Activer le mode gentil
C’est gentil d’être gentil, c’est méchant d’être méchant. A peu près. Selon nos âges, on aspire à différentes choses. A 20 ans, j’aspirais à être quelqu’un. Sans trop savoir qui était ce quelqu’un. A trente ans, j’aspirais à l’aventure. Je voulais vivre un maximum d’expérience, voir un maximum de choses, apprendre. A quarante ans, j’aspire… à la paix. Pas dans le sens Miss France du terme. Même si, dans l’absolu, j’ose espérer qu’on aspire tous à ça. Non, je parle de paix de mon esprit et de mon âme. Je ne veux juste plus courir. Me poser dans un job peinard qui ne déborde pas sur ma vie perso, avoir un bon équilibre et… ne pas ruminer. Rien. Pas toujours évident et je ferai un article sur le ruminage, bon sujet. Mais si on ne peut échapper aux contrariétés de la vie, il y a des postures qui permettent d’alléger la bile. Notamment choisir la voie de la gentillesse. Et pas que en tenant les portes ou en cédant sa place dans le bus. On active le mode gentil pour tout.
Aider son prochain si on peut, c’est toujours sympa
Le mode gentil, c’est effectivement être serviable dans la mesure du possible. Je veux dire n’allez pas rater un rendez-vous important pour aller aider une personne sur le bas-côté de la route à changer un pneu alors que vous ne savez pas faire. Après, moi, je suis un peu la Reine de rester plantée à côté de quelqu’un qui a besoin d’aide sans trop savoir que faire, sans oser partir par pur soutien psychologique. Dosez un peu votre imaginaire sur ma dernière phrase. Si je vois quelqu’un en train de se noyer, je vais pas rester les bras ballants en lui criant « t’inquiète, je suis là en support moral ». En vérité, j’ai du mal à ignorer des gens qui ont besoin d’une assistance quelle qu’elle soit. Quand j’étais à Paris, je proposais souvent mon aide pour porter aider les personnes dans les escaliers du métro. Notamment les femmes seules avec une poussette. Parce que bon, je vois une personne galérer, ça va me faire « perdre » max 30 secondes à aider. Ce n’est rien. Et pour avoir été dans une situation de galère avec un gros carton sur un diable dans le métro, sachez que j’ai été aidée par… des femmes et des hommes racisés. Dont un qui a chopé mon barda, l’a porté en haut des escaliers et a disparu tel un Zorro du RER. Pas un mot, pas un sourire, pas un échange. Juste prendre mon fardeau pendant quelques instants. Bref, les gens qui ignorent les gens qui auraient besoin d’un coup de main ou d’un siège pour s’asseoir dans les transports en commun, ça m’a toujours fait vriller.
Un supplément sourire, merci
Je distribue assez facilement sourires et regards de connivence parce que ça fait du bien. A celui ou celle qui le reçoit mais à moi aussi. Petit exemple totalement idiot arrivé cette semaine. J’attends le tram dans une chaleur insoutenable quand soudain, je reçois quelques gouttes d’eau. Anxieuse de comprendre l’origine du truc, je regarde autour de moi et je vois une fille avec un brumisateur dans les mains, l’air embêté. Nos regards se croisent et elle bredouille une excuse. Moi, je suis soulagée de savoir que je n’ai bien été aspergée que d’eau donc je lui réponds un franc « ahah, non, c’est pas grave ! ». Et elle, de me répondre « Ca vous a fait du bien, au moins ? – Oui, c’était parfait, merci beaucoup. » Voilà, un échange anecdotique mais qui a donné le sourire à deux personnes. J’ai perdu de vue la fille en montant dans le tram et je ne la reconnaîtrai sans doute pas si je la recroisais. Mais je mets cette petite anecdote en face des micro-agressions que l’on peut subir dans les transports en commun et c’est un peu l’essence de ce que je veux raconter ici. Le mode gentil, c »est juste profiter de la moindre occasion de partager un moment sympa. Un truc un peu léger qui va faire du bien au moral. Alors que s’agacer de l’inconduite d’une personne dans ces mêmes transports va faire monter la bile et la tension. Bon, après, moi, je suis une droguée du brumisateur à la base.
Ne cultive pas la jalousie
De la même façon, activer le mode gentil, c’est se réjouir pour les autres de façon sincère. A l’ère des réseaux sociaux dans laquelle on patauge, il est très facile de se comparer à autrui. Trop, même. Et la jalousie surgit. Et pourquoi lui ou elle vit ça alors qu’iel ne le mérite pas. Ou la version « franchement, je mérite plus qu’ellui ». Déjà, je l’ai déjà dit, on ne sait rien de la vraie vie des gens hors photo ou vidéo postée sur les réseaux sociaux. Y a qu’à aller sur LinkedIn, l’empire des mythos qui ont l’air de tous gagner 10 kE par mois avec leur entrepreneuriat, on te pousse une success story à fond alors que… Récemment, j’ai eu un nouveau collègue éclair. Le mec se prétendait directeur d’une agence de comm. J’ai regardé : derrière le site vitrine, réalisé sur Wix, le vide. Toutes les photos de l’agence et des gens en train de travailler : du shutterstock. Aucune trace de cette agence sur societe.com. Comment j’ai eu l’idée de fouiller un peu ? Suite à un cas un peu similaire relevé sur BalanceTonAgency. On ne sait pas ce qu’il se cache derrière la surface. Bien sûr, parfois, on aimerait voyager autant que cette personne que l’on suit. Avoir autant de congés, d’argent, de réussite. Mais justement, à un moment, il faut admettre une chose : soupirer sur ce qu’on n’a pas et cultiver une certaine jalousie, un hate following, ça ne sert à personne.
Moi aussi, j’aimerais réussir
Un exemple précis : le monde de l’édition. Moi, j’aurais aimé avoir un roman publié, un jour. Point un : je ne m’en donne pas les moyens. Pour plusieurs raisons comme le fait que ma mythologie familiale peut se résumer à « nous, on n’a jamais de chance ». Le fait qu’il y a aujourd’hui beaucoup trop d’appelés pour si peu d’élus, que je n’ai aucun pied dans le monde de l’édition. Pas même une rognure d’ongle d’orteil, rien. Bien sûr que parfois, quand je lis un mauvais roman publié dans une maison d’édition à compte d’éditeur, ça me fait monter la bile. Bien sûr que je pourrais être dégoûtée de voir que Bruno Lemaire qui n’écrit pas super bien n’arrête pas de sortir des romans. Ou pire, Schiappa qui a vraiment un style pénible. Je pourrais même piquer leur livre dans un hôtel charmant de Camargue pour en faire du hate reading. Ou alors, je peux activer le mode respiration ventrale et me dire que les maisons d’édition ont besoin de money et que si Bruno et Marlène sont assez bankables pour permettre à la maison d’édition de prendre un risque sur un.e petit.e auteurice, ma foi. Oui, je sais que ça ne marche pas comme ça. Mais c’est pour montrer la différence entre le mode aigri et le mode gentil.
Lire des autrices à qui je souhaite du bien
D’ailleurs, cet été, je suis passée en mode autrices contemporaines françaises. Après Melissa Da Costa que j’ai bien aimée et qui, je trouve, a une tête à ce qu’on ait envier d’être instantanément son amie, j’ai découvert Marie Vareille que j’aime vraiment bien aussi. J’ai lu La dernière allumette que je conseille absolument et le Syndrome du spaghetti… qui m’a un peu moins enthousiasmée mais que je conseille aussi. Disons que si vous n’avez pas encore découvert Marie Vareille, commencez par le Syndrome du spaghetti puis La dernière allumette. Et je n’ai pas encore lu ses autres romans. Bref, la dernière allumette, je l’ai écouté en livre audio et à la fin, il y avait une interview d’elle. Et de suite, je me suis dit que cette femme me plaisait bien. Que je la la trouvais plutôt simple, claire dans ses propos. Elle m’a redonné envie d’écrire et même de me trouver des cours d’écriture car c’est ce qu’elle a fait pendant ses études aux Etats-Unis. Face au succès de Marie, je pourrais soit m’aigrir en mode « oui, c’est facile de réussir quand tu as des parents pétés d’oseille et le réseau qu’il faut ». Ou juste me dire que je l’aime bien et que j’espère que sa réussite se poursuive. Tout comme Melissa ou, dans un autre genre, Agnès Martin-Lugand, même si je n’ai pas été fan du seul roman que j’ai lu d’elle. J’en ai néanmoins attaqué un second pour ne pas me fermer. Déjà parce que j’ai envie de privilégier les plumes féminines.
Découvrir les choses avec sincérité
Quand je dis que je me lance dans un deuxième roman d’Agnès Martin-Lugand, il faut comprendre que je le fais parce que je suis prête à revoir mon jugement. Comme je me suis prévu de lire un deuxième roman de Guillaume Musso parce que j’en ai lu un y a quinze ans et que depuis, je fais trop ma petite merdeuse intellectuelle à base de « pfff, c’est trop nul ». Peut-être que je n’aimerai toujours pas mais au moins, je saurai un peu plus de quoi je parle. Et même, en mode gentil, il y a un basculement à faire. Déjà arrêter de dénigrer. J’ai des goûts, comme tout le monde. Il y a des choses que je n’aime pas. Des oeuvres qui me mettent même de mauvaise humeur. Comme « Une quelconque aventure« , un livre d’un auteur français très connu que j’avais trouvé médiocre. Déjà, à l’époque, j’avais critiqué ce livre sans le nommer ni donner le nom de son auteur car mon but n’était pas tant de descendre le monsieur que de souligner des tropes qui me rendent dingues. Il y a aussi de mauvais films qui me font juste perdre mon temps. Ou des chanteurs qui me vrillent les oreilles. Vraiment, j’admettrai qu’Aya Nakamura n’est pas victime de racisme le jour où Jul s’en prendra autant dans la tête qu’elle. Et je dis ça, j’aime vraiment bien Dja Dja qui est dans ma playlist et qui me fait me dandiner sur ma chaise. Mais toutes ces oeuvres qui m’ont déplu… je les ai regardées avec sincérité. J’espérais les aimer. Je voulais juste passer un bon moment.
Non au hate-machining
Quand je chouinais la semaine dernière sur la disparition de la bienveillance, il y a ça aussi : le hate-watching. Ou reading, listening, following, ce que tu veux. Il y a quelques années, j’ai été boudée par un gang de la twittosphère car je me suis agacée de leur méchanceté. Les meufs suivaient plusieurs blogueuses/instagrameuses juste pour les détester en collectivité. Au début, c’est un peu rigolo mais au bout d’un moment, il y avait quelque chose de fielleux, de franchement méchant qui m’échappait. Limite à se réjouir du moindre pépin des concernées, y compris de leur séparation d’avec une personne. Pour m’être pris un commentaire du genre « ah, ton ex a enfin compris qui tu étais et t’a larguée » lors de ma fameuse période noire 2010-2012, je peux vous garantir que personne n’a besoin de ça. Même si c’est vous qui êtes à l’origine de la rupture, vous n’avez pas envie que quelqu’un se permette de vous balancer que vous ne méritez pas le bonheur. Quand bien même l’avis de cette personne n’a aucune valeur.
Suivre des gens que j’ai envie de voir réussir
En fait, le mode gentil, c’est juste décider de ce que l’on a envie de se susciter comme émotion. Je préfère suivre des gens qui m’intéressent et que j’ai envie de voir réussir. Dans mon flux Insta, j’ai Eleonore Costes dont j’aime le travail. Même si j’ai pas encore vu Bouchon et que je dois acheter sa BD. Florence Mendez qui m’avait émue aux larmes et dont j’admire la force et le combat. Je dois acheter son roman. Audrey Pirault que j’aime juste bien et que j’aime encore plus depuis que je l’ai croisée dans un hôtel bordelais et qui m’a adressée un immense sourire. Et que j’ai entendu essayer d’expliquer à un mastodonte du cinéma français persuadé de savoir ce qui est correct ou pas en terme d’humour qu’il ne peut pas décréter si son humour est offensant ou non s’il n’est pas concerné. Ce jour-là, Audrey est devenue mon actrice française préférée. Elle a notamment joué dans Le visiteur du futur que j’étais contente de voir adaptée au cinéma parce que j’aime bien la bande French nerd et que je suis toujours contente de savoir qu’ils ont des projets, avancent dans leur vie pro. Notamment Slimane-Baptiste Berhoun qui a écrit Les yeux, un livre que j’ai bien aimé et réalisé Vortex, une série que j’ai également appréciée.
Préférer les gens qu’on admire aux gens qu’on déteste
Comprenez bien que le mode gentil, c’est pas un mode fan girl à crier d’enthousiasme dès qu’une personne pour qui on a une forme d’admiration fait un truc. C’est juste choisir de se réjouir plutôt que de détester. Et cette gentillesse, elle nous est d’abord destinée. Je considère que j’ai passé l’âge de me forcer et je veux que la timeline de mes réseaux sociaux reflètent ça. Ces timelines, j’y vais dans mes temps morts. Pour tuer cinq minutes ou pour me détendre un peu. Je n’ai pas envie que ça active la moindre montée de bile. Déjà que j’ai encore trop le réflexe de lire les commentaires et d’avoir envie de passer tout ça au napalm. Vraiment, on est déjà assez contraints de fréquenter des gens qui nous exasperent au quotidien, pourquoi s’en rajouter ?
J’ai pas le temps de détester
Alors, je sais que je suis pas dans la vibe “détester, c’est cool”. J’ai vraiment pas compris la hype sur une série comme Succession où le but, c’est d’écrire des personnages tellement détestables que tu vas adorer leur chute. Je vois le côté cathartique mais j’ai pas envie de cultiver ce jardin-là. D’être fière de mes clashes, de regarder un truc en collectivité juste pour me moquer. Mon temps libre est précieux et je préfère le passer à regarder des trucs qui m’apportent quelque chose. D’où mon agacement quand je regarde un truc nul.
Ne garder que les gens qui apportent de la joie
Alors j’active le mode gentil où je ne suis les gens qui m’apparaissent sympathiques et à qui je souhaite du bien. Si une personne commence à me crisper, je la mute ou je l’unfollow. Mais je ne la garde pas dans mon réseau en attendant qu’il lui arrive une merde pour passer en mode Schadenfreude. Je ne fais pas ça par pure vertu, moi meilleure que vous… Je le fais parce que la première personne victime de mes “envies” de méchanceté, c’est moi. Et puis tant qu’une personne n’a pour seul tort d’être con à mes yeux, y a pas crime.
Du baume au coeur
Bref, on a quitté le lycée, on devrait avoir compris que le bullying ne rend pas cool. Essayer de mettre du baume au cœur aux autres mais surtout à soi… C’est la voie de ma quarantaine. Et la semaine prochaine, on va parler dispute et bagarre.