céline Dion, Mariah Carey, Lara Fabian, Barbara Pravi ou je ne sais qui. Mais j’ai pris très peu de cours de chant individuels. Si je me lance demain dans l’apprentissage d’un instrument de musique, c’est pas à coup de une heure de cours par semaine et quelques entraînements à la maison que je vais devenir la Mozart de cet instrument.
Ce que les fées t’ont donné et pas le reste
L’auto-jugement, c’est la croyance un peu trop forte au talent immuable. Comme si on naissait avec un pool de talents et qu’on ne pouvait performer que dans ceux-là et pas dans d’autres. Que ceux qui ont un talent remarquable ont juste été touchés par la grâce ou par les fées, niant le travail qu’il y a derrière. Même si, ok, le déterminisme social joue quoi qu’il en soit. L’auto-jugement, c’est aussi croire que l’on se connaît par coeur, dans ses qualités ou ses défauts et que ça ne changera jamais. J’ai 44 ans, ce serait terrible de penser que je ne peux plus rien apprendre, que je ne peux pas investiguer de nouveaux terrains parce que j’y serais forcément nulle. Ca aussi : au pire, oui, je serai nulle dans un truc, même si la définition de nulle est hautement subjective. Et alors ? C’est mon droit, après tout. Et même si, demain, je décidais de mettre en vente mes dessins rabougris, qui ça dérangerait ? Au pire, personne n’achètera mais je n’aurai tué ou offensé personne. On a le droit d’être médiocre ou juste moyen.
Progresser, c’est la vie
Bref, arrête de te juger. Arrête d’avertir que ce que tu vas faire est nul. Arrête de te lancer en pensant que de toute façon, ce sera foiré. Si tu penses ça, effectivement… Et accepte la non-perfection. Si tu fais tout bien dès le départ, que te restera-t-il dans la vie ? Progresser, c’est aussi un joli chemin. A condition d’accepter que le rythme pour le parcourir n’est pas toujours soutenu. Allegro ma non troppo, comme dirait Mozart.